Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

requérant,

et

TNT Express (Canada) ltée,

employeur.

Dossier du Conseil : 29013-C

Référence neutre : 2012 CCRI 629

Le 21 février 2012

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, et de MM. André Lecavalier et Norman Rivard, Membres.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour rendre une décision partielle sans tenir d’audience.

Représentants des parties au dossier
MM. Peter Denley et Mark Evard, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes;
Me George Vassos, pour TNT Express (Canada) ltée.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Nature de la demande

[1] Le 14 octobre 2011, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le STTP) a présenté une demande d’accréditation visant une unité de négociation d’employés travaillant chez TNT Express (Canada) ltée (TNT Canada), à un de ses locaux à Ottawa (Ontario). La présente décision ne traite pas du bien-fondé de cette demande ni de la détermination de l’unité habile à négocier, y compris les inclusions ou les exclusions.

[2] Il s’agit plutôt de régler certaines questions de procédure.

[3] La première question concerne deux demandes d’intervention de la part d’employés de TNT Canada. La deuxième question est de savoir si la demande d’accréditation devrait être rejetée parce qu’il est allégué qu’il y a eu une communication de renseignements confidentiels relatifs à l’adhésion au syndicat.

[4] La troisième question, et la plus importante, est de savoir si le Conseil a la compétence constitutionnelle pour instruire la demande.

[5] Pour les motifs exposés ci-après, le Conseil a décidé de rejeter les deux demandes d’intervention. Le Conseil a également décidé de ne pas rejeter la demande d’accréditation pour le motif allégué d’une violation de l’article 35 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement).

[6] Enfin, le Conseil demandera aux parties de présenter des observations complètes sur la question de la compétence constitutionnelle, au-delà de la question restreinte qu’elles ont avancée dans leurs observations déjà fournies.

II – Les observations des parties

A – La compétence constitutionnelle du Conseil

[7] Les parties ont fourni des observations détaillées.

[8] TNT Canada fait partie du groupe de sociétés TNT, qui fournit des services de livraison et de messagerie dans le monde entier. TNT Canada a expliqué qu’elle n’avait pas fourni de services de messagerie depuis 2001, et qu’en décembre 2010, la société mère, à savoir TNT NV, avait entrepris une « scission » (traduction) de toutes les activités liées aux services de livraison et de messagerie de TNT.

[9] De la scission sont nées deux sociétés ouvertes : PostNL (une société offrant des services de messagerie) et TNT Express NV (une société de livraison express). TNT Canada n’est pas une société ouverte.

[10] TNT Canada mène des activités dans cinq villes au Canada, à savoir : Vancouver, Calgary, Mississauga, Ottawa et Montréal. TNT Canada se définit comme un transitaire.

[11] TNT Canada a soutenu au départ que le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53; [2009] 3 R.C.S. 407 (Consolidated Fastfrate) s’applique à son entreprise. Dans l’arrêt Consolidated Fastfrate, il a été jugé qu’un simple transitaire, qui faisait appel à des tiers pour effectuer ses activités de transport interprovincial, ne relevait pas de la compétence fédérale.

[12] TNT Canada a également effectué une distinction entre la récente décision du Conseil TurnAround Couriers inc., 2010 CCRI 544 (TurnAround 544) et la présente affaire. Dans cette décision, il a été conclu que certains services de messagerie constituaient un « service postal », ce qui assujettissait l’entreprise de TurnAround à la compétence fédérale. Presqu’au moment même où les présents motifs étaient sur le point d’être rendus, la Cour d’appel fédérale a renversé la décision TurnAround 544 dans l’arrêt Turnaround Couriers Inc. v. Canadian Union of Postal Workers, 2012 FCA 36.

[13] Dans sa demande initiale, le STTP a expliqué qu’il avait l’intention de se fonder uniquement sur l’argument selon lequel les activités de TNT Canada constituaient un « service postal », au sens où le terme avait été interprété et appliqué dans la décision TurnAround 544. Compte tenu du fait que le STTP se fondait sur la décision TurnAround 544, il n’avait pas l’intention de fournir des éléments de preuve sur la question de savoir si TNT Canada exploitait aussi une entreprise interprovinciale.

[14] Dans sa lettre du 28 novembre 2011, à la page 2, TNT Canada a résumé de la manière suivante la question de la compétence constitutionnelle que les parties avaient soulevée devant le Conseil :

Il ressort des observations du STTP que TNT Canada et le STTP conviennent que la seule question constitutionnelle dont le Conseil est saisi est de savoir si TNT Canada exploite un « service postal » (et la question de savoir si l’entreprise de TNT Canada est de nature interprovinciale n’est pas une question dont le Conseil est saisi).

(traduction)

[15] TNT Canada a signifié un avis de la question constitutionnelle aux procureurs généraux des provinces conformément à l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7.

B – Les demandes d’intervention

[16] Les 17 et 18 novembre 2011, le Conseil a reçu deux demandes d’intervention de la part d’employés de TNT Canada. M. Coulson a demandé à obtenir la qualité d’intervenant au motif que, en tant qu’employé n’exerçant aucune fonction de chauffeur, et donc exclu de l’unité proposée par le STTP, il devrait pouvoir s’exprimer sur la question.

[17] Le deuxième employé, M. Olson, a eu l’impression qu’il était exclu de l’unité du STTP en tant qu’« employé de l’exploitation » (traduction), et qu’il devrait être autorisé à intervenir sur la question de savoir s’il devrait faire partie de l’unité.

[18] TNT Canada a proposé au Conseil d’accueillir les deux demandes d’intervention, étant donné que les arguments de M. Coulson et de M. Olson appuyaient sa position selon laquelle le Conseil devrait élargir la portée de l’unité de négociation pour laquelle le STTP avait initialement demandé une accréditation. TNT Canada a fait valoir que l’exclusion d’un employé seul d’une unité de négociation signifiait que cette personne n’accéderait jamais à la négociation collective.

[19] Le STTP a indiqué qu’il ne s’était pas rendu compte auparavant du fait que M. Olson, qui effectuait certaines tâches de répartiteur, conduisait aussi des véhicules pour TNT Canada. Le STTP a par conséquent fait valoir qu’il ne s’opposait pas à l’inclusion de M. Olson dans l’unité de négociation. Toutefois, le STTP a maintenu son argument selon lequel M. Coulson, qui était manutentionnaire à temps partiel, ne devrait pas faire partie de l’unité de négociation de « chauffeurs » (traduction) pour laquelle il avait demandé une accréditation.

[20] Le STTP s’est opposé à ce que la qualité d’intervenant soit accordée aux personnes susmentionnées, peu importe qu’elles relèvent ou non de l’unité proposée. Mis à part le chaos que créeraient de telles interventions dans le contexte de demandes d’accréditation, qui sont traitées selon une procédure expéditive, le STTP a également soutenu qu’à cause du concept de « la règle de la majorité », il est difficile de permettre à tout employé d’intervenir dans le cadre d’une affaire qui concerne un syndicat et un employeur précis.

C – La volonté des membres

[21] L’article 35 du Règlement protège le caractère confidentiel de la preuve d’adhésion présentée au Conseil :

35. Le Conseil ne peut communiquer à qui que ce soit des éléments de preuve susceptibles de révéler l’adhésion à un syndicat, l’opposition à l’accréditation d’un syndicat ou la volonté de tout employé d’être ou de ne pas être représenté par un syndicat, sauf si la communication de ces éléments contribuerait à la réalisation des objectifs du Code.

[22] TNT Canada a allégué qu’un argument du STTP au sujet d’un intervenant avait permis de tirer une conclusion selon laquelle cette personne n’avait pas signé une carte de membre. TNT Canada a aussi soutenu que l’argument du STTP révélait combien de personnes visées par l’unité proposée avaient signé une carte de membre.

[23] TNT Canada a soutenu qu’il s’agissait d’une violation de l’article 35 du Règlement aussi bien que de la politique de confidentialité du Conseil. TNT Canada a demandé au Conseil de déclarer la demande du STTP « irrecevable ».

III – Analyse et décision

A – La volonté des membres

[24] Le Conseil rejette l’allégation de TNT Canada fondée sur l’article 35 du Règlement. Le Conseil ne formulera pas de commentaires en ce qui concerne les hypothèses émises par TNT Canada relativement à la preuve d’adhésion au STTP. Cette preuve est confidentielle pour le Conseil.

[25] Même si dans une demande d’accréditation un requérant communique par inadvertance la preuve d’adhésion syndicale, le Conseil a du mal à comprendre comment de telles erreurs rendraient une demande d’accréditation « irrecevable ». Le libellé de l’article 35 du Règlement énonce l’obligation du Conseil de préserver la confidentialité de la preuve d’adhésion.

[26] Le Conseil rejette la demande de TNT Canada visant à ce que la demande d’accréditation du STTP soit déclarée irrecevable.

B – Les demandes d’intervention

[27] M. Coulson et M. Olson n’ont pas convaincu le Conseil que leur situation présentait une quelconque particularité qui justifierait qu’on leur accorde la qualité d’intervenant en l’espèce.

[28] Une demande d’accréditation exige qu’un syndicat démontre qu’il dispose de l’appui requis de la majorité des employés d’une unité jugée habile à négocier collectivement. La preuve peut être faite au moyen de cartes d’adhésion signées ou d’un scrutin supervisé par le Conseil. Dans la plupart des cas, le syndicat et l’employeur intimé sont parfaitement capables de débattre du bien-fondé de l’unité de négociation proposée, y compris les inclusions et les exclusions.

[29] De manière générale, le Conseil n’accorde pas la qualité d’intervenant à des employés pris individuellement dans le cadre d’une demande d’accréditation, ainsi qu’il a été souligné dans la décision TD Canada Trust du Grand Sudbury (Ontario), 2006 CCRI 363 (TD 363), confirmée par la Cour d’appel fédérale en contrôle judiciaire (TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l’énergie, des services et industries connexes (Syndicat des Métallos), 2007 CAF 285).

[30] Dans la décision TD 363, le Conseil a fait observer que, dans des circonstances exceptionnelles, par exemple à titre de redressement pour remédier à de possibles questions de justice naturelle, il pourrait accorder la qualité d’intervenant à certaines personnes. Voici le passage pertinent de la décision TD 363 :

[75] Il faut souligner que, dans le cadre d’une demande d’accréditation, les employés n’obtiennent pas normalement la qualité d’intervenants pour ce qui est de la définition de l’unité de négociation. Dans Nav Canada et autres, [2000] CCRI no 88, le Conseil a conclu que, lorsque le litige concerne la portée de l’unité de négociation, les employés n’ont pas qualité pour agir, qu’il s’agisse des articles 18, 18.1 ou 27. Les employés n’ont pas la qualité de « partie » aux fins de la définition de l’unité de négociation, à moins que le Conseil ne leur accorde cette qualité en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

[76] Dans TD Canada Trust in the City of Greater Sudbury, Ontario (LD 1282), précitée, le Conseil a reconnu la question présentement soulevée et a accordé aux employés de la succursale Lively la qualité d’intervenant dans la demande de réexamen présentée par l’employeur. Il a permis aux intervenants de soumettre de nouvelles observations, et a accordé au syndicat et à l’employeur l’occasion de répondre :

Pour ce qui est de la demande de statut d’intervenant, le banc de révision constate que les employés de la succursale Lively, malgré leur prétention au contraire, n’avaient pas obtenu de statut d’intervenant dans le dossier du Conseil no 24751-C. Le banc de révision conclut aussi toutefois que bien que les observations initiales des employés de la succursale Lively étaient en partie des expressions de leur volonté d’être ou de ne pas être représentés par le syndicat, elles comprenaient aussi un volet important qui concernait les questions en litige. Tandis que l’expression de la volonté des employés est considérée comme confidentielle et n’est pas communiquée aux parties, les observations portant sur les questions de fond à l’étude doivent être transmises aux parties et il faut leur donner l’occasion de répondre aux arguments invoqués. Toutefois, comme cette possibilité n’a pas été accordée aux parties dans le dossier no 24751-C, le Conseil juge pertinent d’accorder le statut d’intervenant aux employés de la succursale Lively dans le cadre de la demande de réexamen présentée par l’employeur. Par conséquent, si les employés de la succursale Lively souhaitent soumettre de nouvelles observations au Conseil au sujet de la demande de réexamen, ils doivent le faire au plus tard le 5 juillet 2005. L’employeur et le syndicat ont jusqu’au 12 juillet 2005 pour déposer leurs réponses.

(pages 2-3; traduction)

[77] Les employés de la succursale Lively ont obtenu la qualité d’intervenant dans la présente demande et toutes les parties ont eu la possibilité de soumettre de nouvelles observations dans le cadre de la présente demande de réexamen. Selon le banc de révision, cela dissipe toute inquiétude relativement au défaut du banc initial de communiquer de l’information pertinente. Toutes les parties ont maintenant eu la possibilité de soumettre des observations que le banc de révision a examinées.

(c’est nous qui soulignons)

[31] La décision TD 363 traite d’une situation qui correspond au type de situation exceptionnelle où le Conseil a accordé la qualité d’intervenant à des employés pris individuellement. Le Conseil a agi ainsi pour calmer les inquiétudes découlant d’un défaut de communiquer un document qui contenait des arguments sur le fond relativement à la demande sous-jacente.

[32] Étant donné qu’en l’espèce il n’existe aucune circonstance spéciale comparable à celles examinées dans la décision TD 363, le Conseil suit sa pratique habituelle et n’accorde pas la qualité d’intervenant à M. Coulson et à M. Olson.

C – La question constitutionnelle

[33] Les parties ne restreignent la portée d’aucune question constitutionnelle dont le Conseil est saisi. Peu importe que le STTP ait soulevé ou non la question du caractère véritable de l’entreprise de TNT Canada, le Conseil doit tout de même être convaincu qu’il a compétence pour instruire la demande.

[34] Le même principe s’applique lorsque les parties prétendent consentir à la compétence du Conseil. Si le Conseil n’est pas certain que le Code s’applique, les parties seront appelées à présenter des arguments juridiques et des faits pertinents (voir, par exemple, Allcap Baggage Services Inc. (1990), 79 di 181; et 7 CLRBR (2d) 274 (CCRT no 778), aux pages 184-185; et 276-277).

[35] Malgré l’arrêt récent de la Cour d’appel fédérale qui a renversé la décision TurnAround 544, le Conseil doit tout de même obtenir les observations des parties sur la question de savoir si TNT Canada est un transitaire au sens de l’arrêt Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, précité, ou si TNT Canada constitue dans son ensemble une entreprise fédérale de transport qui entraînerait son assujettissement au Code.

[36] Pour reprendre les propos de TNT Canada contenus dans sa lettre du 28 novembre 2011, le Conseil estime que « la question de savoir si l’entreprise de TNT Canada est de nature interprovinciale » (traduction) est une question que le Conseil doit trancher avant de poursuivre l’examen de la présente demande. Le Conseil établira sans délai l’échéancier pour la présentation des observations des parties sur cette question.

[37] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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