Contenu de la décision
C.D. Howe Building, 240 Sparks Street, 4th Floor West, Ottawa, Ont. K1A 0X8 Édifice C.D. Howe, 240, rue Sparks, 4 e étage Ouest, Ottawa (Ont.) K1A 0X8 Motifs de décision Section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters, requérante, et Section locale 847 de la Fraternité internationale des Teamsters, intimée, et Purolator Courrier ltée, employeur. Dossier du Conseil : 28662-C Référence neutre : 2011 CCRI 601 Le 19 juillet 2011 Le banc du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil ou le CCRI) se composait de M e Graham J. Clarke, de M e Judith F. MacPherson, c.r., et de M. William G. McMurray, Vice-présidents. Parties M e Tracey Henry et M e Ryan D. White, pour la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters; M. Ed Hawrysh, pour la section locale 847 de la Fraternité internationale des Teamsters;
M e Marsha M. Lindsay, pour Purolator Courrier ltée. Les présents motifs de décision ont été rédigés par M e Graham J. Clarke, Vice-président. I – Nature de la demande [1] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance des documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la demande sans tenir d’audience. [2] Le 17 mars 2011, le Conseil a reçu une demande de réexamen présentée par la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters (la section locale 938) visant une décision rendue par le Conseil dans Purolator Courrier Ltd., 2011 CIRB LD 2511 (Purolator 2511). [3] La section locale 938 avait initialement demandé au Conseil, en vertu de l’article 43 du Code, de la déclarer syndicat successeur de la section locale 847 de la Fraternité internationale des Teamsters (la section locale 847) pour qu’elle puisse représenter une unité de négociation de Purolator Courrier ltée (Purolator). Le transfert de compétence aurait eu lieu après que le conseil mixte des Teamsters eut tranché un différend en matière de compétence opposant les sections locales. [4] Dans Purolator 2511, le Conseil a rejeté la demande de déclaration de syndicat successeur présentée par la section locale 938, au motif qu’aucune preuve de l’appui des membres n’avait été fournie au soutien de la demande et du transfert de compétence. [5] Après analyse de la présente demande de réexamen, le Conseil est convaincu que le rejet, par le banc initial, de la demande présentée par la section locale 938 concernant ses droits liés à la succession constituait une erreur. Ni la section locale 847 ni Purolator n’a contesté la demande initiale ou la présente demande de réexamen. Dans Purolator 2511, le Conseil a commis une erreur de droit en exigeant l’appui -2-
des membres du syndicat. [6] Voici donc les motifs de la décision du Conseil. II – Contexte [7] Le 23 février 2010, le Conseil a accrédité la section locale 847 à titre d’agent négociateur d’une unité de négociation de 14 employés de Purolator (ordonnance n o 9818-U). [8] Cette accréditation a mené à un litige entre les sections locales 938 et 847, qui ne s’entendaient pas sur la question de savoir qui avait qualité pour représenter les employés de Purolator visés. L’affaire a été soumise au conseil mixte des Teamsters n o 52, qui a formé un banc chargé de trancher le litige en matière de compétence. [9] Le 19 novembre 2010, ce banc a tranché en faveur de la section locale 938. Le banc a ordonné à la section locale 847 de « transférer sur-le-champ les membres visés par le litige à la section locale 938 » (traduction). La section locale 847 a aussi reçu la directive d’appuyer la demande présentée au Conseil par la section locale 938, afin que les droits de négociation lui soient transférés. [10] Le 22 décembre 2010, la section locale 938 a demandé au Conseil de reconnaître le transfert des droits de négociation de la section locale 847. Le procureur de la section locale 938 a présenté des observations écrites exposant les faits liés au transfert de compétence et y a joint une copie de la décision rendue le 19 novembre 2010 par le banc chargé de trancher le litige en matière de compétence. Le seul élément de preuve dont était saisi le Conseil était la demande présentée par la section locale 938. [11] Dans Purolator 2511, le banc a noté que la demande de la section locale 938 ne renfermait aucune preuve quant à savoir si les membres de l’unité de négociation appuyaient la demande de transfert de compétence ou s’ils avaient été d’une façon ou d’une autre consultés. -3-
[12] Le banc dans Purolator 2511 a conclu que les sections locales 938 et 847 étaient des syndicats distincts. La demande de transfert des droits de négociation n’est fondée que sur la décision du banc chargé de trancher le litige en matière de compétence. [13] Dans Purolator 2511, le banc a conclu qu’il fallait, dans le cadre d’une demande de transfert de compétence, fournir la preuve qu’il s’agissait de la volonté des employés de l’unité de négociation. En l’absence de preuve de la volonté des employés, le Conseil n’a eu d’autre choix que de rejeter la demande, comme il l’explique aux pages 4 et 5 de sa décision : La requérante n’a pas présenté de preuve établissant que les employés visés par le transfert appuient la présente demande. Le Conseil ne transférera pas les droits de négociation d’un syndicat à un autre syndicat à la suite d’une simple demande. Tout comme la demande la preuve que les employés visés voulaient être s’attend d’ordinaire à ce qu’un requérant qui cherche l’intermédiaire d’un transfert interne entre syndicats fournisse la preuve que les employés en question appuient le transfert. Puisqu’aucune preuve de ce présente affaire, la demande est rejetée. (traduction) [14] En résumé, le banc dans Purolator 2511 a conclu que les fusions de syndicats et les transferts de compétence en vertu de l’article 43 du Code sont conditionnels à l’appui des membres des unités de négociation visés. Puisqu’aucune preuve d’un tel appui n’avait été présentée, le Conseil a rejeté la demande de la section locale 938. III – Questions en litige [15] La section locale 938 a demandé au Conseil de réexaminer sa décision dans Purolator 2511 pour les deux raisons qui suivent : 12. La requérante soutient que la décision devrait raisons suivantes : a. Le banc a commis une erreur de droit et de principe en exigeant que la requérante fournisse la preuve de l’appui des membres lorsqu’elle a demandé d’être transfert de compétence interne entre deux sections locales d’un même syndicat. -4-d’accréditation initiale renfermait représentés par la section locale 847, le Conseil à obtenir des droits de représentation par type n’a été fournie par la requérante dans la être réexaminée en vertu de l’article 18 pour les déclarée syndicat successeur à la suite d’un
b. Le banc n’a pas respecté un principe de justice naturelle, parce qu’il n’a pas permis à la requérante de présenter des observations sur la question de savoir si la volonté des employés est l’un des éléments dont il faut tenir compte lorsqu’un requérant demande d’être déclaré syndicat successeur à la suite d’un transfert interne de compétence entre deux sections locales d’un même syndicat. (traduction) IV – Analyse et décision A – Le pouvoir de réexamen du Conseil [16] Le Conseil est habilité à réexaminer ses décisions : 18. Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet. [17] L’article 44 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) établit la liste non exhaustive de motifs de réexamen : 44. Les circonstances dans lesquelles une demande de réexamen peut être présentée au Conseil sur le fondement du pouvoir de réexamen que lui confère l’article 18 du Code comprennent les suivantes : a) la survenance de faits nouveaux qui, s’ils avaient été portés à la connaissance du Conseil avant que celui-ci ne rende la décision ou l’ordonnance faisant l’objet d’un réexamen, l’auraient vraisemblablement amené à une conclusion différente; b) la présence d’erreurs de droit ou de principe qui remettent véritablement en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil; c) le non-respect par le Conseil d’un principe de justice naturelle; d) toute décision rendue par un greffier aux termes de l’article 3. [18] Dans Ted Kies, 2008 CCRI 413 (Kies 413), le Conseil s’est prononcé sur les exigences qu’il doit respecter en ce qui a trait aux deux motifs soulevés par la section locale 938 dans sa demande. [19] Si on invoque l’existence d’une erreur de droit, le Conseil a précisé ce qui suit : [16] Le banc de révision peut intervenir si une erreur de droit ou de principe a été commise dans la -5-
décision initiale et que cette erreur remet véritablement en question l’interprétation du Code. [17] Aux termes de l’article 45 du Règlement, l’auteur de la demande doit énoncer, avec des arguments à l’appui, non seulement l’erreur de droit ou de également la raison pour laquelle cette erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial. Selon ce critère à deux n’entraînera pas nécessairement l’annulation de la décision de réexamen. ... [21] Bref, si l’auteur d’une demande allègue l’existence d’une erreur de dans sa demande, préciser à tout le moins : i) le droit ou le principe en cause; ii) l’erreur exacte que le banc initial a commise dans l’application de ce droit ou principe; iii) la manière dont la présumée erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial. [20] Si on invoque un déni de justice naturelle, le Conseil a formulé les commentaires suivants : [22] Le banc de révision peut également déterminer si le banc initial a manqué à un principe de justice naturelle. [23] Dans Johanne Lacelle, 2002 CCRI 166, le banc naturelle » : « [6] Le principe de justice naturelle applicable en common law s’articule première étant que nul ne peut être à la fois juge et parti (nemo judex in causa), ce qui veut dire qu’une partie a le droit d’être jugée par un décideur impartial sans parti pris, et la deuxième étant qu’un tribunal ne peut statuer sur une question affectant une donner la possibilité de se faire entendre (audi alteram partem)... » [24] La justice naturelle est un concept qui varie selon le tribunal en question. Ainsi, l’article 16.1 du Code n’oblige pas le Conseil à tenir une audience aucune audience, le Conseil assure le respect du effectuant un examen approfondi des observations répliques. [25] À titre d’exemple, l’omission de donner avis d’une audience à certaines constituer un déni de justice naturelle (voir Raeburn et al. v. Canada Labour Relations Board et al. (1995), 184 N.R. 253 (C.A.F.)). De même, il pourrait y avoir partialité s’il existait un lien d’appartenance entre un membre du banc et une des parties au dossier (voir IPX Couriers, une division de Dynamex Canada Inc., 2001 CCRI 130). [26] L’auteur d’une demande qui allègue que le banc initial n’a pas respecté un naturelle doit préciser à tout le moins : i) le principe exact de justice naturelle ou d’équité procédurale; ii) une description de la manière dont le banc initial n’a pas respecté ce principe. [27] Un simple désaccord avec la décision d’un banc initial et une déclaration générale que la décision -6-principe exacte dont il allègue l’existence, mais volets, une erreur de droit ou de principe du banc initial à l’issue d’une demande droit ou de principe, il doit, de révision a examiné l’expression « justice autour de deux notions, la personne sans l’informer de l’instance et sans lui dans tous les cas. Lorsqu’il choisit de ne tenir droit d’être entendu (audi alteram partem) en écrites des parties, de leurs réponses et de leurs parties non visées peut principe de justice
a donné lieu à la violation d’un principe non défini de « justice naturelle » ne justifient pas le réexamen. [21] Le paragraphe 12 de la demande présentée par la section locale 938, précité, expose clairement les erreurs prétendument commises par le Conseil dans Purolator 2511. Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit dans la façon dont il a interprété ou appliqué l’article 43 du Code? [22] L’article 43 du Code porte sur les droits et obligations des syndicats successeurs. Le Conseil examinera chaque alinéa de l’article 43 afin de déterminer l’intention du législateur. Il mettra aussi en lumière une différence fondamentale dans la compétence du Conseil entre la succession entre syndicats et la succession découlant de la vente d’une entreprise entre employeurs. (i) Le paragraphe 43(1) [23] L’article 43 est une disposition déterminative : 43.(1) Dans les cas de fusion de syndicats ou de transfert de compétence entre eux, le syndicat qui succède à un autre syndicat ayant qualité d’agent négociateur au moment de l’opération est réputé subrogé dans les droits, privilèges et obligations de ce dernier, que ceux-ci découlent d’une convention collective ou d’une autre source. (c’est nous qui soulignons) [24] Une décision du Conseil n’est pas une condition préalable pour qu’un syndicat puisse succéder à un autre syndicat. Par suite d’une succession de bonne foi, cependant, le Code présume que le successeur a acquis certains droits, privilèges et obligations. Le rôle du Conseil, le cas échéant, commence après la succession et porte principalement sur ces « droits, privilèges et obligations ». [25] Étant donné que le Conseil conserve sa compétence sur la description des unités de négociation qu’il accrédite, un syndicat, à la suite d’une succession en vertu de l’article 43 du Code, peut présenter une demande en vertu de l’article 18 du Code, précité, pour demander au Conseil de mettre à jour la description de son certificat d’accréditation. -7-
[26] Il s’agit du processus qui a été suivi dans Banque Nationale du Canada, Sillery, Québec (1982), 50 di 91; et 2 CLRBR (NS) 202 (CCRT n o 391). Comme le Conseil l’a constaté dans cette affaire, cependant, il y avait un différend quant à savoir si la succession entre syndicats avait même eu lieu. Si les parties contestent l’existence même d’une succession, rien dans le paragraphe 43(1) n’autorise le Conseil à établir quelle partie a raison. [27] Le Conseil a commenté à plusieurs occasions le rôle que lui confère le paragraphe 43(1). Ces commentaires confirment que le Conseil peut exercer sa compétence prévue à l’article 43 après que la succession entre syndicats est considérée comme un fait accompli. [28] Par exemple, dans Unitel Communications Inc. (1991), 86 di 59; 15 CLRBR (2d) 301; et 92 CLLC 16,012 (CCRT n o 893) (Unitel 893), le Conseil a exposé pourquoi le législateur avait expressément établi qu’il ne voulait pas que le Conseil intervienne dans les affaires internes des syndicats afin de trancher les questions de succession entre syndicats : Selon nous, le Parlement a délibérément laissé la question des fusions et des transferts de compétence entre syndicats dans le domaine des considérations contractuelles privées entre les parties visées. Ce sont des questions syndicales internes dans lesquelles le Conseil ne peut pas intervenir, et dans lesquelles il ne devrait pas intervenir, cela dit en toute déférence. Nous souscrivons à l’argument de l’avocat de l’ACECTC selon lequel, d’après son libellé actuel, l’article 43 dispose que les droits du successeur ont été acquis et que la compétence du Conseil se limite à la définition de ces droits... (pages 63-64; et 305-306; c’est nous qui soulignons) [29] Dans Bridge Terminal Transport Canada Inc., 2006 CCRI 347 (Bridge 347), le Conseil a confirmé sa politique de non-intervention en ce qui a trait à la question de savoir s’il y avait eu succession entre syndicats. Dans Bridge 347, les parties ne s’entendaient pas quant à savoir si certains votes avaient entraîné une succession. [30] Le Conseil a confirmé qu’il n’avait pas la compétence pour trancher les questions visant la contestation de succession entre syndicats : -8-
[34] Comme le libellé de l’article 43 n’a pas été modifié, le Conseil ne voit aucune raison de s’écarter de l’interprétation formulée dans Unitel Communications frontière est parfois mince entre déclarer qu’il y a eu fusion sur la base d’un fait accompli et pouvoir conclure qu’il y a eu fusion à partir des faits présentés. indéniable que pour rendre l’ordonnance réclamée par reconnaissance d’un fait accompli. Il devrait procéder à un examen pour déterminer s’il y a eu fusion, et cette démarche comprendrait nécessairement l’examen allégations concernant les pouvoirs de M. Chand, conformité de la réunion aux règles ainsi que de M. Prasad à la réunion. De l’avis du Conseil, cette démarche outrepasserait les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 43 dans son état actuel. (c’est nous qui soulignons) [31] Le Conseil, dans Bridge 347, a refusé de se pencher sur la procédure interne du syndicat, et ce, malgré que les parties lui aient demandé de le faire. [32] Dans la présente affaire, la section locale 938, au paragraphe 5 de sa demande, a renvoyé à l’article 21 des Statuts de la Fraternité internationale des Teamsters, qui établit une procédure régissant les litiges en matière de compétence. Il s’agit clairement d’une question de régie interne. (ii) Le paragraphe 43(2) [33] Le Code prévoit que, après une succession entre syndicats, un syndicat a le droit, en vertu du paragraphe 43(2), de demander au Conseil de trancher des questions accessoires découlant de la fusion ou du transfert de compétence : 43.(2) Si l’opération visée au paragraphe (1) soulève obligations qu’aurait un syndicat, dans le cadre de la présente partie ou d’une convention à l’égard d’une unité de négociation ou d’un employé demande d’un syndicat touché par l’opération, conservés aux termes de celle-ci. (c’est nous qui soulignons) [34] Le libellé de cette disposition confirme que c’est le syndicat qui présente la demande visant à trancher les questions accessoires. Le Conseil ne peut pas, de sa propre initiative, soulever ces questions. -9-Inc., précitée. Le Conseil reconnaît que la Toutefois, dans la présente affaire, il est le TCA, le Conseil devrait aller au-delà de la des statuts de la COOWA ainsi que des du caractère suffisant de l’avis de réunion, de la la conséquence possible de la participation de des questions quant aux droits, privilèges et collective, qui en fait partie, le Conseil détermine, à la les droits, privilèges et obligations acquis ou
[35] Le libellé du paragraphe 43(2) révèle qu’un syndicat ne peut pas demander au Conseil de décider s’il y a eu fusion ou transfert de compétence. La demande du syndicat porte plutôt sur les questions qui se posent « quant aux droits, privilèges et obligations qu’aurait un syndicat, dans le cadre de la présente partie ». [36] En résumé, comme le Conseil l’a exposé au paragraphe 26 de Bridge 347, le paragraphe 43(2) ne fait que « dispose[r] que les droits, privilèges et obligations ont été acquis. Le paragraphe 43(2) permet au Conseil, en cas de demande, de trancher toute question soulevée au sujet des droits, privilèges et obligations acquis ou conservés ». Le Conseil ne peut se pencher que sur des questions faisant suite à la fusion ou au transfert de compétence. (iii) Le paragraphe 43(3) [37] Le paragraphe 43(3) confère au Conseil le pouvoir de procéder à la tenue d’enquêtes et d’ordonner des scrutins de représentation. L’existence de ce pouvoir semble avoir entraîné une certaine confusion quant au rôle du Conseil dans les affaires de succession entre syndicats : 43.(3) En vue de la détermination prévue au paragraphe (2), le Conseil peut procéder à la tenue des enquêtes et scrutins de représentation qu’il estime nécessaires. (c’est nous qui soulignons) [38] L’article 43 ne permet pas au Conseil de procéder à toutes les enquêtes générales sur les successions qu’il souhaite faire. Il ne permet pas non plus au Conseil d’ordonner des scrutins de représentation sur n’importe quelle question. [39] Les mots « En vue de la détermination » qui se trouvent au début du paragraphe 43(3) pourraient être interprétés de façon large de sorte qu’ils visent la question de savoir s’il y a eu succession. Cependant, pour accepter cette interprétation, le Conseil devrait passer outre le renvoi clair et restrictif du paragraphe 43(3) au paragraphe 43(2). -10-
[40] En d’autres termes, le paragraphe 43(3) confère au Conseil le pouvoir de procéder à la tenue d’enquêtes et d’ordonner des scrutins de représentation aux seules fins de déterminer les droits, privilèges et obligations acquis ou conservés en vertu du paragraphe 43(2) du Code. L’absence dans le paragraphe 43(3) de tout renvoi au paragraphe 43(1) révèle que le pouvoir du Conseil de tenir une enquête ou d’ordonner un scrutin ne s’applique pas à la condition préalable de savoir s’il y a eu fusion ou transfert de compétence. [41] Le Conseil souscrit en grande partie au résumé suivant tiré de Unitel 893, qui précise l’objet limité du paragraphe 43(3) : Si le Parlement ne voulait pas que le Conseil se celui-ci a-t-il le pouvoir de faire des enquêtes et de paragraphe 43(3)? Manifestement parce que les nécessaires pour assurer des périodes de transition l’application des conventions collectives à la suite des fusions ou des transferts de compétence entre syndicats, qui sont des opérations de plein gré. Dans le cours normal de ces opérations, les syndicats consultent leurs membres et tentent de prévoir et rencontrer. Toutefois, on peut encore se poser des questions de la fusion, par exemple lorsqu’il s’agit de savoir particulier d’une unité de négociation, ou s’il y a lieu d’inclure des employés qui exercent fonctions dans la même unité de négociation que d’autres qui ne semblent pas avoir les mêmes intérêts communs. (pages 64; et 306) [42] Dans Bridge 347, le Conseil a souscrit au commentaire formulé dans Unitel 893, précitée, selon lequel les paragraphes 43(2) et (3) offrent le mécanisme nécessaire pour assurer des périodes de transition sans heurts et la continuité de l’application des conventions collectives par suite de fusions ou de transferts de compétence entre syndicats : [30] Le Conseil a aussi analysé le motif qui sous-tend son pouvoir de tenir des scrutins de représentation en vertu du paragraphe 43(3) si le paragraphe 43(1) ne visait pas à ce que le Conseil détermine si une fusion a eu lieu paragraphes 43(2) et (3) offraient le mécanisme nécessaire pour assurer des périodes de transition sans heurts et la continuité de l’application des conventions transferts de compétence entre syndicats... [43] Le Conseil souscrit à ces commentaires précis -11-mêle de ces affaires syndicales internes, pourquoi tenir des scrutins de représentation en vertu du législateurs ont prévu que ces outils seraient sans heurts et pour maintenir la continuité de d’aplanir toutes les difficultés qu’ils peuvent légitimes quant à l’effet et à la portée quel syndicat représente désormais un élément certaines des enquêtes et d’ordonner ou non. Le Conseil a déterminé que les collectives par suite de fusions ou de portant sur l’intention qui sous-tend les
paragraphes 43(2) et (3) du Code. (iv) L’article 46 [44] Le pouvoir du Conseil de « trancher des questions » (traduction) dans les affaires de succession est différent selon qu’il s’agisse d’une succession entre syndicats ou d’une succession entre employeurs. [45] Comme il a été exposé précédemment, le paragraphe 43(2) établit le cadre suivant lequel le Conseil peut trancher des questions à la suite d’une succession entre syndicats. [46] À titre de comparaison, le législateur a accordé au Conseil une compétence beaucoup plus large dans le cadre des ventes d’entreprise, notamment le pouvoir de décider, en vertu de l’article 46 du Code, s’il y a même eu vente : 46. Il appartient au Conseil de trancher, pour l’application de l’article 44, toute question qui se pose, notamment quant à la survenance d’une vente d’entreprise, à l’existence des changements opérationnels et à l’identité de l’acquéreur. (c’est nous qui soulignons) [47] Le Conseil, au paragraphe 33 de Bridge 347, a souligné cette nette distinction entre les types de succession : [33] Il est intéressant de noter, par comparaison, qu’en vertu des dispositions du Code relatives à une vente d’entreprise ou à des changements opérationnels, le pouvoir du Conseil de déterminer s’il y a eu vente est clairement énoncé. L’article 46 du Code indique qu’il appartient au Conseil de trancher, pour l’application de l’article 44, toute question qui se pose, notamment quant à la survenance d’une vente d’entreprise, à l’existence des changements opérationnels et à l’identité de l’acquéreur. Or, cela n’est pas le cas en ce qui concerne l’article 43 du Code. [48] Un certain nombre de provinces ont choisi d’accorder à leur commission des relations du travail une compétence plus large et leur ont permis d’examiner les fusions et les transferts de compétence entre syndicats. -12-
[49] Par exemple, l’article 37 du Labour Relations Code de la Colombie-Britannique (le Code de la C.B.) permet à la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique (la CRTCB) de tenir des enquêtes pour établir s’il y a eu succession entre syndicats : 37(1) Si un syndicat soutient qu’en raison d’une fusion ou d’un transfert de compétence, il succède à un autre syndicat qui, au moment de la fusion ou du transfert de compétence, était accrédité ou reconnu volontairement comme agent négociateur procédure dont elle est saisie ou à la demande du syndicat concerné, a) déclarer que le syndicat qui a succédé à l’autre est, ou n’est pas, réputé subrogé dans les droits, privilèges et obligations de ce dernier en vertu du Code, ou b) rejeter la demande. (2) Avant de formuler une déclaration en vertu du enquêtes, exiger la production des éléments de preuve et tenir les scrutins qu’elle estime nécessaires et indiqués. (3) Si la Commission fait une déclaration positive en présent Code, le syndicat qui succède à l’autre est subrogé dans les droits, privilèges et obligations de ce dernier, que ceux-ci découlent d’une convention collective ou d’une autre source. (traduction; c’est nous qui soulignons) [50] Comme l’a noté le Conseil au paragraphe 37 de Bridge 347, l’article 37 du Code de la C.-B. accorde une compétence semblable à celle conférée au CCRI à l’égard des affaires portant sur la vente d’entreprise : [37] Les différences entre les deux articles sont évidentes. conférés par le Code fédéral, une interprétation Relations Code de la Colombie-Britannique indique déclaration indiquant si un syndicat qui succède privilèges et obligations de ce dernier lorsqu’il comparable en vertu du Code. [51] Puisque le législateur n’a pas accordé la même compétence au CCRI en matière de succession entre les syndicats de compétence fédérale, tout renvoi à des principes tirés de la jurisprudence des autres commissions des relations du travail doit toujours comprendre un examen attentif des dispositions légales ou réglementaires divergentes. (v) Quelle elle est la pertinence de la volonté des employés dans une succession entre syndicats -13-d’une unité, la Commission peut, dans une paragraphe (1), la Commission peut tenir les vertu du paragraphe (1), pour l’application du Contrairement aux pouvoirs plus limités franche de la disposition législative du Labour que la CRTCB a le pouvoir de formuler une à un autre est ou non subrogé dans les droits, soutient lui succéder. Il n’existe aucun pouvoir
en vertu de l’article 43? [52] Le banc dans Purolator 2511 a renvoyé à Unitel 893 et à Bridge 347 pour justifier le fait qu’il a estimé que la volonté des membres de l’unité de négociation visés était une condition préalable à la succession entre syndicats. [53] Dans Unitel 893, le Conseil a fait observer ce qui suit : Cela dit, la question des désirs des employés est l’avons dit, les syndicats consultent normalement leurs membres avant de prendre des mesures pour fusionner avec d’autres syndicats ou pour transférer syndicat. Pour s’assurer que la liberté fondamentale choix a été respectée, le Conseil exige par principe que toutes les demandes fondées sur l’article 43 du Code soient étayées par des preuves montrant que majorité d’entre eux préfèrent être représentés par paragraphe 43(3) donne au Conseil le pouvoir de confirmer ces preuves au besoin. (pages 64; et 304; c’est nous qui soulignons) [54] Le banc dans Purolator 2511 a cité le paragraphe qui suit de Bridge 347 pour en venir à la conclusion que la volonté des membres de l’unité de négociation était essentielle à la question de savoir s’il y avait eu succession : [35] Le Conseil ne conteste pas la prétention du requérant selon laquelle dans le cadre d’une demande en vertu de l’article 43, le Conseil se demandera normalement si les membres touchés par une fusion, ou un transfert de compétence, ont eu l’occasion d’exprimer leur volonté et soutiennent l’opération. Toutefois, dans la présente affaire, comme ce fut en l’absence d’un consensus entre les parties au sujet de la à l’étape consistant à vérifier la volonté des employés. (souligné dans l’original) [55] Tant Unitel 893 que Bridge 347 semblent donner à penser que les membres du syndicat concernés doivent « approuver » ou « appuyer » la succession. [56] Dans Purolator 2511, le Conseil a répété qu’il faut que les employés « appuient le transfert » (traduction), précité. Dans la mesure où le choix des mots « appuyer » ou « approuver » n’était censé viser -14-un élément fondamental du Code. Comme nous tout ou partie de leur compétence à un autre des employés d’opter pour le syndicat de leur les membres visés ont été consultés et que la l’agent négociateur (nouveau ou fusionné). Le le cas dans Unitel Communications Inc., précitée, fusion alléguée, le Conseil ne passe pas
que l’existence de procédures internes en matière de transfert de compétence dans les statuts régissant le syndicat, alors le banc de révision peut les accepter. [57] Par exemple, si des appels interjetés sur le fondement de statuts internes étaient en cours, ou si les tribunaux avaient été saisis de la question, alors le Conseil, comme dans Bridge 347, pourrait refuser de décider qui a raison dans un litige portant sur l’existence d’une succession de bonne foi. [58] Cependant, si, comme en l’espèce, il n’y a aucune preuve remettant en question le processus interne prévu dans les statuts du syndicat, alors le Conseil ne peut pas, de sa propre initiative, créer l’exigence selon laquelle les membres touchés doivent « approuver » ou « appuyer » la succession. Agir ainsi accorderait aux membres un droit de veto sur les successions et modifierait dans les faits le libellé de l’article 43 du Code. [59] Le banc de révision ne peut pas concilier, d’une part, le principe selon lequel le Conseil ne peut pas intervenir dans les affaires internes des syndicats avec, d’autre part, le fait de donner aux membres de l’unité de négociation un veto sur toute fusion ou tout transfert de compétence entre syndicats. Avec égards, le Conseil est d’avis que cette application simultanée de deux principes fondamentalement opposés transforme l’article 43 du Code en une disposition comparable à l’article 37 du Code de la C.-B. [60] Cette transformation constitue une erreur de droit qui remet véritablement en question l’interprétation du Code. [61] Les statuts et les règlements administratifs d’un syndicat peuvent accorder des droits aux membres des unités de négociation lorsque des questions de compétence sont soulevées. Il semble que les intérêts des membres seraient représentés par l’un des agents négociateurs dans un litige en matière de compétence; c’est ce qui s’est produit en l’espèce. Il peut aussi y avoir une procédure d’appel au sein même du syndicat. Les tribunaux civils ont également compétence pour entendre les demandes visant des irrégularités procédurales découlant de questions syndicales internes : voir, par exemple, Adi v. Datta, 2011 ONSC 2496. Cependant, le Code n’accorde pas au Conseil une compétence sur de telles questions -15-
de régie interne. [62] Dans la mesure où le banc dans Unitel 893 a fait valoir que le paragraphe 43(3) pourrait être utilisé pour vérifier l’appui des membres envers une succession entre syndicats, le Conseil ne peut qu’exprimer respectueusement son désaccord. La portée du paragraphe 43(3) est clairement limitée aux questions accessoires plutôt qu’à la question de l’existence même de la succession. [63] L’exigence de l’appui des membres comme condition préalable à toute succession entre syndicats transformerait le paragraphe 43(3) en une disposition comparable à l’article 46 du Code. Le législateur a décidé de limiter la compétence du Conseil sur les processus internes des syndicats qui entraînent une succession entre syndicats. Il revient au législateur, et non au Conseil, de décider si cette compétence doit être élargie. [64] De la même façon, le banc de révision ne souscrit pas au paragraphe 35 de Bridge 347, précité, dans la mesure où le banc dans cette décision accorde un droit de veto aux membres lorsqu’il affirme que « le Conseil se demandera normalement si les membres touchés par la fusion, ou un transfert de compétence, ont eu l’occasion d’exprimer leur volonté et soutiennent l’opération ». Si, toutefois, cette mention ne concerne que la preuve qu’un syndicat a suivi ses propres procédures internes, elle est alors justifiée. [65] Selon le Conseil, en imposant l’exigence d’obtenir l’appui ou l’approbation des membres à l’égard d’une question de succession non contestée entre syndicats, le banc qui a rendu la première décision a commis une erreur de droit et s’est conféré, en vertu de l’article 43 du Code, une compétence que le législateur avait expressément exclue. À la lumière de la preuve non contestée selon laquelle les Teamsters ont respecté leurs processus internes pour trancher une question de compétence opposant deux sections locales, le Conseil respectera ce processus. La volonté des membres de l’unité de négociation n’est aucunement pertinente quant à la décision du Conseil. C – Le Conseil a-t-il commis un déni de justice naturelle parce qu’il n’a pas demandé à la section locale 938 de présenter des observations sur la pertinence de la volonté des employés? -16-
[66] Les Teamsters ont soulevé une seconde question en litige concernant un prétendu déni de justice naturelle concernant « l’omission du banc de demander à la requérante des observations sur la question de la preuve des membres » (traduction). [67] Cette allégation est désormais théorique vu la conclusion du Conseil sur la pertinence de la volonté des membres de l’unité de négociation à l’égard d’une succession entre syndicats. V–Conclusion [68] Le Conseil accueille la demande de réexamen, annule Purolator 2511 et modifie le certificat de l’unité de négociation de façon à confirmer le transfert de compétence. [69] Les parties ne contestaient pas qu’il y avait eu transfert de compétence entre les sections locales 847 et 938. Les deux sections locales ont suivi un processus prévu dans leurs statuts et conçu pour trancher les questions de compétences. En l’espèce, il n’y avait aucun litige de nature procédurale tel que celui qui, dans Bridge 347, avait empêché le Conseil de savoir s’il y avait eu succession. [70] Après l’audience des Teamsters concernant la question de compétence, la section locale 847 a été avisée qu’elle devait transférer ses droits de représentation à la section locale 938. Elle a également été obligée de faire le nécessaire pour que le transfert soit confirmé par le Conseil. [71] La section locale 847 ne s’est aucunement prononcée dans l’instance initiale ni dans la demande de réexamen. [72] Le Conseil est donc convaincu qu’il y a effectivement eu transfert de compétence entre les sections locales 938 et 847, puisque ce transfert n’a pas été contesté. Il s’agit du type de considérations « contractuelles privées » dont il était question dans Unitel 893. [73] L’article 43 du Code permet au Conseil de tenir des enquêtes ou d’ordonner des scrutins de représentation en vertu du paragraphe 43(3). Cependant, ces mesures ne portent que sur les questions -17-
accessoires prévues au paragraphe 43(2); elles ne visent pas la question fondamentale de savoir s’il y a eu fusion ou transfert de compétence entre syndicats. [74] Le Code n’accorde pas la compétence au Conseil de trancher cette dernière question, contrairement au cas où il y a vente d’entreprise. [75] Le banc est conscient que, comme il a été mentionné dans Purolator 2511, les employés ont le droit de choisir leur syndicat dans le cadre du processus d’accréditation. L’interprétation de l’article 43 donnée par le banc ne fait pas en sorte que les syndicats ont carte blanche et qu’ils peuvent faire fi de la volonté des membres de leur unité de négociation. Ces employés disposent de plusieurs moyens d’action s’ils ne sont pas satisfaits d’une succession, y compris les processus internes au sein du syndicat et les recours prévus par le Code, tels que la révocation d’accréditation ou la possibilité de donner leur appui à un syndicat concurrent. [76] Bien que la volonté des membres de l’unité de négociation ne constitue pas un veto à l’égard d’une succession entre syndicats en vertu de l’article 43, il ne fait aucun doute qu’un syndicat qui n’en tient pas compte le fait à ses risques et périls, vu les recours dont disposent les membres mécontents. [77] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil. Traduction Graham J. Clarke Vice-président Judith F. MacPherson, c.r. William G. McMurray Vice-présidente Vice-président -18-
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