Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat uni du transport, section locale 1229,
plaignant,
et

Autocars Acadien, société en commandite,
intimée.

Dossier du Conseil : 29065-C
Référence neutre : 2012 CCRI 654
Le 16 août 2012

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de M. John Bowman et Me David Olsen, Membres. Une audience a été tenue à Moncton (Nouveau-Brunswick), du 7 au 9 février 2012, les 23 et 24 mai 2012 et du 13 au 15 juin 2012.

Ont comparu

Me Cynthia D. Watson, pour le Syndicat uni du transport, section locale 1229;
Mes Nancy Barteaux et Amy Bradbury, pour Autocars Acadien, société en commandite.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Introduction

[1] Le 2 novembre 2011, le Conseil a reçu du Syndicat uni du transport, section locale 1229 (SUT), une demande d’ordonnance provisoire, ainsi qu’une plainte alléguant diverses pratiques déloyales de travail (PDT).

[2] Les questions en litige découlent d’affaires non réglées liées aux relations du travail, notamment en ce qui a trait aux négociations collectives, entre le SUT et Autocars Acadien, société en commandite (Acadien). Acadien exploite un service de transport interprovincial par autobus, et son siège social est situé à Moncton (Nouveau-Brunswick).

[3] Le Conseil n’a pas rendu d’ordonnance provisoire, en partie à cause d’un long lock-out qui a eu lieu chez Acadien du 2 décembre 2011 au 6 mai 2012 approximativement.

[4] La portée plus large de la première audience du Conseil tenue en février a changé après la fin du lock-out et la conclusion d’une nouvelle convention collective par les parties.

[5] Au départ, une plainte avait été déposée en vertu de l’alinéa 50a) du Code alléguant une violation de l’obligation de négocier de bonne foi, mais les parties ont informé le Conseil qu’elles n’allaient pas y donner suite.

[6] Le SUT a aussi indiqué qu’il n’allait pas donner suite aux allégations qu’il avait formulées en vertu de l’alinéa 94(1)a) concernant certains avis envoyés aux employés ainsi que de prétendues réunions à auditoire contraint. Les parties allaient plutôt se concentrer sur la plainte de PDT liée au congédiement par Acadien de M. Glen Carr, président de la section locale du SUT. Le SUT a maintenu sa position selon laquelle Acadien s’est ingérée dans l’administration du syndicat en congédiant M. Carr, en violation de l’alinéa 94(1)a) du Code.

[7] Les présents motifs de décision portent donc uniquement sur la situation de M. Carr.

[8] Le Conseil conclut qu’Acadien ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que les activités syndicales de M. Carr n’ont pas influencé sa décision de le congédier. Il ressort des éléments de preuve que c’est précisément la façon dont M. Carr exerçait ses fonctions syndicales qui a mené à son congédiement. De même, le Conseil conclut que, en congédiant M. Carr, Acadien s’est ingérée dans les activités syndicales légitimes du SUT.

[9] Voici les motifs de ces conclusions.

II – Faits

[10] M. Carr est chauffeur d’autobus. Acadien l’a embauché en janvier 2008. Environ six ou sept mois plus tard, le SUT a nommé M. Carr au poste de secrétaire du syndicat. M. Carr a aussi aidé le SUT en tant que délégué syndical.

[11] La convention collective précédente conclue entre les parties, qui était d’une durée de trois ans, venait à échéance le 31 décembre 2010. M. Carr avait participé un peu à la dernière portion des négociations relatives à cette convention. à son avis, les parties s’étaient finalement entendues grâce à la participation de dernière minute d’une dénommée Judy Sheehan. La pertinence de cet élément se précisera après que le Conseil aura examiné la chronologie des événements.

[12] Par la suite, M. Carr est devenu président de la section locale. à la fin de l’audience, il occupait ce poste depuis à peu près deux ans et demi.

[13] De la mi-mai 2011 au 24 octobre 2011, M. Carr n’a pas travaillé en raison d’une blessure subie au travail. Tout au long de cette période, au cours de laquelle se déroulaient les négociations collectives, il a continué d’exercer ses fonctions de président de la section locale.

[14] Au cours de l’audience, les deux parties ont attiré l’attention sur divers événements mettant en cause M. Carr, qui ont eu lieu en 2010 et 2011.

a) Événements survenus en 2010

[15] En janvier 2010, le Groupe Orléans, dont le siège social est situé au Québec, a embauché Mme Nancy Krisko comme vice-présidente des Ressources humaines. Dans le cadre de ses fonctions, Mme Krisko devait superviser les négociations collectives auxquelles participaient 11 sections locales différentes, y compris celle du SUT chez Acadien, à Moncton.

[16] En mars 2010, Acadien avait présenté une demande à la Commission de l’énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick (CESP) pour que des changements importants soient apportés à ses parcours d’autobus. La CESP supervise les parcours que doit assurer Acadien au Nouveau-Brunswick.

[17] Mme Krisko, qui n’a pas été contre-interrogée, a expliqué qu’Acadien souhaitait faire approuver des changements de taille qui aideraient l’entreprise à faire face aux pertes d’exploitation qu’elle subissait. La CESP n’a approuvé cette demande qu’en partie, ce qui, selon Mme Krisko, a eu une incidence négative sur la dotation en personnel chez Acadien. Acadien a dû continuer d’assurer certains parcours qui n’étaient pas rentables.

[18] Le SUT était partie à la demande initiale qu’Acadien avait présentée à la CESP en mars 2010. L’affaire allait causer des tensions plus tard en octobre 2010, à la suite de la décision d’Acadien de présenter une demande modifiée à la CESP.

[19] L’une des questions qui font actuellement obstacle à la relation entre les parties découle des courriels que M. Carr a envoyés à bon nombre, voire à la totalité, des membres du personnel de direction, aussi bien à Acadien qu’à sa société mère au Québec, le Groupe Orléans. Selon M. Carr, les problèmes n’étaient pas réglés à l’échelle locale. Dans son témoignage, il a indiqué qu’il voulait faire en sorte que tout le monde soit au courant de ces problèmes.

[20] Acadien trouvait perturbateur le mode de communication employé par M. Carr. L’entreprise aurait préféré que M. Carr ait recours à la procédure de règlement des griefs prévue dans la convention collective lorsque les discussions avec la direction à Moncton ne permettaient pas de résoudre le problème.

[21] Les parties ont pris part à une rencontre patronale-syndicale le 22 juin 2010 pour discuter de la question des courriels et d’autres points.

[22] Le procès-verbal d’Acadien pour la réunion du 22 juin 2010 résume l’introduction faite par la nouvelle vice-présidente, Mme Krisko, à propos de ce qu’elle souhaitait réaliser en améliorant les relations du travail et en établissant un processus de communication pour l’avenir :

Nous savons que des courriels irrespectueux et insultants, notamment pour ce qui est de leur nombre, de leur contenu et du ton employé, ont été envoyés dernièrement. Nous allons prendre des mesures disciplinaires à l’égard de tout comportement, langage et type de communication, y compris les courriels, qui seront irrespectueux.

La communication entre l’entreprise et le syndicat doit être structurée, organisée et respectueuse. Nous voulons traiter chaque problème avec respect et efficience, dans un délai raisonnable. Nous allons agir de manière proactive et améliorer le service que nous offrons à Acadien. Lorsque le syndicat souhaite aborder une question, l’entreprise lui demande de fournir des renseignements détaillés et organisés de sorte que nous puissions répondre correctement et en temps opportun.

Nous n’accepterons plus le courrier électronique comme mode de communication pour régler des questions liées aux relations du travail. Nous proposons d’utiliser le formulaire de grief si les questions en litige n’ont pu être réglées verbalement. Pour toute question concernant les chauffeurs, John Richardson est la personne à contacter. Aux fins de la procédure de règlement des griefs, John Richardson s’occupera de la réponse au premier palier, et pour les réponses au deuxième palier, John et Yvan Marcotte examineront la situation et prendront la décision ensemble.

Nous avons confirmé le poste et les responsabilités de John Richardson entre nous. Aujourd’hui marque un nouveau jour, et nous nous tournons vers l’avenir. John Richardson est le superviseur; il est le point de référence pour tout ce qui a trait aux chauffeurs, et c’est à lui qu’il appartient d’effectuer des suivis et de prendre des décisions. John relève directement de Yvan Marcotte, lequel est responsable du service des opérations. L’équipe chargée de la répartition a la responsabilité d’appliquer la convention collective au moment d’attribuer les tâches, et elle collaborera avec John lorsqu’un problème sera porté à son attention. Les autres gestionnaires de l’équipe des opérations ont eux aussi des employés à superviser, mais ils s’occupent aussi de dossiers en particulier :

  • Yves Chassé : relations du travail pour Orléans Express;
  • Éric Lessard : coordination des programmes de formation;
  • Francine Murray : supervision des employés affectés à la répartition;

...

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[23] Le 5 juillet 2010, Acadien a envoyé à M. Carr une lettre dans laquelle elle exprimait sa satisfaction générale à l’égard des discussions menées le 22 juin 2010, mais elle se disait aussi toujours préoccupée par les dernières communications de M. Carr :

Nous tenons à souligner que nous sommes satisfaits, de façon générale, de la rencontre tenue le 22 juin 2010, où nous avons réussi à régler de nombreuses questions. Nous devons toutefois préciser que notre déception ne cesse de croître depuis, jour après jour.

M. Carr, à la rencontre, les deux parties se sont clairement engagées à l’égard d’un processus pour le règlement des problèmes. Il n’a fallu que quelques jours pour que vous agissiez à l’encontre de notre engagement commun. Je dois vous envoyer cette lettre officielle pour vous faire part de l’ampleur de notre déception et pour vous informer que nous n’avons d’autre choix que de renforcer l’application de ce dont il a été convenu le 22 juin 2010.

  • Comme il en a été convenu, à partir de maintenant, vous n’enverrez plus de courriels et nous n’accepterons plus de courriels de votre part ni de la part de qui que ce soit à propos de questions liées aux relations du travail, pas plus que nous ne répondrons à ce genre de courriels. Notre convention collective prévoit un processus officiel pour le règlement des problèmes, et nous vous demandons de le suivre.
  • Comme il en a été convenu, nous tenons à souligner l’importance de fournir des renseignements détaillés lorsque vous soulevez une question. Vous avez accepté de fournir de tels renseignements le 22 juin 2010 lorsque nous vous avons expliqué que cela permettrait à notre équipe de trouver l’information requise et de vous répondre d’une manière plus efficiente et en temps opportun.
  • Nous avons aussi convenu le 22 juin 2010 que vous communiqueriez uniquement avec John Richardson et personne d’autre pour toute question concernant les chauffeurs. Là encore, nous avons découvert aujourd’hui que vous avez demandé à Éric Lessard de vous envoyer les feuilles de temps afin de valider les montants qui vous ont été versés (ce qui soulève une autre question, puisque vous avez déjà ces feuilles de temps en main, car c’est vous qui les remplissez et qui les envoyez au bureau de Québec).
  • M. Carr, lorsque nous prenons un engagement et que nous acceptons divers éléments et processus, nous prenons la chose très au sérieux. Pour que nous puissions être efficients et donner suite à notre engagement, vous devez absolument participer, comme il a été prévu, au processus en place. La façon dont les choses se déroulent actuellement entraîne davantage de frustration et de retard que nous le souhaiterions. De plus, il devient impossible pour l’entreprise de gérer les questions liées aux relations du travail comme elles devraient l’être : de manière efficiente et équitable et en temps opportun.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[24] Le 9 août 2010, Acadien a adressé une lettre disciplinaire à M. Carr concernant deux griefs que ce dernier avait présentés par courriel et dont il avait envoyé copies à plusieurs membres de la direction de l’entreprise. Ces griefs soulevaient une question relative à l’ancienneté et une préoccupation à propos du fait que des gestionnaires faisaient du travail relevant de l’unité de négociation :

Objet : Lettre disciplinaire

C’est une fois de plus avec beaucoup de déception que j’ai reçu vos deux courriels (voir pièces jointes) en fin de semaine.

Tout d’abord, il est devenu évident que vous n’avez pas l’intention de suivre le processus sur lequel nous nous sommes entendus le 22 juin 2010. Une partie de ce processus convenu suppose de suivre la procédure de règlement des griefs et de fournir tous les renseignements requis pour faire enquête sur les questions soulevées.

En ce qui a trait à votre premier courriel, les griefs seront traités par votre superviseur, comme nous vous l’avons souligné à la dernière rencontre patronale-syndicale, et si vous n’êtes pas satisfait de la réponse, vous pourrez présenter votre grief au deuxième palier. Votre grief fera alors l’objet d’une discussion à la prochaine rencontre patronale-syndicale (permettez-moi de vous rappeler que la date de cette rencontre a été reportée au mois de septembre 2010, à votre demande).

Pour ce qui est de votre deuxième courriel, je dois vous rappeler une fois de plus de suivre la procédure de règlement des griefs. Comme il en a été convenu le 22 juin 2010, nous n’accepterons aucun courriel en guise et lieu de procédure de règlement des griefs.

Deuxièmement, ce qui nous préoccupe davantage, c’est que le ton et le contenu de ces courriels nous semblent tout à fait inappropriés et irrespectueux et que vous faites clairement preuve d’insubordination.

John Richardson est le superviseur responsable de l’équipe des chauffeurs. Par conséquent, vous devriez discuter de tout problème lié aux chauffeurs avec lui, comme il en a été convenu le 22 juin 2010. Si John a besoin de faire appel aux autres membres de notre équipe pour traiter de questions ou d’opportunités, il le fera. Au deuxième palier, comme nous en avons aussi discuté, Yvan Marcotte décidera des mesures à prendre. Dans votre courriel daté du 7 août 2011 (11 h 11), vous n’avez rien respecté de ce qui précède, et vous avez aussi menacé de soumettre la question à M. Langis, président de l’entreprise, le 16 août 2010, plutôt que de respecter le processus et les gens en place.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[25] Le 17 août 2010, Acadien a imposé une suspension de un jour à M. Carr pour s’être absenté du travail sans autorisation :

Objet : Lettre disciplinaire

Aujourd’hui, vous avez reçu une lettre disciplinaire parce que vous avez fait preuve d’insubordination à l’égard de votre superviseur et d’autres gestionnaires de l’entreprise. Comme vous étiez en vacances, nous n’avons pu vous remettre la lettre avant aujourd’hui. Par conséquent, nous ne nous appuyons pas sur les mêmes éléments pour imposer cette mesure disciplinaire.

La semaine dernière (le mercredi 11 août 2010), le service de répartition vous a informé qu’il n’était pas en mesure d’approuver votre demande de congé pour le samedi 14 août parce qu’il n’avait personne pour vous remplacer; il vous a aussi dit que vous deviez téléphoner au plus tard le vendredi 13 août 2010 pour obtenir votre affectation. Le 11 août 2010, vous avez envoyé un courriel à l’entreprise pour l’informer que vous seriez absent le samedi 14 août 2010, et vous ne vous êtes pas présenté au travail. Par conséquent, vous vous êtes absenté du travail sans autorisation.

...

Votre comportement est tout à fait inacceptable. Vous êtes par la présente suspendu sans traitement pour une période d’un jour, le 24 août 2010.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[26] Également le 17 août 2010, M. Carr a reçu une deuxième suspension, de deux jours celle-là, parce qu’il aurait refusé d’utiliser un scanneur optique pour vérifier les billets des clients. Chaque partie a décrit sa position à l’égard de cet incident. Le Conseil ne joue pas le rôle d’arbitre dans ce genre d’affaires, mais il en fait mention simplement pour mettre les choses en contexte :

Objet : Lettre disciplinaire

Aujourd’hui, vous avez reçu une lettre disciplinaire datée du 9 août 2010 concernant l’insubordination dont vous avez fait preuve à l’égard de votre superviseur et d’autres gestionnaires de l’entreprise. Comme vous étiez en vacances, nous n’avons pu vous remettre la lettre avant aujourd’hui. Par conséquent, nous ne nous appuyons pas sur les mêmes éléments pour imposer cette mesure disciplinaire. Vous avez aussi reçu une lettre disciplinaire datée du 17 août 2010 concernant votre congé non autorisé. Comme nous vous avons donné cette lettre disciplinaire aujourd’hui seulement, nous ne nous appuyons pas, ici non plus, sur les mêmes éléments pour déterminer la mesure disciplinaire indiquée dans la présente affaire.

Nous avons appris que vous refusiez de suivre la directive de l’entreprise et d’utiliser un scanneur optique pour vérifier les billets émis à Moncton. Vous avez aussi conseillé à d’autres employés de l’unité de négociation de ne pas utiliser le scanneur. L’entreprise est en droit d’exiger que ses employés fassent ce travail et, en agissant ainsi, elle n’enfreint aucune disposition de la convention collective. En votre qualité de président de la section locale, vous connaissez bien le principe selon lequel il faut « travailler d’abord et se plaindre ensuite » en ce qui a trait à ce genre de question. Si vous, ou d’autres employés, êtes en désaccord avec la directive de l’entreprise, la procédure de règlement des griefs est à votre disposition.

...

Votre comportement est tout à fait inacceptable. Vous êtes par la présente suspendu sans traitement pour une période de deux jours, du 31 août 2010 au 1er septembre 2010...

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[27] Dans une lettre datée du 24 août 2010, Acadien et le SUT ont convenu de suspendre l’exécution des mesures disciplinaires imposées à M. Carr pour s’être absenté sans autorisation et avoir refusé d’utiliser le scanneur optique pour vérifier les billets, afin d’en discuter à la prochaine rencontre patronale-syndicale :

La présente confirme ce qui suit :

Durant la conférence téléphonique qui a eu lieu le 17 août 2010, le syndicat a demandé à l’entreprise de NE PAS signifier les deux lettres disciplinaires datées du 17 août 2010 à M. Glen Carr avant que la prochaine rencontre patronale-syndicale n’ait eu lieu. Ces deux lettres portaient sur les sujets suivants :

1) L’absence injustifiée de M. Carr le 14 août 2010 : M. Carr n’a pas reçu d’autorisation pour prendre congé ce jour-là.

2) Le refus de M. Carr de suivre la directive de l’entreprise et le fait qu’il a conseillé à d’autres employés de l’unité de négociation de ne pas utiliser le scanneur optique pour vérifier les billets.

L’entreprise accepte la demande du syndicat de ne pas prendre de mesures disciplinaires avant la prochaine rencontre patronale-syndicale.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[28] Le 24 août 2010, M. Carr a rédigé une lettre au nom du conseil exécutif du SUT à l’intention de M. Sylvain Langis, président de la société mère d’Acadien, le Groupe Orléans, à propos d’un problème de communication. M. Carr exprimait notamment des préoccupations à l’égard du fait qu’Acadien utilisait des scanneurs sans en avoir d’abord discuté avec l’agent négociateur :

Pour faire suite à nos discussions au cours desquelles il a été convenu qu’un dialogue ouvert était bénéfique au bon déroulement des activités et à la viabilité de l’entreprise, nous tenons à vous faire part de nos préoccupations à l’égard du manque flagrant de communication de votre part sur des questions touchant les activités.

L’utilisation de scanneurs pour vérifier tous les billets électroniques a commencé sans que nous en ayons discuté au préalable. Ce changement technologique a, pour les chauffeurs, des conséquences qui nécessitent d’être réglées dans le cadre de discussions. Il n’est que trop évident que les personnes qui prennent les décisions en vue d’apporter de tels changements ne tiennent pas compte des répercussions que ces changements peuvent avoir sur les activités.

Il en va de même pour la proposition de commencer à utiliser des scanneurs pour les bagages excédentaires et les colis. Il est évident que des discussions concernant la rémunération et les répercussions opérationnelles sont requises avant que de tels changements ne soient mis en oeuvre.

Cette absence de consultation suscite chez nos membres de grandes préoccupations dont vous devriez tenir compte afin d’éviter une détérioration complète des relations du travail avant les négociations.

Par conséquent, nous souhaitons vous rencontrer dès qu’il vous sera possible, et nous tenons à vous assurer que chaque membre de ce syndicat vise la viabilité d’une entreprise rentable.

Nous vous remercions et nous attendons votre réponse.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[29] M. Langis a répondu à M. Carr dans une lettre datée du 3 septembre 2010 dans laquelle il lui suggérait de discuter de ces questions à la prochaine rencontre patronale-syndicale :

J’accuse réception de la lettre des représentants du conseil exécutif de la section locale du SUT datée du 24 août 2010.

Comme vous pouvez vous en douter, la réception de votre lettre m’a incité à communiquer avec l’équipe de direction locale, et j’ai vite compris que les deux parties avaient des préoccupations sur lesquelles il fallait se pencher.

Le fait que vous me demandiez de rencontrer les membres du conseil exécutif de la section locale témoigne de l’ampleur de vos préoccupations. On m’a toutefois informé qu’une rencontre patronale-syndicale était déjà prévue pour le 16 septembre 2010. Sans vouloir vous offenser, je tiens à dire que, à mon avis, cette tribune est l’endroit idéal pour discuter de ces préoccupations et trouver des solutions. Comme vous le savez probablement déjà, Mme Nancy Krisko, vice-présidente des Ressources humaines, et M. Louis Gagné, vice-président des Opérations, assisteront à cette rencontre. Ces deux membres influents de notre comité exécutif sont les mieux placés pour travailler avec vous afin de trouver des solutions à long terme.

M. Carr, vous et les autres membres du conseil exécutif de la section locale du SUT comprendrez assurément que j’ai une confiance absolue dans l’équipe chargée du processus actuel de même que dans l’engagement et la compétence de ses membres pour gérer la situation. Par conséquent, je vous encourage, vous et votre équipe, à participer pleinement à la rencontre du 16 septembre 2010, afin de trouver des solutions efficientes et productives qui seront mutuellement avantageuses.

M. Carr, j’espère profondément que vous et les représentants du conseil exécutif de la section locale du SUT accepterez cette réponse comme un témoignage de respect et de confiance à l’égard du fait que nos équipes respectives sont sans aucun doute en mesure de trouver des pistes de solution viables aux différentes préoccupations soulevées au fil du temps, y compris celle que vous avez portée à mon attention dans votre lettre. Lorsque les deux parties auront trouvé ensemble ces pistes de solution, il sera alors important de travailler en partenariat pour que ce qui aura été décidé se concrétise.

(traduction)

[30] Comme les parties en avaient convenu plus tôt, elles ont discuté de la lettre d’avertissement envoyée à M. Carr et des deux suspensions envisagées à la rencontre patronale-syndicale du 16 septembre 2010. Il en est découlé une lettre d’entente datée du 5 octobre 2010, dans laquelle il était prévu de retirer l’une des lettres et de ne pas signifier les deux autres, qui avaient trait aux mesures disciplinaires prises à l’endroit de M. Carr. Cette entente réitérait aussi les attentes d’Acadien à l’égard de M. Carr pour ce qui est des procédures à suivre. Les passages pertinents de cette lettre d’entente se lisent comme suit :

Comme nous en avons discuté à la dernière rencontre patronale-syndicale, l’entreprise convient de ce qui suit :

D’abord, l’entreprise accepte de retirer la lettre disciplinaire datée du 9 août 2010 du dossier de son employé pour faire suite à l’engagement de M. Carr d’agir et de communiquer de manière respectueuse (verbalement et par écrit) en tout temps.

En outre, l’entreprise accepte de ne pas signifier les lettres indiquées dans le document ci-joint daté du 24 août 2010 pour faire suite à l’engagement de M. Carr de suivre et de respecter toutes les procédures de l’entreprise en tout temps.

Enfin, l’entreprise accepte de ne pas signifier l’autre lettre disciplinaire concernant l’absence du 14 août 2010 pour faire suite à l’engagement de M. Carr de respecter la procédure et d’agir en conséquence.

À la rencontre du 16 septembre 2010, il a été précisé clairement que le fait d’être président de la section locale ne soustrait pas M. Carr de l’obligation de respecter les procédures et les règles établies. De plus, il est évident que l’entreprise n’acceptera aucune communication ni aucun comportement manquant de respect. M. Carr a été informé que l’entreprise n’aurait d’autre choix que de prendre des mesures très radicales si la situation se répétait.

Les parties se sont entendues sur ces modalités le 5 octobre 2010.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[31] Le 9 octobre 2010, M. Carr a écrit une lettre fulminante à M. Langis, dont il a envoyé copies à d’autres membres de la direction, à propos de la demande modifiée qu’Acadien avait présentée à la CESP. Il estimait qu’Acadien ne l’avait pas informé de cette affaire lors de la rencontre patronale-syndicale du 16 septembre 2010. Acadien a cependant soutenu que ses représentants présents à la rencontre patronale-syndicale n’étaient pas au courant de cette demande et que, de toute façon, le SUT recevrait automatiquement une copie de cette demande, puisqu’il était partie à la procédure devant la CESP. M. Carr a écrit ce qui suit :

À la suite de notre rencontre patronale-syndicale du 16 septembre 2010, au cours de laquelle nous avons eu des discussions exhaustives et franches sur toutes les questions non réglées entre les parties, nous sommes maintenant choqués de recevoir d’un tiers un avis selon lequel l’entreprise a manqué à son engagement relativement à la demande présentée à la Commission de l’énergie et des services publics en mars 2010.

Lors de la rencontre patronale-syndicale susmentionnée, nous avons ouvert la voie au respect mutuel qui est essentiel au bon déroulement de nos prochaines négociations.

Cependant, après avoir été informés de la réduction proposée des parcours, nos membres se sont sentis trahis. Cette trahison ne respecte pas l’engagement sans équivoque pris à Québec le 30 novembre 2009 envers les personnes présentes (Doug Burgess, Rick Morrissey, Glen Carr, John Richardson, Louis Gagné, Francine Murray, Julie Laflamme, Yves Chassie, Éric Lessard et Manon Piché) à la réunion qui portait sur les changements d’horaire proposés, et au cours de laquelle Manon Piché, vice-présidente, Marketing/Recherche, a répondu ce qui suit lorsque j’ai demandé s’il y aurait des pertes d’emploi :

« IL N’Y AURA AUCUNE PERTE D’EMPLOI »

Il ressort nettement de la correspondance de la Commission de l’énergie et des services publics que l’entreprise demandait à ce que le service des corridors soit modifié le 9 août 2010. Par conséquent, le fait que l’entreprise ait demandé des changements importants au début du mois d’août 2010 sans en faire état à la rencontre patronale-syndicale du 16 septembre 2010 vient ébranler le climat de bonne volonté, de respect mutuel et d’honnêteté que nous essayons d’instaurer.

Nous vous demandons, en votre qualité de président et chef de la direction, de donner par écrit au syndicat l’assurance qu’il n’y aura AUCUNE perte d’emploi si la modification envisagée du service des corridors est approuvée par la Commission de l’énergie et des services publics.

Ainsi, vous respecteriez et confirmeriez l’observation formulée verbalement par Manon Piché, vice-présidente, Marketing/Recherche, le 30 novembre 2009. à défaut d’obtenir une assurance par écrit de votre part d’ici le 14 octobre 2010, le syndicat n’aura d’autre solution que de présenter à la Commission de l’énergie et des services publics une demande visant à annuler toute réduction approuvée et proposée de nos parcours qui desservent les citoyens du Nouveau-Brunswick, de l’île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et du Québec.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[32] Le 13 octobre 2010, comme il n’avait pas reçu de réponse de la part de M. Langis, le SUT a envoyé des observations à la CESP. M. Carr a aussi rédigé une annexe A jointe à ces observations. Afin de mettre les choses en contexte, voici un extrait de l’introduction de ce long document :

Les employés d’Autocars Acadien, s.e.c. (Acadien) sont représentés par le Syndicat uni du transport, section locale 1229. Nos membres, y compris les chauffeurs d’autocars, vous remercient de l’occasion qui leur est donnée de présenter les observations suivantes pour s’opposer à la modification des trajets et des horaires proposée par notre employeur, « Acadien ».

Il est évident qu’Acadien a dupé la CESP et nos membres dans le cadre des observations qu’elle a présentées les l5, l6 et 17 mars 2010. Afin d’obtenir l’approbation de la CESP et d’éviter toute opposition de la part de nos membres à la réduction/modification des parcours, des trajets et des horaires, Acadien a proposé d’accroître la fréquence des parcours de 3 à 4 par jour dans le corridor Moncton–Saint-John et dans le corridor Moncton–Fredericton; d’accroître la fréquence des parcours de 2 à 4 par jour dans le corridor Fredericton–Saint-John; d’accroître la fréquence des parcours de 3 à 5 par jour dans le corridor Moncton–Halifax.

Maintenant, après avoir obtenu l’approbation de la CESP pour réduire/modifier les parcours, les trajets et les horaires le 16 juillet 2010, Acadien demande de pouvoir revenir sur l’entente conclue avec la CESP prévoyant l’augmentation du service des « corridors ».

...

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[33] Bien que le Conseil ait entendu des témoignages selon lesquels Acadien envisageait de congédier M. Carr en raison du contenu des observations présentées à la CESP, aucune mesure disciplinaire n’a été prise.

[34] Le 24 octobre 2010, M. Carr a écrit directement à M. Fabrice Bigeault. M. Bigeault était président du principal actionnaire de la France du Groupe Orléans, la société mère d’Acadien. Dans sa lettre, dont voici un extrait, M. Carr propose divers moyens pour améliorer la situation d’Acadien :

Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Glen Carr, président et agent syndical de la section locale 1229 du Syndicat uni du transport, qui représente les membres/employés d’Autocars Acadien, ici au Nouveau-Brunswick.

Permettez-moi tout d’abord de dire que nous ne vous écrivons pas en tant que syndicat mécontent, mais en tant que syndicat préoccupé, en espérant que vous pourrez jeter de la lumière sur cette question importante. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour collaborer avec cette entreprise pour progresser comme une seule équipe en vue d’atteindre l’objectif commun de faire de cette entreprise la meilleure de la région, pour faire en sorte qu’elle soit rentable et qu’elle devienne l’une des meilleures entreprises du Canada atlantique. Eh bien, Monsieur, nous sommes désolés, mais nous avons essayé encore et encore d’aider de toutes les façons. Nous n’arrêterons pas d’essayer, mais nous avons besoin de votre aide.

Vous trouverez ci-joint quelques suggestions formulées par le passé et dont nous avons discuté à de nombreuses occasions avec l’entreprise, mais en vain. Le gaspillage de revenus que l’on observe ici est bien triste; le moral des employés est si bas qu’il sera difficile de s’en remettre à moins que nous ne travaillions ensemble pour ramener l’entreprise là où elle était il y a trois (3) ans. La mauvaise gestion de cette entreprise est méprisable.

...

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[35] Le 6 décembre 2010, Acadien a envoyé une lettre au SUT concernant une rumeur selon laquelle celui-ci s’adresserait peut-être aux médias à propos de certains problèmes liés à la sécurité des minibus dans des conditions météorologiques difficiles :

Dans le cadre de notre discussion d’aujourd’hui concernant le refus des chauffeurs de conduire les minibus aujourd’hui, vous avez menacé d’alerter les médias et d’alléguer qu’Autocars Acadien, s.e.c., obligeait ses chauffeurs à conduire des véhicules dangereux dans des conditions météorologiques ou routières dangereuses. Nous tenons à vous confirmer qu’Acadien a suivi la situation routière toute la journée pour s’assurer que les conditions ne présentaient aucun danger pour la conduite non seulement des minibus, mais aussi des autocars. à aucun moment durant la journée les conditions n’ont été dangereuses. Par ailleurs, comme nous en avons déjà discuté, les minibus ne présentent aucun danger pour le transport des passagers en hiver.

Nous ne savons pas si votre menace d’alerter les médias a été exprimée au nom d’employés à titre personnel ou au nom de la section locale du SUT. Quoi qu’il en soit, sachez qu’Autocars Acadien, s.e.c., adopte comme position que tout employé qui fait preuve d’une telle insubordination et d’un comportement potentiellement dommageable, soit à titre personnel ou pour le compte du SUT, sera immédiatement congédié. De plus, Autocars Acadien, s.e.c., prendra toute autre mesure qu’elle jugera nécessaire contre la section locale du SUT ou tout employé si du tort était fait à la réputation d’Acadien ou à sa situation financière.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[36] En outre, le 6 décembre 2010, Acadien a imposé une suspension de un jour à M. Carr parce qu’il aurait, entre autres choses, fait un commentaire irrespectueux au service de répartition. Le Conseil comprend le point de vue de chaque partie à cet égard, dont font état les témoignages, mais il ne détermine pas qui avait tort et qui avait raison. Cette question a fait l’objet d’un grief.

[37] Toujours le 6 décembre 2010, Acadien a imposé une suspension de dix jours à M. Carr à la suite d’une plainte qu’elle avait reçue concernant le comportement de ce dernier, alors qu’il conduisait un autocar entre Moncton et Fredericton. Cette affaire a aussi fait l’objet d’un grief.

[38] Le ou vers le 30 décembre 2010, M. Carr a rédigé une longue note de service à l’intention de tous les membres du SUT, dans laquelle il décrivait sa position à l’égard des suspensions qu’il avait reçues et formulait des commentaires sur d’autres affaires. Les premiers paragraphes de cette note de service se lisent comme suit :

À l’attention de tous les membres,

Tout d’abord, permettez-moi de vous souhaiter à tous de joyeuses Fêtes et une bonne année.

Comme vous le savez, j’ai reçu une suspension de 11 jours. Toute cette affaire a commencé le 6 décembre 2010 lorsque Doug Burgess, un chauffeur comptant 29 années d’expérience, a demandé d’avoir un autobus standard plutôt qu’un minibus pour faire un trajet. Il y avait des rafales de 90 km à l’heure, et on prévoyait une forte tempête le long de la côte. En arrivant au travail, le chauffeur a remarqué qu’il allait devoir conduire un minibus; il a téléphoné au service de répartition pour demander d’avoir un autocar standard, disant qu’il ferait le trajet avec un autocar standard. Il ne refusait pas de faire le trajet, mais il trouvait qu’il était dangereux pour lui-même et pour ses passagers de parcourir 400 km dans des conditions météorologiques défavorables, d’autant plus qu’Environnement Canada avait émis des avertissements de tempête. Le chauffeur a demandé de nouveau d’avoir un autocar standard, mais on lui a répondu « NON ». Il est donc retourné à la maison. Le service de répartition a alors appelé Tony Zuorro (chauffeur de la liste de réserve) pour s’occuper de ce trajet, et celui-ci a demandé d’avoir un autocar standard pour faire le trajet – il ne refusait pas de faire le trajet, mais il refusait de conduire le minibus en raison des conditions météorologiques et par souci de sécurité pour lui-même et les passagers. On le lui a refusé, et il a été renvoyé à la maison. Les deux chauffeurs m’ont téléphoné pendant ma journée de congé pour me dire ce qui s’était produit. J’ai donc appelé le service de répartition pour parler à Yvan Marcotte, qui était en réunion; j’ai parlé à Yves Chassie, gestionnaire des opérations pour le Québec. Je lui ai décrit la situation, et je lui ai dit que les chauffeurs ne refusaient pas de faire le trajet, qu’ils invoquaient leurs droits en vertu de l’article 2.05 de la convention collective...

(traduction)

b) Événements survenus en 2011

[39] Malgré ces nombreux événements survenus en 2010, les relations entre M. Carr et Acadien ont semblé s’apaiser temporairement au début de 2011.

[40] à l’hiver 2011, les parties ont entamé les négociations en vue du renouvellement de la convention collective qui venait d’arriver à échéance. Compte tenu des progrès réalisés, M. Carr a envoyé un courriel au conciliateur le 9 février 2011 pour lui demander de remettre son intervention à plus tard :

Le syndicat et l’entreprise ont été en mesure de s’asseoir à la table de négociation la semaine dernière et de régler certains différends; nous venons tout juste d’établir comme dates les 13, 14 et 15 mars au Québec et les 11, 12, 13 et 14 avril 2011. L’entreprise et le syndicat voudraient tous les deux remettre à plus tard votre intervention à titre de médiateur, jusqu’à ce que ces discussions soient terminées.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[41] En mai 2011, en raison d’une blessure subie au travail, M. Carr a cessé temporairement de travailler comme chauffeur pour Acadien. Il a toutefois continué d’exercer ses fonctions de président de la section locale, notamment en ce qui a trait aux négociations collectives en cours.

[42] Bien qu’un problème soit survenu au début du mois de mai à propos du fait que M. Carr devait fournir à Acadien des renseignements médicaux appropriés (pièce 3; onglet 71), en fin de compte, personne ne contredisait le fait qu’il n’était pas en mesure de travailler.

[43] Pendant qu’il était en congé pour accident du travail à l’été et à l’automne 2011, M. Carr a continué de correspondre avec Acadien sur divers sujets comme i) la procédure à suivre pour se porter malade (pièce 3; onglet 72); ii) des problèmes liés au fait que les chauffeurs du Groupe Orléans faisaient prétendument le travail des chauffeurs d’Acadien à proximité de Rivière-du-Loup (pièce 3; onglet 73); iii) des questions liées à la liste de réserve (pièce 3; onglet 78); et iv) d’autres questions non réglées concernant la convention collective (pièce 3; onglet 74).

[44] Le 12 août 2011, Acadien a prévenu M. Carr à propos d’une conduite prétendument inappropriée. Il aurait notamment communiqué avec des organismes de l’extérieur, comme la CESP :

Objet : Conduite inappropriée pour le compte du Syndicat uni du transport, section locale 1229

Le 3 août 2011, alors que vous prétendiez agir au nom de la section locale 1229 du SUT et de ses membres, vous avez menacé de déposer une plainte auprès de la Commission de l’énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick (« CESP ») et auprès du gouvernement du Nouveau-Brunswick selon laquelle notre entreprise utiliserait les chauffeurs du Groupe Orléans de façon inappropriée pour assurer le service à proximité de Rivière-du-Loup lorsque les chauffeurs d’Autocars Acadien, s.e.c., ne sont pas disponibles pour effectuer le parcours. Le conseil exécutif de la section locale 1229 du SUT et vous-même savez que cette façon de faire ne viole aucune disposition de la convention collective pas plus qu’elle ne va à l’encontre des permis qui nous ont été octroyés par le Nouveau-Brunswick.

En outre, récemment, alors que vous prétendiez agir au nom de la section locale 1229 du SUT et de ses membres, vous avez formulé des plaintes non fondées et avez menacé plusieurs fois de vous adresser à divers autres organismes gouvernementaux comme Travail sécuritaire NB, le Conseil canadien des relations industrielles et Environnement Canada.

La convention collective contient une procédure de règlement des griefs, et cette procédure devrait être suivie pour déposer des plaintes ou formuler des allégations concernant une violation de la convention collective. Votre menace d’ignorer la procédure de règlement des griefs et de communiquer avec la CESP témoigne d’un manque de respect pour la direction et pour le processus sur lequel les parties se sont entendues dans la convention collective. Par ailleurs, cela prouve que vous et le SUT cherchez à compromettre la réputation de notre entreprise auprès de la CESP et du public, ce qui pourrait nuire à notre relation avec la CESP, d’autres organismes gouvernementaux et le public.

Quoi qu’il en soit, sachez qu’Autocars Acadien, s.e.c., adopte comme position que tout employé qui fait preuve d’une telle insubordination et d’un comportement potentiellement dommageable, soit à titre personnel ou pour le compte de la section locale 1229 du SUT, sera immédiatement congédié. De plus, Autocars Acadien, s.e.c., prendra toute autre mesure qu’elle jugera nécessaire contre la section locale 1229 du SUT ou tout employé si du tort était fait à la réputation d’Acadien ou à sa situation financière.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[45] Dans un courriel daté du 12 septembre 2011, un membre de la direction a décrit ce qu’elle se rappelait de la façon dont M. Carr avait agi lors d’une rencontre patronale-syndicale tenue le 8 septembre 2011 :

Voici ce dont je me souviens des mots prononcés par Glen et George pendant notre rencontre patronale-syndicale qui a eu lieu le jeudi 8 septembre à Saint-John, au Nouveau-Brunswick.

Nous avons commencé à examiner les griefs, et Glen Carr a immédiatement pris dans ses mains une pile de griefs en disant qu’il allait se battre pour cela contre l’ensemble du Canada s’il le fallait; tous ces griefs concernaient des chauffeurs de l’extérieur qui font le travail d’Acadien. Il ne sera jamais bâillonné! Parce que c’est ce que visait la lettre disciplinaire qu’il a reçue. Pendant tout ce temps, il brandit les documents qu’il a dans sa main et il parle sur un ton très coléreux. Il nous dit de NOUS ATTENDRE à TOUT! Il dit qu’il est prêt à être congédié; qu’il peut faire un autre travail, mais qu’il est prêt à livrer ce combat! Il affirme que l’entreprise ne suit pas la procédure de règlement des griefs. Il nous dit que les gars sont en colère et qu’ils vont descendre dans la rue! Ils comprennent mieux la situation que nous le croyons! Il est prêt à aller marcher sur la rue King, de même que sur la rue Main, à Moncton. Il est en congé de maladie, et il doit quand même travailler pour régler toutes ces conneries (il a dit ça en criant et en agitant les griefs qu’il avait dans sa main). Il dit qu’ils ont déjà fait imprimer leurs panneaux et qu’ils sont prêts à faire la grève. Il a continué pendant environ cinq minutes, et il a terminé ce discours en disant qu’il allait nous revenir à propos de TOUS ces griefs, les nos 19, 24, 26, 28, 34, 36 et 37, d’ici la fin de la semaine prochaine.

...

(traduction)

[46] Le 22 septembre 2011, Acadien a prévenu M. Carr à propos de sa prétendue conduite inappropriée pendant une rencontre patronale-syndicale tenue le 8 septembre 2011 :

Le 8 septembre 2011, une rencontre patronale-syndicale a eu lieu à Saint-John, au Nouveau-Brunswick. Pendant cette rencontre, à plusieurs reprises, M. George Morrow et M. Glen Carr se sont livrés à des attaques personnelles et ont affiché un comportement impoli à l’égard de certains membres de l’équipe de direction. à cette rencontre, nous avons mentionné que ce type de comportement devait cesser.

Aujourd’hui, l’objet de la présente lettre est d’informer le conseil exécutif de la section locale 1229 du syndicat que ce type de comportement ne sera ni accepté, ni toléré.

À l’avenir, si un tel comportement se reproduit à l’égard de l’équipe de direction, l’entreprise n’aura d’autre choix que de prendre des mesures disciplinaires.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[47] Toujours le 22 septembre 2011, Acadien a réglé une question soulevée par M. Carr la veille à propos des carnets d’information avant-départ qui se trouvent dans les remorques d’autobus, qui ne sont qu’en français. Acadien s’est penchée sur la question et a informé M. Carr que les carnets d’information avant-départ étaient en fait bilingues :

i) texte de la préoccupation de M. Carr

Les carnets d’information avant-départ qui se trouvent dans les remorques d’autobus sont en français seulement. Ces carnets doivent être aussi en anglais. Nous avons des chauffeurs qui ne peuvent ni lire ni comprendre le français. Par conséquent, tous les carnets d’information avant-départ qui se trouvent dans les remorques d’autobus doivent aussi être en anglais.

ii) réponse d’Acadien

M. Carr, nous avons reçu votre plainte et l’avons examinée : les carnets d’information avant départ qui se trouvent dans nos remorques d’autobus sont bilingues.

(traduction)

Cette information fournie par Acadien a réglé la question.

[48] Le 23 septembre 2011, Acadien a informé le SUT qu’elle n’assisterait pas aux séances de négociation déjà prévues, mais qu’elle attendrait la tenue d’une rencontre avec un conciliateur du Service fédéral de médiation et de conciliation (SFMC) :

Compte tenu de la façon dont se sont déroulées les dernières rencontres et de tous les courriels et appels téléphoniques adressés à notre équipe de direction au cours des dernières semaines, nous avons conclu qu’il était préférable d’attendre le conciliateur avant de participer à une autre rencontre dans le cadre des négociations en cours.

Par conséquent, veuillez prendre note que la prochaine réunion aura lieu en présence du conciliateur le 6 octobre 2011.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[49] Peu de temps après, M. Carr, au nom de l’équipe de négociation, a affiché un avis à l’intention de tous les membres du SUT à propos de la lettre d’Acadien :

À L’ATTENTION DE TOUS LES MEMBRES

Le vendredi 23 septembre 2011, nous avons reçu une lettre de l’entreprise dans laquelle celle-ci disait qu’elle annulait la prochaine séance de négociation, prévue du 27 au 29 septembre 2011.

Voir en pièce jointe la lettre qui a été envoyée au syndicat.

Il y a eu jusqu’à maintenant 35 jours de négociation, et le comité de négociation est toujours loin de la signature d’un contrat. L’entreprise offre 0 %-0 %-0 %-0 %-0 % pour un contrat de cinq (5) ans. Nous avons rencontré notre représentant syndical à l’international (Robin West) et l’entreprise à Moncton en juin, et nous avons négocié pendant environ trois (3) jours. L’entreprise est revenue avec un document de trois pages sur les uniformes; vous devez porter des chaussures et des chaussettes noires.

J’ai moi-même, Glen Carr, envoyé un courriel à l’entreprise pour lui demander de se présenter à la table de négociation disposée à négocier sérieusement, et de proposer autre chose que des chaussures et des chaussettes noires. J’ai ensuite téléphoné à Robin West pour lui demander son avis, parce que je n’obtenais rien de Dean, Serina ou Christine. J’ai donc téléphoné à Louis Gagné directement, et je lui ai demandé la même chose, c’est-à-dire de se présenter à la table et d’être prêt à négocier sérieusement avant que le conciliateur n’intervienne les 6 et 7 octobre 2011. Si les discussions avaient été sérieuses, le syndicat et l’entreprise auraient pu remettre à plus tard l’intervention du conciliateur et tenter d’en arriver à une entente acceptable pour les deux parties. Au lieu de cela, l’entreprise a choisi unilatéralement d’annuler la rencontre prévue pour les 27, 28 et 29 septembre 2011 et de passer directement à la conciliation. C’est très bien, puisque, dorénavant, l’entreprise devra négocier sérieusement.

(traduction)

[50] À peu près à la même date, Acadien a aussi envoyé un avis à ses employés à propos de réunions du personnel qu’elle voulait tenir du 27 au 29 septembre 2011 :

Louis Gagné (vice-président des Opérations) et Dean Chappelle (gestionnaire des Opérations) souhaitent rencontrer tous les employés du Nouveau-Brunswick pour discuter de divers sujets importants :

  • Restructuration et achalandage
  • Relations du travail
  • Processus de négociation
  • Rumeurs
  • Questions et réponses

Nous invitons tous les employés à confirmer leur présence à cette réunion le plus rapidement possible et au plus tard le lundi 26 septembre à 16 h (voir ci-joint l’ordre du jour proposé).

Compte tenu des besoins opérationnels et de la nécessité de tenir ces réunions sans tarder, l’horaire proposé a été conçu pour permettre aux employés d’y participer avant ou après leurs affectations ou en dehors de leurs horaires de travail.

De plus, l’entreprise accepte de rémunérer les employés qui assisteront à l’une des réunions prévues, pendant la durée de la réunion, en temps normal (ou un minimum de trois heures, s’il y a lieu, conformément à la convention collective et à la lettre d’entente). Chaque réunion devrait durer environ une heure et comprendra une période consacrée aux questions.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[51] Le 26 septembre 2011, le SUT a envoyé un avis à ses membres à propos des réunions du personnel prévues par Acadien :

De nombreux membres ont communiqué avec nous pour nous dire qu’ils préféraient ne pas assister aux réunions prévues par l’employeur les 27, 28 et 29 septembre 2011. Selon la note de service envoyée par l’entreprise, nous comprenons que ces réunions ne sont pas obligatoires et que, par conséquent, vous n’êtes pas tenus d’y assister.

Cependant, le syndicat sera présent puisque nous craignons sérieusement que l’entreprise ait des intentions cachées en convoquant ces réunions.

Le syndicat tient à rappeler à tous ses membres qu’il est possible que l’entreprise cherche à vous influencer quant au soutien que vous accordez au syndicat.

Veuillez noter que le syndicat présentera à ses membres un compte rendu de ces réunions.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[52] Après la tenue des réunions d’Acadien avec ses employés, l’équipe de négociation du SUT a envoyé un autre avis à tous les membres de l’unité de négociation, qui renferme les commentaires suivants :

Vos représentants syndicaux ont assisté à toutes les réunions tenues par l’entreprise le 27 septembre 2011 à Saint-John et à Fredericton et les 28 et 29 septembre 2011 à Moncton.

L’équipe de négociation est très déçue que l’entreprise ait essayé de manipuler nos membres en s’adressant à eux directement. Il n’y a pas pire campagne de dénigrement des syndicats.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[53] Acadien a contesté l’interprétation que le SUT a fait des réunions du personnel qui ont eu lieu du 27 au 29 septembre 2011, comme elle l’exprime dans son propre message à l’intention des employés le 11 octobre 2011 :

MESSAGE DE L’ENTREPRISE

Autocars Acadien remercie tous les employés qui ont participé aux réunions qui ont eu lieu avec le groupe de direction les 27, 28 et 29 septembre 2011. Si certains employés n’ont pu assister à l’une de ces réunions et ont des questions à poser ou des commentaires à formuler, ils peuvent communiquer avec Dean Chappelle, gestionnaire des Opérations.

Le syndicat a envoyé à ses membres une note de service peu après la tenue de ces réunions. L’entreprise tient à rectifier certains faits inexacts que contient cette note de service.

Objet de la réunion :

L’entreprise a organisé ces réunions pour informer et mettre à jour tous les employés sur sa situation depuis le début de l’exercice, en ce qui a trait notamment aux finances, aux négociations, à la restructuration du réseau et aux initiatives axées sur la clientèle. L’entreprise a déjà tenu des réunions semblables par le passé pour informer et mettre à jour ses employés sur le déroulement de ses activités.

...

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[54] En octobre 2011, une autre question a été soulevée concernant l’appel téléphonique de M. Carr à un représentant de l’aéroport d’Halifax. Durant cet appel, M. Carr a posé des questions à propos des autobus dont le moteur tourne au ralenti lorsqu’ils sont à l’aéroport.

[55] Acadien soutient que M. Carr ne s’est pas clairement identifié lorsqu’il a communiqué avec ce client. L’entreprise croit qu’il s’est fait passer pour quelqu’un d’autre et qu’il n’aurait pas dû communiquer avec un client.

[56] M. Carr a déclaré que des membres de l’unité de négociation lui avaient téléphoné pour lui parler de panneaux à l’aéroport sur lesquels il était inscrit qu’il ne fallait pas laisser le moteur des autobus tourner au ralenti. Selon M. Carr, le représentant de l’aéroport a affirmé que les chauffeurs pouvaient quitter leur autobus pour entrer dans l’aérogare, mais qu’ils ne pouvaient pas laisser le moteur tourner au ralenti.

[57] Le 13 octobre 2011, M. Carr a écrit de nouveau à M. Fabrice Bigeault, président du principal actionnaire de la France du Groupe Orléans. Dans sa lettre, il demandait à M. Bigeault de faire en sorte que Mme Judy Sheehan intervienne, comme elle l’avait fait dans la ronde de négociation de 2008. M. Carr critiquait aussi certains prétendus actes posés par l’équipe de négociation d’Acadien :

La section locale 1229 du Syndicat uni du transport, représentant ses membres ici, au Nouveau-Brunswick, et à l’île-du-Prince-Édouard, est très préoccupée par le fait que vos représentants, à Autocars Acadien, société en commandite, cherchent délibérément à forcer un arrêt de travail et à négocier de mauvaise foi. L’entreprise a envoyé deux notes de service directement à nos membres, le 25 septembre et le 11 octobre 2011. Alors que nous sommes en négociation et en conciliation, cette tentative de négocier avec nos membres témoigne de la mauvaise foi de l’entreprise.

L’entreprise a annulé les séances de négociation qui étaient prévues les 27, 28 et 29 septembre 2011. Au lieu de cela, M. Louis Gagné et son équipe (Nancy Krisko, Dean Chappelle, Christine Robichaud et Serina Baker) ont rencontré les membres de l’unité de négociation directement pour les menacer, les contraindre et les intimider.

Nous vous demandons d’envoyer Mme Judy Sheehan ici, au Nouveau-Brunswick, comme en 2008, alors qu’elle a joué un rôle déterminant dans la résolution des négociations. De plus, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, nous sommes préoccupés par le fait que vos représentants essaient délibérément de forcer un arrêt de travail.

Nous avons discuté avec l’équipe de négociation de l’entreprise pendant plusieurs jours, et nous sommes maintenant en conciliation. Nous avons eu une rencontre avec le conciliateur qui a duré deux (2) jours ici, à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Nous avons essayé de nous entendre sur de nombreux points avec l’entreprise, mais son équipe de négociation n’a pas progressé ou n’est pas disposée à progresser pour nous permettre de conclure une entente équitable pour les deux parties et d’éviter ainsi une interruption du service.

Nous demandons l’intervention des propriétaires de la France pour mettre fin à la façon dont leurs représentants manipulent et menacent le bon déroulement des négociations.

L’équipe de négociation du syndicat est prête à discuter n’importe où, n’importe quand afin de conclure une entente équitable qui, au bout du compte, conviendra aux deux parties.

Je vous remercie à l’avance, et si vous avez des questions concernant la présente, n’hésitez pas à communiquer avec le soussigné.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[58] Le 24 octobre 2011, date à laquelle le congé pour accident du travail de M. Carr a pris fin, Acadien l’a congédié pour les diverses raisons expliquées dans sa lettre de congédiement. Selon l’horaire, M. Carr n’était pas censé travailler avant le 26 octobre 2011, et il a soutenu que c’est la raison pour laquelle il ne s’est pas présenté au travail le 24 octobre 2011 lorsqu’on le lui a demandé :

Le 24 octobre à 8 h 33 (heure de l’Atlantique), l’entreprise a communiqué avec vous pour vous dire qu’elle souhaitait vous rencontrer, vous et un délégué syndical, soit aujourd’hui ou demain. Vous avez refusé en disant que vous n’étiez pas disponible. Vers 15 h (heure de l’Atlantique), l’entreprise vous a téléphoné, de même qu’à un délégué syndical, pour essayer d’examiner la présente lettre avec vous. Vous avez raccroché.

Une copie de la présente lettre vous a été envoyée par courriel, par courrier recommandé et par messagerie aujourd’hui. Conformément à l’article 9.03 de la convention collective, une copie a aussi été remise au délégué syndical, M. Jason Richard.

En octobre 2010, l’entreprise a accepté de retirer des lettres disciplinaires de votre dossier personnel à la suite de votre engagement d’agir et de communiquer de manière respectueuse, verbalement et par écrit. Dans notre lettre du 22 septembre 2011, nous vous confirmions que tout autre comportement similaire donnerait lieu à des mesures disciplinaires.

Depuis octobre 2010, mais surtout depuis les quelques derniers mois, vous avez envoyé de nombreux courriels irrespectueux, formulé des accusations à l’égard de l’entreprise et menacé de vous adresser à la Commission de l’énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick (« CESP ») lorsque vos plaintes n’étaient pas traitées à votre satisfaction. Vous continuez de faire preuve d’insubordination en adressant vos communications à la vice-présidente plutôt qu’au gestionnaire des Ressources humaines ou à votre superviseur. Il a été consigné par écrit, à de nombreuses occasions depuis octobre 2010, que nous vous avons rappelé les obligations auxquelles vous êtes tenu, notamment pour ce qui est d’être plus respectueux et de vous en tenir aux faits lorsque vous décrivez un problème, mais cela n’a pas été fait et votre comportement s’est aggravé.

Votre comportement agressif et votre manque de respect s’étendent maintenant à d’autres employés et superviseurs au sein de l’entreprise et ont créé un climat de travail hostile et peu propice à la collaboration aussi bien pour les employés syndiqués que pour les employés non syndiqués qui subissent ce comportement. Votre rôle en tant que président de la section locale du syndicat ne vous donne pas le droit d’agir de cette manière, et nous vous l’avons mentionné à plusieurs reprises.

Vous ne nous avez laissé d’autre choix que de mettre fin à votre emploi à Autocars Acadien.

Toute rémunération impayée, y compris votre indemnité de vacances, vous sera versée en même temps que votre dernière paye. Tous les avantages sociaux, y compris les assurances et les prestations de pension, prendront fin à la date de votre congédiement.

Si vous avez des questions, veuillez vous adresser à Christine Robichaud ou à Dean Chappelle seulement.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[59] La mise à pied de M. Carr par Acadien le 24 octobre 2011 a donné lieu à la diffusion d’un communiqué par le SUT à l’intention de ses membres :

En votant dans une proportion extraordinaire de 98 % en faveur de la grève, nos membres ont fait preuve d’une solidarité qui, nous l’espérons, incitera l’entreprise à enfin prendre nos besoins au sérieux.

À la suite de ce vote de grève, vous allez entendre toute sorte de rumeurs véhiculées par l’entreprise et par d’autres. Tout d’abord, vous allez entendre dire que l’entreprise va faire faillite et qu’elle va fermer ses portes. Nous tenons à souligner que, en vertu des lois fédérales en matière de relations du travail, nous bénéficions de la protection des droits du successeur, qui exigent que les nouveaux propriétaires embauchent nos membres – les seules personnes qui perdront leur emploi sont les gestionnaires actuels. Soyez assurés que les gouvernements provinciaux ne laisseront pas nos provinces sans service d’autobus.

On fera aussi courir la rumeur selon laquelle l’entreprise essaiera de maintenir les services dans l’éventualité d’une grève. Nous tenons à vous rappeler que l’entreprise a dit que nos services n’étaient pas jugés essentiels et que personne n’était tenu de travailler dans l’éventualité d’une grève.

Nous avons mis en place un plan d’action qui convaincra les propriétaires en France et au Québec qu’ils ont tout à gagner sur le plan économique à nous présenter une offre équitable et à éviter les interruptions de service.

Si cette entreprise n’est pas en mesure de nous donner des salaires et des avantages sociaux qui nous permettent de vivre dans la dignité, alors il est temps de chercher un autre propriétaire qui pourra le faire.

(traduction)

[60] M. Carr a continué d’exercer ses fonctions de président de la section locale du SUT après son congédiement en octobre 2011. Bien que le Conseil ait entendu des témoignages selon lesquels, pendant une courte période après son congédiement, M. Carr a cessé de recevoir des courriels d’Acadien liés à des questions d’ordre syndical, cette situation a été corrigée rapidement.

IV – Dispositions pertinentes du Code

[61] Le SUT allègue qu’Acadien a enfreint l’alinéa 94(1)a) et le sous-alinéa 94(3)a)(i) du Code. L’alinéa 94(1)a) interdit l’intervention de l’employeur dans l’administration d’un syndicat ou dans la représentation des employés par celui-ci :

94.(1) Il est interdit à tout employeur et à quiconque agit pour son compte :

a) de participer à la formation ou à l’administration d’un syndicat ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des employés par celui-ci;

(c’est nous qui soulignons)

[62] Le sous-alinéa 94(3)a)(i) interdit, entre autres, les représailles contre des dirigeants et des représentants syndicaux qui contribuent à la promotion et à l’administration d’un syndicat :

94.(3) Il est interdit à tout employeur et à quiconque agit pour son compte :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de la suspendre, muter ou mettre à pied, ou de faire à son égard des distinctions injustes en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son encontre pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à un syndicat ou en est un dirigeant ou représentant – ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir –, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’un syndicat...

(c’est nous qui soulignons)

[63] Le paragraphe 98(4) du Code inverse le fardeau de la preuve dans le cas des plaintes fondées sur le paragraphe 94(3) :

98.(4) Dans toute plainte faisant état d’une violation, par l’employeur ou une personne agissant pour son compte, du paragraphe 94(3), la présentation même d’une plainte écrite constitue une preuve de la violation; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

(c’est nous qui soulignons)

V – Principes juridiques applicables

i) Activités syndicales protégées

[64] Dans ses communications adressées à M. Carr, Acadien a fait observer à plusieurs occasions que le poste de dirigeant syndical qu’il occupait ne le soustrayait pas à l’obligation de rendre compte de ses actes.

[65] Dans Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, la Cour suprême du Canada a résumé la jurisprudence de longue date du Conseil à propos des activités protégées :

[67] L’appelante soutient qu’en décidant ainsi, le Conseil a jugé que les activités purement politiques des syndicats avaient droit à la protection de l’al. 94(1)a). Cela constitue toutefois une description trop limitée de la conclusion du Conseil. Ce dernier a examiné dans son contexte la mesure particulière prise par le syndicat en cause. Le Conseil a reconnu que l’al. 94(1)a) a ses limites. Il ressortait nettement de la jurisprudence du Conseil que cet alinéa ne s’appliquait à première vue que si les déclarations publiques de dirigeants syndicaux étaient liées aux intérêts des membres du syndicat dans leur ensemble, et non pas aux préoccupations personnelles du dirigeant syndical. De plus, ces déclarations ne devaient être ni téméraires ni malveillantes.

(c’est nous qui soulignons)

[66] Le prédécesseur du présent Conseil, le Conseil canadien des relations du travail (le CCRT), a défini les concepts auxquels la Cour suprême fait référence. Ces principes s’appliquent toujours aujourd’hui.

[67] Par exemple, dans Société canadienne des postes (1987), 71 di 215; et 87 CLLC 16,060 (CCRT no 654) (Samson), la vice-présidente d’un syndicat a fait l’objet de mesures disciplinaires pour avoir parlé publiquement du plan d’affaires de l’employeur. Le syndicat espérait que la pression du public entraînerait la modification du plan.

[68] Après avoir examiné la jurisprudence d’autres instances, y compris des décisions rendues par des arbitres en relations du travail, le CCRT a admis qu’il devait « faire la part des choses entre le principe de la loyauté envers l’employeur et l’interdiction légale qui est enjointe à ce dernier de participer à la formation ou à l’administration d’un syndicat ou à la représentation des employés par un syndicat » (page 227).

[69] Mme Samson a parlé publiquement de questions d’ordre syndical. Certaines de ces questions ont été soulevées pendant que les négociations collectives étaient en cours, bien que le CCRT ait souligné que le droit d’un syndicat à la liberté d’expression ne se limitait pas uniquement aux périodes de négociation collective.

[70] Le CCRT a confirmé que le concept de « représentation » décrit à l’alinéa 94(1)a) s’étendait au-delà des interactions avec l’employeur et qu’il pouvait inclure des déclarations publiques, « et ce, devant tout forum où le syndicat juge qu’il est dans l’intérêt de ses membres de le faire » (page 228). De plus, le Conseil a constaté que « l’employeur n’a pas le droit de dire au syndicat comment gérer ses affaires. Le syndicat est libre de choisir sa façon de représenter ses membres » (page 228).

[71] En se fondant sur ces principes, le Conseil a conclu que l’employeur avait enfreint le Code en imposant des mesures disciplinaires à Mme Samson pour avoir parlé publiquement en sa qualité de dirigeante syndicale.

[72] Le CCRT a ultérieurement appliqué des principes similaires dans Québecair/Air Québec (1987), 72 di 44; et 88 CLLC 16,035 (CCRT no 659); et dans Société canadienne des postes (1988), 75 di 189; et 88 CLLC 16,064 (CCRT no 716). Cette dernière décision avait trait à des commentaires formulés par le président d’une section locale, qui contestait les plans de l’employeur de créer des « superboîtes ».

[73] Dans cette affaire, le Conseil a reconnu que le président de la section locale du syndicat, M. Kucey, avait exagéré pour exposer son point de vue, mais que ces déclarations constituaient tout de même de la « représentation » protégée au sens de l’alinéa 94(1)a) du Code.

[74] Dans Wardair Canada Inc. (1988), 76 di 103; et 89 CLLC 16,009 (CCRT no 722) (Wardair), le Conseil a une fois de plus examiné les commentaires d’un dirigeant syndical, mais il a conclu que celui-ci était allé trop loin et que, par conséquent, ses déclarations n’étaient pas protégées par le Code. Si le Conseil a reconnu que « la loi autorise pleinement les dirigeants syndicaux à représenter les membres du syndicat », il a ensuite fait les commentaires suivants sur les limites de ce droit :

Cela comprend le droit de parler aux membres des médias et de leur dire des choses qui, selon le dirigeant syndical, sont vraies. Toutefois, il ne s’agit pas d’un droit absolu. à notre avis, il existe une ligne de démarcation que même un dirigeant syndical peut franchir et au-delà de laquelle les garanties fondamentales fournies par l’article 184 du Code ne s’appliquent plus. En l’espèce, le Conseil n’a pas l’intention, comme il n’avait pas l’intention dans les affaires Société canadienne des postes (1987), 71 di 215; et 87 CLLC 16,060 (CCRT no 654), et Québecair/AirQuébec (1987), 72 di 44; et 88 CLLC 16,035 (CCRT no 659), d’établir des lignes directrices précises à cet égard. à notre avis, il ne peut pas s’agir d’une ligne rigide; elle doit plutôt être suffisamment souple pour permettre au Conseil de rendre dans chaque cas une décision fondée sur la preuve et d’établir l’équilibre entre les droits et responsabilités des parties en interprétant la preuve dans le contexte général du Code.

(page 120; c’est nous qui soulignons)

[75] Dans Wardair, le Code n’a pas protégé le dirigeant syndical pour plusieurs raisons, notamment i) le fait que les commentaires n’étaient pas liés aux négociations collectives ou à une grève en cours; ii) les déclarations étaient de toute évidence fausses; et iii) les commentaires allaient au-delà de la simple exagération, le dirigeant syndical ayant sciemment et délibérément cherché à tromper.

[76] La question relative aux commentaires acceptables formulés par des dirigeants syndicaux a souvent été renvoyée à l’arbitrage. En effet, si des négociations collectives n’avaient pas été en cours et que d’autres événements n’étaient pas survenus en même temps, le Conseil aurait très bien pu reporter l’audience de la plainte de PDT de M. Carr pour la renvoyer à l’arbitrage, qui constitue l’instance habituelle pour traiter de ce genre d’affaires.

[77] Dans une décision arbitrale rendue récemment, Re DHL Express (Canada) Ltd. and National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada, Local 4215 (CAW Canada) (2010), 200 L.A.C. (4th) 263, l’arbitre résume le critère que les arbitres en relations du travail utilisent dans de tels cas :

[34] Une question antérieure dont il faut discuter a trait à l’étendue de la protection ou de l’immunité dont M. Rae peut bénéficier parce qu’il était dirigeant syndical. Il ne fait aucun doute que les employés agissant en qualité de dirigeants syndicaux bénéficient d’une plus grande latitude lorsqu’ils traitent avec les membres du personnel de direction. (Voir Re School District No. 22 (Vernon) and C.U.P.E., Loc. 5523 (Hegler) (2002), 104 L.A.C. (4th) 435 (Taylor)). La théorie sur laquelle repose l’immunité tient au fait que les syndicats et les employeurs doivent se rencontrer pour discuter d’égal à égal de questions d’intérêt commun. Cependant, comme le soulignent les auteurs Brown et Beatty, la protection ou l’immunité n’est pas absolue et ne s’applique pas à des déclarations qui sont malveillantes en ce sens qu’elles sont fausses et ont été formulées sciemment ou de manière irréfléchie. J’ajouterais à cela que les limites de la protection dont bénéficient les dirigeants syndicaux ne couvrent pas les déclarations et les comportements qui visent à harceler et à ridiculiser d’autres employés, y compris les membres du personnel de direction. Les dirigeants syndicaux qui sont des employés exerçant leurs fonctions d’une manière civile et respectueuse ne nuisent pas à la représentation dynamique des membres d’un syndicat ni aux intérêts de celui-ci. Bien sûr, il y aura parfois des accès de colère, des discussions mouvementées et des paroles grossières et injurieuses. Cependant, il faut faire la distinction entre des événements isolés et une conduite qui s’étend sur une certaine période de temps.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

ii) Fardeau de la preuve (paragraphe 98(4))

[78] Il est plutôt rare qu’un employeur admette avoir pris des mesures contre un dirigeant syndical pour des motifs antisyndicaux. Le Conseil doit par conséquent évaluer l’explication donnée par l’employeur pour les gestes qu’il a posés en tenant compte du contexte général. Dans Air Atlantic Limited (1986), 68 di 30; et 87 CLLC 16,002 (CCRT no 600) à la page 34, le CCRT a décrit l’élément central de son analyse de la façon suivante :

Les règles de droit en matière de mesures discriminatoires contre les employés qui ont exercé les droits que leur confère le Code sont bien établies. Si la décision d’un employeur de prendre contre un employé une des mesures énumérées à l’alinéa 184(3)a) [maintenant l’alinéa 94(3)a)] a été influencée de quelque façon que ce soit par le fait que cet employé a exercé ou est sur le point d’exercer les droits que lui confère le Code, les mesures prises par l’employeur seront jugées enfreindre le Code. Il suffit, pour que la conduite d’un employeur soit jugée contraire au Code, que les motifs antisyndicaux constituent une cause même accessoire ou ancillaire :

[citation omise]

[79] Le Conseil a récemment décrit dans Plante, 2011 CCRI 582, le rôle que joue la preuve circonstancielle au moment d’évaluer si un employeur s’est acquitté du fardeau que lui impose le paragraphe 98(4) du Code :

[41] Les plaintes de PDT font notamment référence au paragraphe 94(3) du Code :

94.(3) Il est interdit à tout employeur et à quiconque agit pour son compte :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de la suspendre, muter ou mettre à pied, ou de faire à son égard des distinctions injustes en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son encontre pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à un syndicat ou en est un dirigeant ou représentant – ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir –, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’un syndicat, ...

[42] Par ailleurs, les plaintes n’indiquent pas quels paragraphes de l’article 94 du Code en particulier étaient en cause.

[43] Les parties conviennent que le paragraphe 94(3) a été invoqué dans les plaintes de PDT et que c’était donc TWI qui avait le fardeau de la preuve, en application du paragraphe 98(4) du Code :

98.(4) Dans toute plainte faisant état d’une violation, par l’employeur ou une personne agissant pour son compte, du paragraphe 94(3), la présentation même d’une plainte écrite constitue une preuve de la violation; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

[44] Dans la récente décision Federal Express Canada ltée, 2010 CCRI 519, le Conseil s’est prononcé sur les obligations de l’employeur intimé lorsqu’il traite de la disposition sur l’inversion du fardeau de la preuve :

[38] En vertu de la disposition portant sur l’inversion du fardeau de la preuve au paragraphe 98(4), le Conseil se penche sur l’explication que l’employeur intimé donne de la situation. Le Conseil doit être convaincu que les mesures prises par l’employeur ne sont pas fondées sur un sentiment antisyndical. Le fardeau qui repose sur l’intimé en application du paragraphe 98(4) a été résumé comme suit au paragraphe 97 de l’affaire Denis Rousseau, 2007 CCRI 393 :

... l’employeur a le fardeau de réfuter, selon la prépondérance de la preuve, les allégations donnant ouverture à la plainte, à savoir qu’il était au courant des activités syndicales du plaignant et qu’il en a notamment tenu compte dans sa décision de mettre fin à l’emploi du plaignant.

[39] Le fardeau de la preuve, selon la prépondérance des probabilités, reste inchangé; celui-ci ne devient pas plus lourd selon la gravité des questions soulevées. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, a récemment confirmé la norme de preuve en matière civile :

[49] En conséquence, je suis d’avis de confirmer que dans une instance civile, une seule norme de preuve s’applique, celle de la prépondérance des probabilités. Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.

[40] Dans la même veine, le fardeau incombe toujours à l’employeur intimé. Il n’est pas transféré au plaignant. Cependant, la preuve présentée par le plaignant est souvent cruciale pour permettre au Conseil d’examiner le contexte et de déterminer si l’employeur s’est acquitté de son fardeau.

[41] Il existe rarement une preuve directe de la présence d’un sentiment antisyndical. Le Conseil doit plutôt établir, en se fondant sur le contexte global, si le sentiment antisyndical a joué un rôle, aussi petit soit-il, dans les mesures prises par l’employeur.

[45] Le Conseil accepte la référence faite par TWI au résumé de la pratique générale s’appliquant à ce genre de plainte de PDT, résumé que L’honorable M. George Adams a présenté dans Canadian Labour Law, 2e édition, vol. 2, Aurora, Canada Law Book, 2010 :

10.130 Les dispositions législatives canadiennes qui interdisent de congédier ou de traiter d’autre manière discriminatoire un employé « à cause » ou « en raison » de ses activités syndicales légitimes ont été interprétées par les tribunaux comme exigeant un examen pour vérifier si « l’adhésion à un syndicat a joué un rôle dans la décision de l’employeur de congédier l’employé, que ce soit comme motif principal ou secondaire, ou encore comme l’une de plusieurs raisons, sans égard à leur importance respective ». Il n’est pas nécessaire que le motif répréhensible constitue le motif déterminant. Comme l’employeur n’avouera vraisemblablement pas son sentiment antisyndical, les tribunaux administratifs doivent s’en remettre à la preuve circonstancielle pour tirer des conclusions sur les motifs de l’employeur. Ces considérations peuvent inclure des éléments de preuve relatifs à la manière dont le congédiement a été fait ou à la crédibilité des témoins ainsi qu’à « l’existence d’une activité syndicale et la connaissance qu’il en avait, une conduite inhabituelle ou atypique de sa part découlant de sa connaissance de cette activité syndicale, une conduite antisyndicale antérieure et toutes les autres « anomalies » », notamment une disproportion entre la mesure disciplinaire imposée et la faute alléguée.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[46] Le Conseil a examiné la preuve circonstancielle en l’espèce et a tiré des conclusions sur la question de savoir si les activités syndicales de M. Plante avaient joué un rôle dans la décision de TWI. Le Conseil accepte la proposition de TWI selon laquelle la participation d’un employé à des activités syndicales n’empêche pas que cet employé soit tenu responsable des conséquences de son comportement :

Même s’il est clair que M. Sandhu prenait part à des activités syndicales, à la connaissance de l’employeur, ces activités syndicales ne protégeaient pas M. Sandhu contre un congédiement ou une mesure disciplinaire, si l’employeur pouvait démontrer que sa décision n’était pas motivée par un sentiment antisyndical. En effet, les employés ne peuvent recourir aux dispositions sur les pratiques déloyales de travail prévues dans le Code pour se protéger contre des mesures disciplinaires qui résultent de leur propre mauvaise conduite...

(D.H.L. International Express Ltd. (1995), 99 di 126; et 28 CLRBR (2d) 297 (CCRT no 1147), pages 132; et 303-304)

(c’est nous qui soulignons)

[80] C’est en tenant compte de ces principes que le Conseil analysera le cas de M. Carr.

VI – Questions

[81] Le Conseil doit trancher deux questions :

i) Acadien s’est-elle acquittée de son fardeau de démontrer que les activités syndicales de M. Carr n’ont pas influencé sa décision de le congédier?

ii) Acadien est-elle intervenue dans l’administration du SUT ou dans la représentation de ses membres?

VII – Analyse et décision

A) Remarques préliminaires

[82] Au cours des plaidoiries finales, le Conseil s’est vu enjoint à conclure qu’Acadien avait agi de mauvaise foi à de nombreuses reprises dans ses rapports avec M. Carr et le SUT. La preuve semble toutefois indiquer le contraire. Le Conseil a été impressionné par la franchise des deux parties pendant les témoignages.

[83] Le Conseil est convaincu que, en 2010, lorsque Mme Krisko a repris les fonctions de vice-présidente des Ressources humaines au sein du Groupe Orléans, elle et ses collègues gestionnaires espéraient améliorer les relations de l’entreprise avec le SUT.

[84] La décision d’Acadien de ne pas prendre de mesures disciplinaires à l’endroit de M. Carr après la signature de la lettre d’entente du 5 octobre 2010 n’est qu’un exemple de ces tentatives de faire preuve de bonne foi. Le Conseil ne formule aucun commentaire à savoir si la conduite de M. Carr justifiait la prise de mesures disciplinaires.

[85] De même, M. Carr a témoigné avec franchise devant le Conseil et a semblé ouvert à l’invitation de Mme Krisko à améliorer les relations du travail.

[86] Malgré la volonté initiale apparente des deux parties de négocier de manière constructive, les relations se sont par la suite dégradées pour diverses raisons.

[87] D’après le Conseil, chaque partie a été froissée de voir que ses efforts déployés de bonne foi pour améliorer les relations étaient rejetés. Par exemple, Acadien pensait que les parties s’étaient entendues sur la façon dont le SUT allait communiquer et présenter ses griefs.

[88] Quant à M. Carr, il aurait eu l’impression que le SUT avait été dupé à propos des perspectives d’emploi lorsque Acadien a cherché à modifier la demande qu’elle avait présentée à la CESP en 2010.

[89] Il n’appartient pas au Conseil de déterminer comment les parties devraient mener leurs relations du travail. L’éventail des relations va d’une collaboration très axée sur la consultation à la confrontation continue. En fin de compte, les parties doivent trouver un terrain d’entente qui leur convient. Le Conseil a été malgré tout étonné de constater que les deux parties semblaient empressées, du moins au départ, d’établir une bonne relation.

B) Acadien s’est-elle acquittée de son fardeau de démontrer que les activités syndicales de M. Carr n’ont pas influencé sa décision de le congédier?

[90] Acadien n’a pas convaincu le Conseil que le congédiement de M. Carr n’était pas lié, en tout ou en partie, à l’exercice par ce dernier des droits que lui confère le Code. Il est évident que les activités syndicales de M. Carr, à titre de président de la section locale, ont été une cause immédiate dans la décision d’Acadien de le congédier.

[91] Cette conclusion du Conseil est fondée sur plusieurs facteurs.

[92] Tout d’abord, selon la chronologie des événements, M. Carr n’avait pas conduit d’autobus pour Acadien depuis le mois de mai 2011 en raison d’une blessure subie au travail. Acadien l’a congédié au moment où il devait retourner au travail en octobre 2011. Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle le président d’un syndicat a fait l’objet d’une mesure disciplinaire liée au travail, mais qui se serait défendu en disant que la mesure disciplinaire était en réalité attribuable à ses activités syndicales.

[93] En l’espèce, M. Carr n’a pas travaillé pendant les cinq mois qui ont précédé son congédiement.

[94] Presque toutes les activités menées par M. Carr de mai à octobre 2011 découlaient uniquement de son rôle de président du SUT.

[95] La liste de ces activités syndicales, que le Conseil a résumées plus tôt, et dont certaines ou la totalité ont irrité Acadien en 2011, comprend les suivantes :

1. Questions liées à la convention collective (paragraphe 43);

2. L’idée selon laquelle M. Carr manquait de respect envers la direction lorsque Acadien croyait qu’il allait communiquer avec la CESP ou d’autres organismes gouvernementaux à propos de questions liées aux relations du travail (paragraphe 44);

3. Son comportement pendant les rencontres patronales-syndicales (paragraphes 45 et 46);

4. Ses commentaires selon lesquels les carnets d’information avant-départ était en français uniquement (paragraphe 47);

5. L’avis qu’il a envoyé aux membres en septembre à propos du fait qu’Acadien avait annulé les séances de négociation collective prévues (paragraphes 48 et 49);

6. L’avis qu’il a envoyé par la suite aux membres le 26 septembre 2011 à propos du fait qu’Acadien prévoyait tenir des réunions du personnel (paragraphes 50 et 51);

7. Les commentaires qu’il a formulés à propos des réunions du personnel tenues par Acadien à la fin du mois de septembre (paragraphe 52);

8. La lettre qu’il a envoyée à M. Bigeault pour demander l’aide de Mme Judy Sheehan dans les négociations (paragraphe 57).

[96] Durant la période de mai à octobre 2011, Acadien s’est manifestement élevée contre la façon dont M. Carr exerçait certaines ou la totalité de ses fonctions syndicales en tant que président de la section locale. Il ne s’était acquitté d’aucune fonction liée au travail au cours de cette période.

[97] Cette première raison donne lieu à un deuxième commentaire. Le Conseil a tenu compte de l’importance qu’Acadien a accordé aux événements survenus en 2010 pour appuyer sa décision de congédier M. Carr en 2011. Comme M. Carr avait été en congé depuis le mois de mai 2011, on comprend peut-être pourquoi Acadien a semblé affirmer qu’un « incident déterminant » justifiait sa décision de le congédier. Toutefois, cet incident déterminant n’aurait pu se produire que dans le cadre de la poursuite des activités syndicales de M. Carr en tant que président du SUT, puisque celui-ci n’avait pas exercé les fonctions de son poste régulier liées au travail au cours des cinq mois précédents parce qu’il était en congé pour accident du travail.

[98] D’où notre troisième observation. Étant donné que le rendement de M. Carr en tant que chauffeur d’autobus ne figurait pas parmi les motifs de son congédiement, le Conseil doit examiner si la conduite de M. Carr en tant que président de la section locale débordait toujours du cadre des activités protégées en vertu du Code.

[99] Comme le démontre l’examen de la jurisprudence effectué plus tôt par le Conseil, les dirigeants syndicaux bénéficient d’un certain degré d’immunité lorsqu’ils représentent leurs membres, que ce soit ou non pendant les négociations collectives. Cette immunité n’est toutefois pas absolue. Si les accès de colère momentanés peuvent être pardonnés, un dirigeant syndical ne bénéficie d’aucune protection s’il fait continuellement des déclarations publiques fausses ou irréfléchies. Un dirigeant syndical ne peut pas non plus ridiculiser ou harceler continuellement d’autres employés ou des membres du personnel de direction.

[100] Pendant l’audience, le Conseil a senti qu’il y avait peut-être eu une certaine confusion à savoir dans quelle mesure un employeur peut contrôler la conduite du président d’un syndicat ou établir des lignes directrices à cet égard.

[101] Il est évident qu’Acadien a été frustrée par la conduite de M. Carr, qui a continué d’envoyer des courriels aux gestionnaires aussi bien d’Acadien que du Groupe Orléans, plutôt que de recourir exclusivement à la procédure de règlement des griefs. Si M. Carr avait fait partie du personnel de direction à ce moment-là, il aurait été sans aucun doute tenu de respecter la hiérarchie de l’employeur pour traiter de ces questions. C’est la façon dont les organisations hiérarchiques fonctionnent.

[102] De même, un employé régulier aurait été obligé de suivre les directives d’Acadien, compte tenu du principe selon lequel il faut « obéir d’abord, se plaindre ensuite ».

[103] Mais M. Carr ne faisait pas partie du personnel de direction d’Acadien, pas plus qu’il n’était membre régulier de l’unité de négociation. Il n’était pas assujetti au « rapport hiérarchique » absolu qui, selon ce que semblait croire Acadien, s’appliquait à lui.

[104] Lorsqu’un dirigeant syndical représente les membres de son syndicat, son rôle ne se limite pas à la procédure de règlement des griefs prévue dans la convention collective. S’il est concevable que des relations du travail puissent se détériorer au point où la procédure de règlement des griefs devient l’unique mode de communication, cela n’est certainement pas la norme.

[105] La relation continue entre les syndicats et les employeurs va bien au-delà de la procédure de règlement des griefs. En effet, de bonnes relations du travail reposent sur une communication ouverte entre l’employeur et les représentants syndicaux.

[106] Acadien a insisté pour que M. Carr exerce ses fonctions conformément au processus de l’entreprise. M. Carr n’acceptait pas ce processus et a refusé de le suivre, ce qui lui a valu de recevoir des avertissements et de faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Cependant, à moins que les activités syndicales de M. Carr n’aient franchi la limite des activités protégées décrite plus haut, la décision d’Acadien de lui imposer une mesure disciplinaire pour ces activités contrevenait au Code.

[107] Cela ne veut pas dire que M. Carr pouvait faire tout ce qu’il voulait. La jurisprudence décrit diverses limites, habituellement pour des situations factuelles indépendantes. Seul M. Carr connaissait la raison pour laquelle il envoyait constamment des courriels à tous les gestionnaires, surtout après qu’on lui eut demandé d’amorcer toute discussion avec un gestionnaire local. Pour M. Carr, tout ce qu’il risquait, c’était d’être ignoré, puisque les autres gestionnaires auraient pu simplement supprimer les courriels venant de lui.

[108] à long terme, l’utilisation du courrier électronique peut ou non aider M. Carr dans les efforts qu’il déploie pour représenter les intérêts de ses membres. D’autre part, compte tenu du fait que les membres du personnel de direction d’Acadien sont nombreux à travailler à l’extérieur du Nouveau-Brunswick, M. Carr a peut-être eu recours à cette méthode pour s’assurer de retenir leur attention.

[109] Acadien a aussi désapprouvé d’autres activités syndicales de M. Carr, par exemple son intervention auprès de la CESP et les lettres qu’il a écrites à M. Bigeault. En effet, la dernière lettre que M. Carr a envoyée à M. Bigeault le 13 octobre 2011, dans laquelle il critiquait l’équipe de négociation d’Acadien et demandait l’intervention d’une personne de l’extérieur pour aider dans les négociations, semble avoir été le dernier geste posé par M. Carr, du moins chronologiquement, avant son congédiement.

[110] La question ici n’est pas de savoir si M. Carr pouvait agir ainsi. En fait, il arrive souvent que les syndicats présentent des demandes à des organismes de l’extérieur relativement à des questions touchant leurs relations du travail. De même, depuis des dizaines d’années, on fait appel devant une tierce partie, comme cela s’est produit dans Samson, précitée, dans l’espoir de bénéficier d’un avantage sur le plan des négociations. Dans le cadre de certaines négociations, des employeurs aussi bien que des syndicats ont négocié assez ouvertement, notamment en publiant des annonces publicitaires dans les journaux et en utilisant des sites Web publics.

[111] Ces campagnes peuvent aussi comprendre des descriptions peu flatteuses de l’autre partie aux négociations.

[112] C’est à Acadien qu’il incombe de démontrer au Conseil que ces gestes par ailleurs normaux ont perdu la protection du Code. Selon la jurisprudence, Acadien n’a pas réussi à s’acquitter de ce fardeau.

[113] Le Conseil a exposé de façon assez détaillée la correspondance échangée entre les parties. Même s’il est possible que les observations présentées par M. Carr à la CESP en octobre 2010 aient justifié la prise d’une mesure disciplinaire, une question qui, en définitive, relève d’un arbitre plutôt que du Conseil, le fait qu’Acadien a attendu un an avant d’y accorder de l’importance constitue le type de preuve circonstancielle que le Conseil ne peut ignorer.

[114] En résumé, à la lumière du contexte global, Acadien n’a pas convaincu le Conseil que les activités syndicales légitimes de M. Carr en tant que président de la section locale du SUT n’ont pas influencé sa décision de le congédier. En fait, comme M. Carr ne travaillait pas, presque toutes les activités qu’il a menées durant la période de mai à octobre 2011 étaient des activités syndicales.

[115] Certaines de ces activités syndicales pourraient certes soulever des débats intéressants sur la question de savoir si M. Carr a franchi la limite à certains moments donnés. Mais le Conseil est convaincu que la très grande majorité, sinon la totalité, des activités menées par M. Carr étaient acceptables et protégées pour un président de syndicat.

[116] Comme le CCRT l’a affirmé dans Samson, précitée, il n’appartient pas à l’employeur de dire au syndicat comment gérer ses affaires.

C) Acadien est-elle intervenue dans l’administration du SUT ou dans la représentation de ses membres?

[117] Le SUT a aussi demandé au Conseil de conclure que le congédiement de M. Carr constituait une violation de l’alinéa 94(1)a) du Code puisqu’il s’agissait d’une intervention dans la représentation des membres du SUT par celui-ci. Il s’agissait manifestement d’un argument subsidiaire, surtout après que le SUT eut décidé de ne pas donner suite aux autres événements allégués qu’il avait utilisés pour étayer sa position à l’égard de l’alinéa 94(1)a).

[118] Le fardeau de la preuve relativement à cette allégation incombait au SUT.

[119] Le Conseil est convaincu que le SUT s’est acquitté de ce fardeau en démontrant qu’il y a eu intervention de l’employeur, en violation de l’alinéa 94(1)a) du Code.

[120] Selon les éléments de preuve en l’espèce, Acadien s’est formalisée de la façon dont M. Carr a exercé ses fonctions syndicales. Acadien avait tout à fait le droit d’intervenir si les gestes de M. Carr cessaient d’être protégés en vertu du Code. Cependant, la position générale d’Acadien, qui laissait entendre que M. Carr ne pouvait mener d’activités syndicales légitimes, internes ou externes, en raison d’une notion erronée de l’insubordination, constitue de l’ingérence.

[121] Pour cette raison, le Conseil conclut également qu’Acadien a aussi enfreint l’alinéa 94(1)a) du Code.

VII – Mesures de redressement

[122] L’affaire en l’espèce portait sur le congédiement d’un président de syndicat, survenu pendant des négociations collectives, en raison de son comportement au cours d’une période donnée.

[123] Le SUT a allégué que M. Carr avait agi en tout temps à l’intérieur de la zone des activités protégées telle qu’elle a été établie par le Conseil et dans la jurisprudence arbitrale.

[124] Acadien a soutenu avoir permis à M. Carr d’exercer ses fonctions de président, même après son congédiement, mais que certains gestes qu’il avait posés justifiaient qu’il soit congédié.

[125] Pour les motifs exposés ci-dessus, le Conseil conclut que les gestes posés par M. Carr constituaient, de façon générale, des gestes acceptables de la part d’un dirigeant syndical représentant l’unité de négociation. Acadien ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que les activités syndicales légitimes de M. Carr n’étaient pas une cause immédiate de son congédiement.

[126] Parallèlement, le SUT a convaincu le Conseil que la mesure disciplinaire imposée à M. Carr pour avoir exercé ses fonctions de président du syndicat constituait aussi de l’ingérence dans ses activités légitimes, en violation de l’alinéa 94(1)a) du Code.

[127] Par conséquent, le Conseil ordonne les mesures de redressement suivantes :

1. Acadien réintégrera M. Carr dans ses fonctions dans un délai de dix (10) jours suivant la réception des présents motifs de décision;

2. Acadien indemnisera sur-le-champ M. Carr pour toute la rémunération qu’il aurait reçue de la date de son congédiement à la date de sa réintégration;

3. Il est entendu que M. Carr n’a droit à aucune rémunération pour toute période au cours de laquelle l’unité de négociation a été mise en lock-out;

4. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur l’un ou l’autre des aspects de la réintégration et de l’indemnisation de M. Carr, elles pourront alors soumettre par écrit les questions non réglées au Conseil, dans un délai de trente (30) jours suivant la date des présents motifs de décision.

[128] Si l’une ou l’autre des parties désire obtenir une ordonnance officielle du Conseil, elle devra consulter l’autre partie et présenter une proposition d’ordonnance, dont la forme et le contenu auront été approuvés, dans la mesure du possible.

[129] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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