Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Motifs de décision

Section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters,

plaignante,

et


Vitran Express Canada inc.,

intimée.

Dossiers du Conseil : 28707-C et 28732-C

Section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters,

requérante,

et


Vitran Express Canada inc.

employeur.

Dossier du Conseil : 28708-C

Référence neutre : 2011 CCRI 598

Le 24 juin 2011

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de M. Daniel Charbonneau et Me David P. Olsen, Membres.

Procureurs inscrits au dossier
Me Tracey Henry, pour la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters;
Me Thomas A. Stefanik, pour Vitran Express Canada inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Nature de la demande

[1] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour rendre la présente décision partielle sans tenir d’audience.

[2] En l’espèce, le Conseil est saisi de trois dossiers : une demande d’accréditation ainsi que deux plaintes de pratique déloyale de travail (PDT) distinctes qui ont trait à la campagne de syndicalisation.

[3] Les parties ont proposé de régler les trois dossiers à condition que le Conseil ordonne la tenue d’un scrutin de représentation. Le Conseil a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’ordonner la tenue d’un scrutin, et ce, pour les motifs énoncés ci-dessous.

II – Faits

[4] Le 15 avril 2011, la section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters (les Teamsters) ont présenté une demande d’accréditation (dossier no 28708-C) pour une unité de négociation composée d’employés de Vitran Express Canada inc. (Vitran). Dans l’ensemble, les parties s’entendent sur la portée de l’unité habile à négocier collectivement, mais Vitran soutient que cette unité devrait aussi inclure les représentants des ventes.

[5] Vitran exploite une entreprise de transport et de distribution internationaux et interprovinciaux. Les Teamsters ont retiré une demande d’accréditation qu’ils avaient présentée auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario auparavant.

[6] Le 15 avril 2011, les Teamsters ont aussi déposé une plainte de PDT (dossier no 28707-C). Dans leur plainte, les Teamsters allèguent qu’une employée a été congédiée parce qu’elle a participé à la campagne de syndicalisation. Selon eux, ce congédiement a eu un effet paralysant sur la campagne de syndicalisation.

[7] Vitran nie cette allégation et elle soutient que l’employée en question était en période de probation et que le congédiement de cette dernière était seulement lié à son rendement.

[8] Le 26 avril 2011, les Teamsters ont ajouté d’autres détails à leur plainte, relativement à une note de service que Vitran avait envoyée à tous ses employés au sujet de la campagne de syndicalisation. Vitran soutient que rien dans cette note de service ne représentait une violation du Code.

[9] Le 2 mai 2011, les Teamsters ont présenté une demande d’ordonnance provisoire fondée sur l’article 19.1 du Code (dossier no 28732-C). Ils ont notamment demandé au Conseil d’ordonner la réintégration de l’employée en cause en attendant qu’une audience soit tenue sur le bien-fondé de la plainte de PDT.

[10] Dans leur plainte principale de PDT (dossier no 28707-C), les Teamsters ont demandé au Conseil d’accorder divers redressements s’il concluait que Vitran avait enfreint le paragraphe 94(1), le paragraphe 94(3) ou l’article 96 du Code. Ils ont aussi souligné que l’article 99.1 du Code permet au Conseil d’accréditer un syndicat pour remédier à une PDT.

[11] Le Code encourage les parties à discuter afin de régler leurs différends. Les directeurs régionaux et les agents des relations industrielles (ARI) du Conseil sont disponibles pour appuyer de tels efforts. Les parties peuvent aussi demander au banc chargé du dossier d’intervenir pour aider à régler toute question en litige, ce qui ne porte pas atteinte à la compétence du banc de se prononcer sur le bien-fondé de l’affaire :

15.1(1) Le Conseil, ou l’un de ses membres ou employés qu’il désigne, peut, en tout état de cause et avec le consentement des parties, aider les parties à régler les questions en litige de la façon que le Conseil juge indiquée sans qu’il soit porté atteinte à la compétence du Conseil de trancher les questions qui n’auront pas été réglées.

[12] Vitran et les Teamsters ont eu recours aux services d’un ARI du Conseil et, après des discussions confidentielles, elles sont arrivées à une proposition de règlement. Le banc ne connaît pas les dispositions de cette entente, mais les parties lui ont demandé d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation à titre de condition préalable à la conclusion de l’entente.

[13] Le 14 juin 2011, le Conseil a reçu une lettre de l’avocat de Vitran, où était résumée la demande conjointe des parties :

Vers le 9 juin 2011, les parties ont établi un protocole d’entente détaillé, qui réglerait toutes les questions en litige dans les dossiers du CCRI no 28708-C, no 28707-C et no [28732-C] (le protocole d’entente).

Dans le contexte de ce règlement global, les parties ont accepté de demander conjointement au Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation pour tous les employés faisant partie de l’unité de négociation convenue afin de régler définitivement les dossiers du CCRI no 28708-C, no 28707-C et no [28732-C]. La validité du protocole d’entente est subordonnée à la tenue d’un scrutin de représentation ordonné par le Conseil pour tous les employés faisant partie de l’unité de négociation convenue, lesquels sont désignés à l’annexe A de la présente lettre.

(traduction; souligné dans l’original)

[14] L’unité de négociation sur laquelle les parties se sont entendues inclut les représentants des ventes, comme Vitran l’avait proposé dans sa réponse. Les parties ont décrit ce qui arriverait si le Conseil refusait d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation :

Si le Conseil refusait d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation pour l’ensemble des 133 employés admissibles à voter décrits ci-dessus et désignés dans l’Annexe A, le protocole d’entente deviendrait nul et les demandes constituant les dossiers du CCRI no 28708-C, no 28707-C et no [28732-C] iraient de l’avant. Si ces demandes allaient de l’avant, les parties se réservent le droit de présenter des observations supplémentaires au Conseil relativement à toute question restant en litige dans ces dossiers.

(traduction; souligné dans l’original)

III – Analyse et décision

[15] Le Conseil ordonnera la tenue du scrutin de représentation demandé conjointement par les parties.

[16] Le Code permet au syndicat de proposer initialement l’unité de négociation qu’il veut représenter :

24.(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et des règlements d’application de l’alinéa 15e), un syndicat peut solliciter l’accréditation à titre d’agent négociateur d’une unité qu’il juge habile à négocier collectivement.

(c’est nous qui soulignons)

[17] Toutefois, en vertu du Code, le Conseil doit s’assurer que l’unité pour laquelle il accorde l’accréditation est habile à négocier collectivement :

27.(1) Saisi par un syndicat, dans le cadre de l’article 24, d’une demande d’accréditation pour une unité que celui-ci juge habile à négocier collectivement, le Conseil doit déterminer l’unité qui, à son avis, est habile à négocier collectivement.

...

28. Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil doit accréditer un syndicat lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  1. il a été saisi par le syndicat d’une demande d’accréditation;
  2. il a défini l’unité de négociation habile à négocier collectivement;
  3. il est convaincu qu’à la date du dépôt de la demande, ou à celle qu’il estime indiquée, la majorité des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(c’est nous qui soulignons)

[18] Contrairement à la pratique établie dans plusieurs provinces, le Conseil reste saisi de toutes les descriptions d’unités de négociation. Les parties ne peuvent pas modifier ces descriptions pendant la négociation collective.

[19] Par contre, les parties peuvent demander au Conseil de préciser la portée des unités de négociation existantes. Dans un même ordre d’idées, la portée d’une unité existante peut être modifiée, à condition que le syndicat qui en fait la demande démontre à la fois qu’il a l’appui de la majorité dans l’unité existante et l’appui de la majorité des nouveaux employés qu’il veut y ajouter. C’est ce qu’on appelle la « double majorité » (voir, par exemple, Société en commandite transport de valeurs Garda, 2010 CCRI 503, aux paragraphes 28 à 31).

[20] La compétence continue du Conseil quant aux descriptions d’unités de négociation lui permet de réviser la structure des unités, en vertu de l’article 18.1 du Code :

18.1(1) Sur demande de l’employeur ou d’un agent négociateur, le Conseil peut réviser la structure des unités de négociation s’il est convaincu que les unités ne sont plus habiles à négocier collectivement.

[21] Néanmoins, le fait que le Conseil conserve sa compétence à l’égard des descriptions des unités ne signifie pas qu’il n’encourage pas les parties à s’entendre, lorsque cela est opportun. En 1999, lorsque le pouvoir de réviser la structure des unités de négociation a été ajouté au Code, le législateur a décidé que, pendant le processus de révision, le Conseil doit donner aux parties la possibilité de s’entendre sur l’unité de négociation habile à négocier :

18.1(2) Dans le cas où, en vertu du paragraphe (1) ou des articles 35 ou 45, le Conseil révise la structure des unités de négociation :

  1. il donne aux parties la possibilité de s’entendre, dans le délai qu’il juge raisonnable, sur la détermination des unités de négociation et le règlement des questions liées à la révision;
  2. il peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées pour mettre en oeuvre l’entente.

(c’est nous qui soulignons)

[22] Le Conseil a examiné la description de l’unité de négociation proposée par les parties dans leur lettre conjointe du 14 juin 2011 et il arrive aisément à la conclusion que cette unité est habile à négocier collectivement.

[23] Le Conseil accueille aussi la demande conjointe des parties visant à ce qu’il ordonne la tenue d’un scrutin de représentation. L’entente des parties ne vise pas seulement la demande d’accréditation, mais aussi deux plaintes de PDT.

[24] Pour les demandes d’accréditation indépendantes, les paragraphes 29(1) et (2) du Code énoncent le pouvoir du Conseil d’ordonner la tenue de scrutins de représentation :

29.(1) Le Conseil peut, pour chaque cas dont il est saisi, ordonner la tenue d’un scrutin afin de s’assurer que les employés d’une unité désirent être représentés par un syndicat déterminé à titre d’agent négociateur.

...

(2) Le scrutin de représentation est obligatoire dans le cas où l’unité n’est représentée par aucun syndicat et où le Conseil est convaincu que de trente-cinq pour cent à cinquante pour cent inclusivement des employés de l’unité adhèrent au syndicat qui sollicite l’accréditation.

(c’est nous qui soulignons)

[25] Le prédécesseur du Conseil, le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) a statué qu’il pouvait aussi ordonner la tenue d’un scrutin de représentation lorsque des plaintes de PDT avaient été déposées en même temps que la demande d’accréditation (voir, par exemple, Banque canadienne impériale de Commerce (Succursale Victory Square) (1977), 25 di 355; [1978] 1 Can LRBR 132; et 78 CLLC 16,120 (CCRT no 104); et Echo Bay Mines Ltd. (1996), 102 di 91 (CCRT no 1179)). La tenue de ces scrutins ne dépendait pas du niveau d’appui parmi les membres de l’unité de négociation.

[26] En l’espèce, le Conseil ne se prononce pas sur les appuis recueillis par les Teamsters parmi les membres de l’unité proposée. De même, le Conseil n’énonce aucune conclusion quant au bien-fondé des allégations faites par les Teamsters dans leurs plaintes de PDT ou de la réponse de Vitran à ces allégations.

[27] Toutefois, le Conseil est convaincu, comme il a été expliqué ci-dessus, que le Code lui permet de faire droit à la demande des parties d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation pour régler leurs différends. Par conséquent, le Conseil exercera son pouvoir discrétionnaire afin d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation. L’ordonnance du Conseil à ce sujet est annexée aux présentes.

[28] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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