Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

James Scot Crispo,

plaignant,

et


Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2000,

intimé,

et


MTS Allstream inc.,

employeur.

Dossier du Conseil : 28110-C

Référence neutre : 2010 CCRI 527

Le 5 juillet 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. John Bowman et David Olsen, Membres.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la plainte sans tenir d’audience.

Représentants des parties inscrits au dossier
M. James Scot Crispo, en son propre nom;
M. Ryan Stammer, pour MTS Allstream inc.;
Messrs. Joel Fournier, Luc Delparte et Dylan Gadwa, pour le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2000.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I – Nature de la plainte

[1] Le 27 avril 2010, le Conseil a reçu de M. J. Scot Crispo (M. Crispo) une plainte de manquement au devoir de représentation juste, alléguant que le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2000 (le TCA), avait violé l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[2] La plainte concernait la décision du TCA ne de pas renvoyer à l’arbitrage le grief dans lequel M. Crispo contestait une décision en matière de dotation prise par son employeur, MTS Allstream inc. (MTS).

[3] Avant de demander au TCA de répondre à la plainte de M. Crispo, le Conseil a examiné la question de savoir si la plainte de M. Crispo établissait une preuve suffisante à première vue que le TCA avait violé le Code. Les présents motifs expliquent pourquoi le Conseil a décidé de rejeter la plainte de M. Crispo à ce stade-ci.

II – Faits

[4] MTS a engagé M. Crispo vers le 1er novembre 1999. M. Crispo occupe un poste de technicien principal en communications.

[5] Le 13 avril 2010, M. Crispo a présenté un grief dans lequel il allègue une violation de l’article 5.04 de la convention collective, lequel porte sur la rectification des postes de remplacement. M. Crispo a allégué que MTS avait comblé certains postes en ayant recours à des groupes non visés par une réduction de personnel, plutôt que de combler les postes vacants en ayant recours aux groupes visés.

[6] MTS a rejeté le grief de M. Crispo au premier palier. M. Crispo a ensuite demandé au TCA de renvoyer son grief au deuxième palier. M. Crispo a demandé à M. Luc Delparte, du TCA, d’accomplir cette tâche en moins de 24 heures, étant donné que MTS avait seulement pris une heure pour répondre au premier palier.

[7] Le 21 avril 2010, M. Delparte a avisé M. Crispo qu’il avait consulté les dirigeants du syndicat (DS), qui avaient décidé de ne pas renvoyer le grief de M. Crispo à l’arbitrage.

[8] De façon générale, les DS acceptaient l’interprétation donnée par M. Crispo à l’article 5.04 de la convention collective, mais ils ont dit avoir conclu une entente avec MTS sur la rectification en cause. Ils ne donneraient donc pas suite au grief de M. Crispo.

[9] M. Delparte a expliqué le raisonnement du TCA à M. Crispo dans un courriel du 21 avril 2010 :

Le syndicat et l’entreprise ont conclu l’entente afin de protéger les membres contre des mises à pied involontaires. Cet objectif a été atteint en fournissant des trousses PDRA aux membres les plus anciens dans les régions non touchées par les mises à pied. L’entente permet au syndicat de présenter des griefs; toutefois, il a été question de mesures de redressement et cette option a été clarifiée. Pour bien faire les choses, l’entreprise rejetterait les trousses PDRA, ce qui aurait pour effet immédiat de rendre inutile la rectification. Cela aurait aussi pour effet de mettre à pied les membres du syndicat contre leur gré. Dans les faits, il n’y aurait aucun avis de rectification si le syndicat et l’entreprise ne concluaient pas cette entente.

Les DS ont le droit et la responsabilité de prendre des décisions de ce genre en conformité avec certains articles de la convention collective, notamment l’article 9.04E et le « LE : consultation conjointe ». Nous ne prenons pas ces responsabilités à la légère et essayons sans cesse de travailler dans le plus grand intérêt de tous les membres, mais nous nous trouvons souvent dans des situations difficiles, où nous savons qu’il nous sera impossible de plaire à tous. Je suis navré que cette entente n’ait pas fonctionné pour vous, mais elle a, en fin de compte, permis à 3 personnes d’obtenir une PDRA, à 3 autres personnes d’éviter une mise à pied involontaire et à 2 personnes ayant plus d’ancienneté que vous de travailler, tout comme vous, à un endroit qui leur plaît énormément. (Le 3e avis de rectification a été envoyé directement aux groupes relevant de Vanessa Hyjek, et on n’a toujours pas identifié le candidat retenu.)

(traduction)

[10] M. Delparte a aussi offert à M. Crispo de le rencontrer à nouveau pour discuter du dossier de façon plus approfondie.

[11] M. Crispo a déposé sa plainte de manquement au devoir de représentation juste auprès du Conseil le 27 avril 2010, alléguant que le TCA avait agi de manière arbitraire au sens du Code :

Le syndicat a refusé de porter mon grief au prochain palier malgré le fait que ses dirigeants estiment que j’ai une cause défendable, qu’ils ont déjà renvoyé un grief semblable au troisième palier et qu’ils peuvent renvoyer ce grief à l’arbitrage.

(traduction)

III – Analyse et décision

[12] Le Conseil se livre à une analyse de la preuve suffisante à première vue dans le cadre des nombreuses plaintes de manquement au devoir de représentation juste qu’il reçoit. Dans cette analyse, le Conseil tient pour avérés les faits importants allégués par un plaignant, et examine ensuite si ces faits importants peuvent être assimilables à une violation du Code.

[13] L’analyse de la preuve suffisante à première vue soupèse les faits importants plutôt que les conclusions de droit. Le plaignant qui invoque une conclusion de droit en alléguant, par exemple, qu’une conduite donnée était arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi n’évite pas ainsi l’application de ce critère.

[14] Dans Blanchet c. Association des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, section locale 712, 2009 CAF 103, la Cour d’appel fédérale a appuyé le recours par le Conseil à l’analyse de la preuve suffisante à première vue et l’accent qu’il met sur les faits importants :

[17] En règle générale, lorsqu’un tribunal tient pour avérées les allégations, il s’agit d’allégations de fait. Cette règle ne s’applique pas lorsqu’il s’agit de conclusions de droit : voir Lawrence v. The Queen, [1978] 2 C.F. 782 (1ière instance). La détermination des questions de droit appartient au tribunal et non aux parties : ibidem.

[18] Il est vrai que le Conseil, dans l’extrait cité, n’a pas spécifié qu’il faisait référence aux allégations de fait du demandeur. Mais la référence qui y est faite aux allégations du demandeur ne peut être autre chose qu’une référence à des allégations de fait. Car, s’il en était autrement, il suffirait pour un plaignant d’énoncer comme conclusion que la décision de son syndicat est arbitraire ou discriminatoire pour que le Conseil soit tenu de conclure à une violation, du moins une violation prima facie, de l’article 37 du Code et d’adjuger sur le bien-fondé de la plainte. Ainsi le processus de tamisage (screening) des plaintes serait relégué aux oubliettes du passé.

[15] La question peut être formulée ainsi : si le Conseil tient pour avérées toutes les allégations factuelles de M. Crispo, pourrait-il conclure que le TCA a violé l’article 37 du Code?

[16] Le devoir de représentation juste prévu à l’article 37 du Code, précité, oblige le Conseil à examiner le processus suivi par un syndicat pour s’assurer que ce dernier n’a pas agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des droits reconnus aux membres de l’unité de négociation par la convention collective.

[17] Le Conseil ne siège toutefois pas en appel des décisions d’un syndicat et ne décide pas si le syndicat a tiré les « bonnes » conclusions.

[18] Un syndicat doit souvent prendre des décisions difficiles qui sont bénéfiques pour certains membres de l’unité de négociation et néfastes dans la même mesure pour d’autres. Par exemple, lorsqu’elle porte sur des questions litigieuses en matière d’ancienneté, la décision du syndicat ne plaira pas à tous les membres. Tant que le syndicat n’a pas agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, le Conseil n’intervient pas.

[19] La documentation présentée par M. Crispo a convaincu le Conseil que le TCA s’est penché sur la situation du plaignant. Pour concilier les intérêts des membres de l’unité de négociation, le TCA a pris une décision qui était défavorable pour M. Crispo, mais qui, selon le TCA, permettait d’arriver à l’issue la plus favorable pour l’unité de négociation dans son ensemble.

[20] Le Conseil est convaincu que le TCA comprenait les faits de la situation de M. Crispo et a négocié avec MTS un règlement qui était dans l’intérêt général de l’unité de négociation.

[21] M. Crispo a le droit d’être en désaccord avec le TCA en ce qui concerne l’application de la convention collective. Ce désaccord ne suffit pas cependant pour démontrer que le TCA a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, au sens où ces termes sont employés à l’article 37 du Code.

[22]Même s’il tient pour avérées toutes les observations factuelles de M. Crispo, le Conseil ne peut pas conclure qu’il existe une preuve suffisante à première vue. Par conséquent, le Conseil rejette la plainte de M. Crispo.

[23] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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