Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat des travailleuses et travailleurs de Coach Canada - CSN,

requérant,

et

Trentway-Wagar inc. et 3329003 Canada inc.,

employeurs,

et

Syndicat uni du transport, section locale 1624,

partie intéressée.

Dossier du Conseil : 27814-C

Référence neutre : 2010 CCRI 550

Le 16 novembre 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. André Lecavalier et Daniel Charbonneau, Membres. Une audience a eu lieu à Montréal du 8 au 10 juin 2010 et le 16 septembre 2010.

Ont comparu
Mes Daniel Charest et Isabelle Lanson, pour le Syndicat des travailleuses et travailleurs de Coach Canada - CSN;
Mes Louise Baillargeon et Philippe-André Tessier, pour Trentway-Wagar inc. et 3229003 Canada inc.;
Mes Beverley Burns et Cynthia Watson, pour le Syndicat uni du transport, section locale 1624.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Introduction

[1] La présente décision porte sur la détermination de la date à laquelle une vente d’entreprise a eu lieu en vertu du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code). Un bref survol chronologique des questions mettant en cause les parties fournira le contexte nécessaire.

[2] Le 22 juin 2009, le Syndicat des travailleuses et travailleurs de Coach Canada - CSN (la CSN) a présenté une demande d’accréditation à l’égard d’une unité de négociation composée d’employés de 3329003 Canada inc. (332).

[3] Le Conseil a accrédité la CSN le 14 octobre 2009 (dossier no 27582-C, ordonnance no 9727-U).

[4] Le 10 juin 2010, la Cour d’appel fédérale a rejeté une demande de contrôle judiciaire présentée par le Syndicat uni du transport, section locale 1624 (le SUT), lequel avait contesté l’ordonnance d’accréditation du Conseil : Syndicat uni du transport, section locale 1624 c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de Coach Canada - CSN, 2010 CAF 154.

[5] Pendant qu’il examinait la demande d’accréditation de la CSN, le Conseil a aussi reçu, le 8 juillet 2009, une demande de déclaration d’employeur unique (dossier no 27623-C) présentée par Trentway-Wagar inc. (TWI) et 332.

[6] Le 9 novembre 2009, la CSN a présenté une demande de déclaration de vente d’entreprise visant 332 et TWI (dossier no 27814-C).

[7] Par simple souci de commodité, dans les présents motifs, l’employeur sera appelé TWI. Les parties ont convenu que la transaction conclue entre TWI et 332 constituait une vente d’entreprise, mais elles ne se sont pas entendues sur la date de cette transaction aux fins de l’application du Code. TWI, appuyée par le SUT, soutenait que la vente d’entreprise entre TWI et 332 avait eu lieu avant le 22 juin 2009, date à laquelle la CSN a présenté sa demande d’accréditation. Ils alléguaient que la date à laquelle la vente d’entreprise avait eu lieu empêchait le Conseil d’accréditer la CSN.

[8] Selon la CSN, la vente d’entreprise entre TWI et 332 avait eu lieu après la présentation de sa demande d’accréditation, le 22 juin 2009, et toujours selon elle, l’Accord de vente du 8 juillet 2009 (l’Accord) établissait la date effective de toute déclaration de vente d’entreprise.

[9] Le Conseil a tenu quatre jours d’audience à Montréal pour entendre la demande de déclaration de vente d’entreprise. Il a au même moment traité le dossier portant sur la demande de déclaration d’employeur unique et une plainte de pratique déloyale de travail. Les parties ont réglé ces deux derniers dossiers pendant l’audience.

[10] Pour les motifs exposés ci-après, le Conseil a conclu que la vente d’entreprise a eu lieu après la date à laquelle la CSN a présenté sa demande d’accréditation.

II – Faits

[11] Coach Canada est un nom commercial très connu qui, au fil du temps, a été utilisé par diverses personnes morales connexes pour exploiter une entreprise de transport interprovincial par autobus.

[12] L’une de ces personnes morales, TWI, existe depuis des décennies. M. Jim Devlin (M. Devlin), autrefois propriétaire de TWI, en est le président depuis plusieurs dizaines d’années.

[13] En 1996, M. Devlin et les autres propriétaires ont vendu TWI à Coach USA. Toutefois, M. Devlin a continué d’exploiter l’entreprise en tant que président actif. Le siège social de TWI se trouve à Peterborough, en Ontario.

[14] En 1997, Coach USA a aussi fait l’acquisition d’Autocar Connaisseur (Autocar), une entreprise de transport par autobus établie à Montréal qui effectuait des services d’affrètement, des navettes aéroportuaires et des visites touristiques.

[15] La preuve démontre que M. Devlin a joué un rôle clé dans la résolution des problèmes survenus lors de diverses crises au sein de l’entreprise de Montréal que constituait anciennement Autocar.

A – Première crise : 1997-1998

[16] Coach USA, qui comptait beaucoup sur l’expertise canadienne de M. Devlin, lui a demandé une première fois d’intervenir personnellement dans les activités d’Autocar en 1997-1998. M. Devlin a remercié la personne qui avait été propriétaire de longue date d’Autocar et que Coach USA avait d’abord laissée en poste après l’acquisition de son entreprise. On craignait que la détérioration de la situation à Autocar pousse les autorités provinciales à suspendre les permis d’exploitation d’Autocar.

[17] M. Devlin a témoigné au sujet des divers engagements que les autorités provinciales avaient demandés pour permettre à Autocar de poursuivre ses activités.

[18] M. Devlin a nommé Mme Patricia Diamente (Mme Diamente) à la tête d’Autocar. Mme Diamente a dirigé Autocar avec succès de 1998 jusqu’à son départ, en 2002.

[19] En 1999, Stagecoach Group, établie en Écosse, a fait l’acquisition de Coach USA et de ses éléments d’actif, mais cette transaction n’a aucune incidence dans le cadre de la présente décision.

B – Deuxième crise : 2007

[20] Après le départ de Mme Diamente, M. Giacomo de Franscesco (M. de Franscesco) l’a remplacée comme directeur général d’Autocar. Il a dirigé Autocar de manière presque entièrement autonome.

[21] En 2007, les graves difficultés financières d’Autocar ont forcé M. Devlin à intervenir une deuxième fois.

[22] Cette deuxième intervention a entraîné une réorganisation partielle de l’entreprise. Autocar avait accumulé des dettes importantes et éprouvait de graves problèmes de sécurité liés à ses permis d’exploitation. TWI a fusionné avec Autocar pour tirer profit des pertes d’Autocar.

[23] Toutefois, avant cette fusion, Autocar avait transféré ses employés, ses éléments d’actif et ses permis d’exploitation à 332. Cette transaction a permis à TWI de protéger son dossier en matière de sécurité pour qu’il ne soit pas entaché par celui d’Autocar.

C – Troisième crise : le 28 mai 2009

[24] À l’hiver 2009, des rumeurs de mauvaise gestion ont commencé à circuler relativement à l’entreprise de Montréal. Il s’agissait notamment d’allégations selon lesquelles :

  1. il y avait du favoritisme qui faisait que le travail était attribué en fonction de relations personnelles;
  2. des membres de la famille du directeur général étaient inscrits sur la feuille de paye même s’ils ne faisaient aucun travail; et
  3. des sommes considérables appartenant à 332 avaient été détournées.

[25] Ces questions sont actuellement devant les tribunaux. Le Conseil n’a pas besoin de les décrire davantage.

[26] En plus de cette situation, en mai 2009, M. Devlin et son équipe de gestion de TWI ont dû intervenir pour régler une nouvelle crise.

[27] Plusieurs membres de l’équipe de gestion de TWI, qui se trouve à Peterborough, se sont rendus à Montréal et ont pris en main les activités de 332 . Ils ont engagé l’entreprise de sécurité Garda non seulement pour escorter le directeur général à l’extérieur des locaux, mais aussi pour interroger des employés. Un grand nombre d’éléments de preuve ont été présentés au Conseil relativement aux irrégularités qui s’étaient prétendument produites au sein de l’entreprise de Montréal.

[28] On a aussi expliqué au Conseil que l’entreprise de Montréal avait toujours été traitée fort différemment des établissements qui se trouvaient dans d’autres secteurs. Alors que l’équipe de gestion de Peterborough dirigeait presque tous les volets de ses divisions, par exemple, celles situées à Kingston ou à Toronto, le directeur général de l’entreprise de Montréal avait généralement beaucoup de latitude. Les activités de 332 comprenait des visites touristiques à Montréal et des navettes aéroportuaires.

[29] M. Devlin a décrit comment les gestionnaires de Peterborough avaient commencé à diriger l’entreprise de Montréal et s’étaient mis à la recherche d’un nouveau directeur général qui travaillerait à Montréal.

[30] TWI, appuyée par le SUT, a soutenu que la vente d’entreprise avait eu lieu le 28 mai 2009, quand M. Devlin et son équipe ont pris le contrôle de l’entreprise de Montréal.

[31] Le 8 juillet 2009, TWI et 332 ont conclu l’Accord. TWI a accepté d’acheter tous les éléments d’actif de 332. Selon l’article 4 de l’Accord, la « date d’entrée en vigueur » de la transaction était le 8 juillet 2009, sous réserve du transfert futur du « système de transport » (les permis d’exploitation et les plaques d’immatriculation).

[32] On a dit au Conseil que 332, en tant que personne morale, n’a plus aucun employé, mais qu’elle continue d’exister parce qu’elle poursuit l’ancien directeur général pour le détournement de fonds allégué.

[33] On a en outre expliqué au Conseil que les employés dont le nom figurait sur la feuille de paye de 332 avaient été transférés à TWI à des moments différents.

[34] Alors que le personnel de bureau avait été transféré à la feuille de paye de TWI vers le mois de juin 2009, le transfert des chauffeurs a seulement eu lieu après le transfert des permis d’exploitation d’autobus.

[35] TWI a commencé à se servir des permis de 332 le 1er octobre 2009, et ce, même si les autorités provinciales avaient approuvé le transfert des permis quelques jours auparavant.

III – Question en litige

[36] TWI, appuyée par le SUT, a soutenu que la vente d’entreprise avait eu lieu le 28 mai 2009. M. Devlin a affirmé catégoriquement qu’il avait pleinement l’intention qu’à cette date-là, les activités de l’entreprise de Montréal soient entièrement contrôlées par TWI, comme c’était le cas pour les autres divisons. TWI a affirmé que cette situation de fait invalidait la demande d’accréditation présentée par la CSN relativement à 332.

[37] La CSN a soutenu que, bien qu’une vente d’entreprise puisse avoir lieu avant que toutes les modalités de la transaction soient remplies, en l’espèce, il n’y a pas la moindre preuve qu’une vente avait été conclue entre TWI et 332 avant que la CSN ait présenté sa demande d’accréditation le 22 juin 2009.

[38] Ainsi, la question que doit trancher le Conseil en l’espèce peut être résumée de la sorte :

La vente d’entreprise conclue entre TWI et 332 a-t-elle eu lieu avant ou après le 22 juin 2009, date à laquelle la CSN a présenté sa demande d’accréditation?

IV – Analyse et décision

[39] Les parties ont reconnu que le Conseil n’est pas tenu de conclure que la date de la transaction commerciale constituait la date de la vente d’entreprise aux fins de l’application du Code. Le Conseil doit examiner le fond plutôt que la forme.

[40] Par contre, les parties ne se sont pas entendues sur l’application de la jurisprudence du Conseil aux faits en l’espèce.

[41] Le Conseil a le pouvoir de déterminer la date d’une vente d’entreprise :

[4] Or, le pouvoir de déterminer la date effective d’une vente est le pendant nécessaire et inévitable du pouvoir de déterminer la survenance d’une telle vente. A cet égard nous soulignons que la « vente » définie à l’article 44 du Code n’est pas celle du Code civil québécois pas plus que celle de la Sale of Goods Act dans les provinces de « common law »; au contraire, la définition statutaire est très large et comprend tout transfert ou autre forme de disposition d’une entreprise. La date effective d’une telle disposition peut fort bien être différente, comme question de faits, de celle à laquelle la ou les conventions juridiques qui la soutendent (sic)sont passées. La date formelle d’un contrat n’est sûrement pas le facteur déterminant pour les fins du Code, et c’est la substance plutôt que la forme que le Conseil a, à bon droit, examinée.

(Inter-Canadien 1991 Inc. c. Conseil canadien des relations du travail et al. (1994), 178 N.R. 356)

[42] Le Conseil a déjà conclu qu’un accord préliminaire écrit, qui démontre essentiellement l’existence d’une offre valide et l’acceptation de cette offre, peut constituer la date de vente, et ce, même si l’accord est modifié plusieurs fois par la suite :

Le 1er mars 1991, une proposition était faite conjointement à Corporation Intair Inc. et Lignes aériennes Inter-Québec par Regional. Cette proposition – contenue dans un document d’une vingtaine de pages – s’ouvrait sur le paragraphe suivant:

« Sur approbation, la présente lettre constitue une entente entre Canadian Regional Airlines Ltd. (Regional), Corporation Intair Inc. (Intair) et Lignes Aériennes Inter-Québec Inc. (Inter-Québec) en ce qui a trait à la vente et l’acquisition de certains avoirs ou actions d’Inter-Québec, selon les modalités et conditions suivantes : ...

(Document no 40a); traduction; c’est nous qui soulignons) »

Bien que cet accord fut amendé une bonne quinzaine de fois entre mars et juin 1991, le paragraphe cité plus haut ne le fut jamais. Pas plus que ne le fut l’acceptation que Intair et Inter-Québec firent de l’offre dès le 4 mars 1991.

Selon certains, un contrat de vente est né dès l’acceptation du 4 mars 1991 par le Groupe Intair; selon d’autres, c’était plutôt une promesse de vente conditionnelle ou à terme au sens du Code civil. Chose certaine, il s’agit d’un contrat, qui dans sa substance, pourvoit à l’acquisition d’une façon ou d’une autre des services à horaire fixe d’une ligne aérienne connue comme étant Lignes aériennes Intair. Si la forme finale de l’acquisition demeurait matière à discussions entre les parties et assujettie à plusieurs conditions, l’acquisition proprement dite était convenue.

(Intair Inc. et autres (1993), 93 di 83 (CCRT no 1042))

[43] Dans Intair Inc. et autres, précitée, le Conseil a conclu qu’il existait une entente exécutoire même si de nombreux détails n’avaient pas encore été réglés. En l’espèce, aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer que les personnes morales avaient conclu une quelconque entente avant l’Accord daté du 8 juillet 2009.

[44] Le Conseil doit concilier les droits des parties, compte tenu de l’objectif des dispositions portant sur la vente d’une entreprise :

... Le droit d’un employeur de réorganiser de façon indépendante ou d’éliminer son entreprise doit être pesé en regard du besoin de protéger les employés contre des changements apportés soudainement à leurs droits de négociation. Si les employés reçoivent une assurance que leurs droits de négociation seront maintenus au moment d’une vente, des conflits de travail peuvent être évités. Les dispositions sur la succession ont pour but de protéger le droit de négocier d’un syndicat et d’empêcher que toute convention collective soit abolie au moment d’une vente.

(George Adams, Canadian Labour Law, 2e éd., Aurora, Canada Law Book Inc., 1993, page 8-1; traduction)

[45] Le Conseil a conclu que les faits ne démontrent pas qu’une vente d’entreprise a eu lieu entre TWI et 332 avant le 22 juin 2009. Cette conclusion repose sur plusieurs motifs.

A – Pertinence des interventions antérieures

[46] Dans leurs plaidoiries, toutes les parties ont reconnu que le Conseil peut examiner l’historique des faits et gestes des parties lorsqu’il doit déterminer la date d’entrée en vigueur d’une vente d’entreprise en vertu du Code.

[47] Dans la présente affaire, M. Devlin est intervenu à trois reprises pour empêcher la fermeture potentielle de l’entreprise de Montréal.

[48] Cependant, le contexte de ces trois interventions démontre que les opérations de sauvetage menées par M. Devlin lors des crises n’ont pas entraîné immédiatement une vente d’entreprise.

[49] Quand M. Devlin est intervenu en 1997-1998, la structure de l’entreprise n’a pas changé. C’est plutôt une modification importante de la direction qui a amélioré la situation et convaincu les autorités provinciales de ne pas suspendre les permis d’exploitation d’Autocar.

[50] En 2007, lorsque M. Devlin est intervenu une deuxième fois, une réorganisation partielle de l’entreprise a eu lieu. Cependant, cette réorganisation n’a pas immédiatement entraîné la vente de tous les éléments d’actif de 332 à TWI.

[51] Au contraire, la réorganisation faite en 2007 a pris du temps, et il a finalement été décidé, en se fondant sur les recommandations de professionnels, de fusionner Autocar avec TWI, mais seulement afin de permettre à TWI de tirer profit des pertes considérables accumulées par Autocar.

[52] Comme TWI ne voulait pas subir les conséquences des problèmes de sécurité d’Autocar, les permis d’exploitation, les éléments d’actif et les employés d’Autocar ont été transférés à 332. La demande d’accréditation de la CSN visait les employés de 332.

[53] Le Conseil doit tenir compte du fait que les crises précédentes n’avaient pas entraîné immédiatement la vente de l’entreprise de Montréal à TWI. La première crise avait seulement provoqué un changement à la direction de l’entreprise. La deuxième crise a entraîné une réorganisation de la structure de l’entreprise, mais en faisant en sorte que TWI ne soit pas la personne morale qui exploitait l’entreprise de Montréal. C’est 332 qui a hérité de cette responsabilité, et celle-ci a continué ses activités de façon très autonome jusqu’en mai 2009.

[54] TWI et le SUT ont soutenu que la troisième intervention était différente et que la vente d’entreprise avait eu lieu dès que M. Devlin et son équipe avaient pris le contrôle de l’entreprise de Montréal le 28 mai 2009. Cependant, mis à part le témoignage de M. Devlin quant à ses intentions, aucun autre élément de preuve n’a été présenté pour démontrer qu’une vente d’entreprise de 332 à TWI avait eu lieu le 28 mai 2009. De plus, il n’y a certainement eu aucune offre ou acceptation comme c’était le cas dans Intair Inc., précitée.

[55] Comme c’était le cas pour les interventions précédentes, le Conseil est d’avis que les conséquences organisationnelles de la troisième intervention se sont seulement manifestées au fil du temps.

B – Actes de procédure de TWI

[56] La conclusion du Conseil selon laquelle le résultat de l’intervention du 28 mai 2009 s’est seulement concrétisé au fil du temps est appuyée par les actes de procédure que TWI a elle-même initiés en l’espèce. Par exemple, TWI n’a jamais présenté de demande de déclaration de vente d’entreprise au Conseil. C’est plutôt la CSN qui, le 9 novembre 2009, a présenté la demande de déclaration de vente d’entreprise à la suite des problèmes de négociation survenus après son accréditation.

[57] Au contraire, le 8 juillet 2009 – date à laquelle l’Accord a été conclu – TWI a présenté une demande de déclaration d’employeur unique et a soutenu que TWI et 332 constituaient un employeur unique aux fins de l’application du Code.

[58] Bien que l’existence d’un contrôle commun soit nécessaire à l’obtention d’une déclaration d’employeur unique, ce facteur ne démontre pas en soi qu’une vente d’entreprise a déjà eu lieu.

[59] De fait, selon la jurisprudence du Conseil, pour qu’une déclaration d’employeur unique soit rendue, il doit y avoir au moins deux employeurs relevant de la compétence fédérale et comptant des employés : Viterra Inc., 2009 CCRI 442. Si, comme le prétendent TWI et le SUT, une vente d’entreprise avait eu lieu le 28 mai 2009, il n’y aurait eu qu’un seul employeur à compter de cette date-là.

C – Transactions entre les entreprises

[60] Bien que le Conseil reconnaisse que l’Accord n’établit pas nécessairement la date exacte de la vente aux fins de l’application du Code, le fait que TWI et 332 ont clairement convenu d’une « date d’entrée en vigueur » – le 8 juillet 2009 – reste pertinent. Cependant, cette date d’entrée en vigueur était établie « sous réserve du transfert futur du système de transport, qui comprend les certificats d’exploitation et le remplacement des plaques d’immatriculation » (article 4 de l’Accord; traduction).

[61] De plus, le Conseil estime que le calcul de la valeur de la transaction énoncée dans l’Accord, n’aurait pas été fait instantanément le 28 mai 2009. La valeur aurait plutôt été évaluée et fixée au fil du temps avec l’aide d’experts-conseils.

[62] TWI et sa société mère, Coach USA, ont décidé d’exploiter leur entreprise de transport par autobus au moyen d’une structure composée de diverses personnes morales, notamment Autocar et 332. Le Conseil ne prétend pas que l’utilisation de ces personnes morales était d’aucune façon inappropriée. En effet, une transaction visant à ce qu’une entreprise tire profit des pertes subies par une autre entreprise, sans toutefois assumer toutes ses dettes et responsabilités, fait partie de la planification stratégique.

[63] Toutefois, dans le cadre d’une vente d’entreprise, lorsque des entreprises ont choisi une certaine structure, aux fins de l’application du Code, cette structure n’est pas modifiée du seul fait qu’une personne affirme qu’un changement de contrôle a eu lieu à une date donnée – en l’espèce, le 28 mai 2009. D’ailleurs, dans des cas où l’on a eu recours à des entreprises interreliées, le Conseil accordera davantage de poids à la restructuration organisationnelle ultérieure.

[64] Pendant des années, TWI a accepté que l’entreprise de Montréal mène ses activités avec une indépendance presque totale. TWI avait le droit de modifier cette situation, mais, pour déterminer la date effective d’une vente d’entreprise, le Conseil doit disposer d’éléments de preuve plus convaincants que la simple expression de l’opinion d’une personne.

D – Nécessité de concilier les droits des diverses parties

[65] La jurisprudence invoquée devant le Conseil souligne l’importance de concilier les droits des parties. Des dispositions relatives à la vente d’entreprise ont été ajoutées au Code afin de protéger les droits de négociation collective.

[66] Le Conseil n’annulera pas l’accréditation de la CSN simplement parce que l’employeur est d’avis qu’une transaction entre entreprises faite en juillet 2009 servait uniquement à confirmer ce qui avait déjà eu lieu le 28 mai 2009.

[67] Le Conseil tiendra compte de cette position, mais il cherchera à concilier les droits de toutes les parties, y compris le droit des employés de décider de présenter ou non une demande d’accréditation.

[68] Mise à part l’annulation de l’accréditation de la CSN, aucune autre raison n’a été présentée au Conseil afin d’expliquer pourquoi il faudrait conclure que la vente d’entreprise avait eu lieu le 28 mai 2009, quelque sept semaines avant la date de l’Accord.

V – Conclusion

[69] Le Conseil confirme qu’en l’espèce, une vente d’entreprise a eu lieu, mais elle ne s’est pas concrétisée avant le 22 juin 2009. En tout temps, la CSN avait le droit de présenter une demande d’accréditation à l’egard de 332.

[70] Le Conseil est convaincu qu’en l’espèce, la vente d’entreprise a eu lieu le 8 juillet 2009, et ce, même si certaines conditions ont seulement été remplies plus tard. TWI a hérité de toutes les obligations imposées à 332 en vertu du Code.

[71] Les parties ont demandé au Conseil, s’il venait à conclure que la vente d’entreprise avait eu lieu après le 22 juin 2009, de réviser la structure des unités de négociation existantes de TWI en vertu des articles 18.1 et 45 du Code.

[72] Le Conseil accorde aux parties 90 jours, à compter de la date de la présente décision, pour discuter des deux unités de négociation existantes, à savoir celle du SUT et celle de la CSN. Aux termes du paragraphe 18.1(2) du Code, après une vente d’entreprise, le Conseil doit donner aux parties la possibilité de s’entendre sur l’unité ou les unités habiles à négocier collectivement.

[73] Si les parties n’arrivent pas à s’entendre ou si le Conseil n’est pas satisfait de l’entente que lui présenteront les parties (paragraphe 18.1(3)), le Conseil entendra d’autres arguments relativement à la structure des unités de négociation existantes.

[74] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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