Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Stephen Frayling,

plaignant,

et


Algoma Central Railway inc.,

intimée.

Dossier du Conseil : 27583-C

Référence neutre : 2010 CCRI 506

Le 25 mars 2010

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, siégeant seul en vertu du paragaraphe 14(3) du Code canadien du travail (Partie I  Relations du travail) (le Code). Le Conseil a entendu les plaidoiries des parties au sujet d’une demande d’ajournement lors d’une réunion de gestion de l’affaire (RGA) tenue par téléconférence le 24 mars 2010.

Ont comparu
M. Stephen Frayling, plaignant, accompagné de M. Drew Ratajewski, représentant du Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada);
Me Johanne Cavé, pour Algoma Central Railway inc.

I – Nature de la demande

[1] L’employeur, Algoma Central Railway inc. (Algoma), a demandé un ajournement peu de temps avant le début d’une audience qui avait été fixée plus de trois mois auparavant. Algoma a fait savoir que son témoin principal et conseiller à l’audience serait en vacances à l’étranger.

[2] Le plaignant, M. Stephen Frayling (M. Frayling), a contesté la demande d’ajournement.

[3] Le Conseil a décidé d’accorder l’ajournement à certaines conditions. Les présents motifs expliquent cette décision, ainsi que la pratique du Conseil en matière d’ajournements.

II – Faits

[4] Le 23 juin 2009, le Conseil a reçu de M. Frayling une plainte en matière de sécurité fondée sur la partie II du Code. Dans cette plainte, M. Frayling soutient qu’Algoma lui a imposé une mesure disciplinaire pour avoir exercé son droit de refuser d’effectuer un travail dangereux.

[5] Algoma a allégué en réponse, entre autres choses, que M. Frayling n’avait pas suivi la procédure prévue à l’article 128 du Code, un fait qui, selon Algoma, rendait la plainte irrecevable.

[6] Le 27 juillet 2009, l’agente des relations industrielles du Conseil, Mme Natalie Zawadowsky, a transmis son rapport d’agent enquêteur aux parties pour obtenir leurs commentaires.

[7] Après l’assignation de l’affaire à un banc chargé de la trancher, une RGA a eu lieu le 7 octobre 2009. Les deux parties ont demandé à Mme Zawadowsky de poursuivre ses efforts de médiation.

[8] Le 3 novembre 2009, alors que la médiation se poursuivait, le Conseil a fixé une audience prévue pour les 11 et 12 mai 2010, à Sault Ste. Marie (Ontario). Le 14 décembre 2009, le Conseil a devancé l’audience de mai 2010 aux 31 mars et 1er avril 2010.

[9] Le 15 mars 2010, le Conseil a tenu une autre RGA pour s’assurer notamment qu’aucune question ne risquait de créer des difficultés à l’audience. Me Johanne Cavé, procureur d’Algoma, a dit au cours de la RGA qu’un de ses témoins avait des problèmes de santé et qu’il ne serait peut-être pas disponible.

[10] Les parties ont convenu que Me Cavé, qui devait présenter sa preuve en premier à l’audience, interrogerait son témoin principal et que M. Frayling produirait ensuite sa preuve. Le deuxième témoin de Me Cavé témoignerait à une date ultérieure si elle n’était pas en mesure de le faire à la date prévue à cause de problèmes de santé.

[11] Bien que cette façon de procéder n’était pas classique, les parties s’entendaient sur la nécessité d’assurer la meilleure utilisation possible des journées d’audience prévues pour le 31 mars et le 1er avril. Le Conseil a confirmé l’entente des parties sur la marche à suivre, ainsi que d’autres questions, dans sa lettre du 17 mars 2010 qui faisait suite à la RGA.

[12] Le 17 mars 2010, Algoma a écrit directement au Conseil, avec une copie à M. Frayling, pour demander un ajournement de l’audience au motif qu’elle venait juste d’apprendre que son témoin principal et conseiller à l’audience serait à l’étranger.

[13] Le Conseil a répondu à Algoma le jour même, lui rappelant que toute demande d’ajournement doit d’abord faire l’objet de discussions avec la partie adverse. Si un différend subsiste à cet égard, le Conseil peut alors trancher la question. M. Frayling s’est opposé à la demande d’ajournement.

[14] Le Conseil a convoqué une autre RGA pour le 24 mars 2010 afin d’entendre les plaidoiries des parties sur la demande d’ajournement d’Algoma.

[15] Algoma a reconnu franchement devant le Conseil qu’une erreur s’était produite. Son témoin principal n’avait pas été avisé en décembre 2009 que l’audience du Conseil avait été devancée de mai à la fin mars. Algoma n’a appris la non-disponibilité de son conseiller qu’après la RGA du 15 mars. Algoma a soutenu qu’elle subirait un plus grand préjudice que celui causé à M. Frayling si elle devait procéder à l’audience sans son témoin principal et conseiller.

[16] Algoma s’est engagée à se rendre disponible à court terme pour comparaître à une audience reportée, et a offert de participer à une séance de médiation à Sault Ste. Marie, aux dates fixées initialement pour l’audience, soit le 31 mars et le 1er avril 2010.

[17] M. Frayling a fait valoir qu’Algoma avait souvent obligé ses employés à annuler des vacances prévues quand les circonstances le justifiaient. Lui et son représentant syndical, M. Drew Ratajewski, avaient tous deux modifié leur horaire afin de pouvoir participer à l’audience du Conseil prévue pour le 31 mars et le 1er avril.

[18] M. Frayling craignait que la mesure disciplinaire découlant de la question de sécurité en litige reste inscrite à son dossier. On peut soutenir que ce fait risquerait de lui porter préjudice selon le principe des mesures disciplinaires progressives.

[19] Algoma a répliqué que forcer son témoin principal et conseiller à se présenter, alors qu’il n’était pas responsable de la confusion, lui causerait des difficultés financières importantes, étant donné qu’il avait déjà pris des dispositions et des engagements pour amener sa famille en vacances à l’extérieur du Canada.

III – Analyse et décision

[20] La pratique du Conseil en matière d’ajournements est comparable à celle d’autres commissions des relations de travail au Canada. Écrire directement au Conseil n’est pas la première chose qu’une partie doit faire pour demander un ajournement.

[21] La Circulaire d’information no 4-01, accessible au public sur le site Web du Conseil, explique clairement la politique du Conseil à ce sujet.

[22] La partie qui a besoin d’un ajournement doit d’abord communiquer avec les autres parties. Autrement que dans des circonstances exceptionnelles, le Conseil accorde fréquemment un ajournement à la demande conjointe présentée par écrit par les parties.

[23] Toutefois, si la demande d’ajournement est contestée, le Conseil décide alors d’ajourner ou non, sur la foi des observations écrites des parties ou à la suite d’une RGA, selon le cas. Le Conseil a aussi un rôle de protecteur de l’intérêt public à jouer quand il examine une demande de ce genre (voir Société Radio-Canada, 2002 CCRI 193).

[24] Le Conseil comprend la frustration de M. Frayling, qui doit attendre plus longtemps pour que sa plainte soit réglée. Le Conseil a tenté de fixer une date d’audience précédant celle prévue au départ dans l’espoir de régler l’affaire de façon efficace. Une demande d’ajournement tardive influe aussi sur la capacité du Conseil d’instruire d’autres affaires. Si la demande d’ajournement avait été présentée en temps opportun, le Conseil aurait pu utiliser les dates en question pour entendre d’autres affaires en instance.

[25] Le Conseil a néanmoins décidé d’accorder la demande d’ajournement d’Algoma pour plusieurs raisons.

[26] Premièrement, même si la demande d’ajournement a été présentée pratiquement à la veille de l’audience, il s’agissait d’une première demande. Rien ne laisse croire en l’espèce qu’Algoma veuille retarder l’affaire. En effet, Me Cavé a proposé que les dates d’audience servent à tenter de parvenir à un règlement.

[27] Deuxièmement, des erreurs peuvent survenir. Algoma a fait preuve de franchise envers le Conseil en disant que l’avis de l’audience prévue pour mars, malgré sa réception en décembre, n’avait pas été transmis à son conseiller et témoin principal. Cette personne a entre-temps fait des arrangements en vue de vacances familiales à l’étranger. Algoma s’est seulement rendu compte du problème après que le Conseil eut tenu sa RGA du 15 mars.

[28] Troisièmement, Algoma, qui présentera sa preuve en premier, subirait un préjudice plus grave que M. Frayling. M. Frayling travaille. Il ne s’agit pas d’une situation où un employé congédié attend que l’on instruise sa demande de réintégration. Un retard cause un certain préjudice à M. Frayling, mais ce préjudice n’équivaut pas à celui que subirait Algoma si elle était obligée de procéder le 31 mars et le 1er avril 2010.

[29] Le Conseil aurait peut-être rendu une décision contraire s’il ne s’était pas agi d’une première demande d’ajournement. Le Conseil estime que l’erreur commise dans la convocation du témoin d’Algoma est un incident isolé.

[30] Algoma s’est engagée à se rendre disponible à court terme pour que soit entendue la présente plainte. Par conséquent, Algoma communiquera sans tarder à M. Frayling ses dates de disponibilité pour les quatre prochains mois pour l’audience de la présente plainte, et elle devra le faire d’ici le 1er avril 2010. M. Frayling choisira toutes les dates proposées qui lui conviennent et en avisera le Conseil au plus tard le 8 avril 2010.

[31] Le Conseil tentera ensuite de respecter une des suggestions de dates.

[32] Mme Zawadowsky poursuivra entre-temps ses efforts de médiation. Les discussions en cause resteront confidentielles et leur contenu ne sera pas communiqué au banc, sauf pour l’aviser de la nécessité, le cas échéant, de tenir une audience.

[33] Pour les motifs exposés précédemment, le Conseil accorde la demande d’ajournement d’Algoma aux conditions décrites ci-dessus.

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