Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Conférence ferroviaire de Teamsters Canada,

requérante,

et


Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada,

employeur.

Dossier du Conseil : 27454-C
Référence neutre : 2009 CCRI 461
Le 8 juillet 2009

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, de Me Judith F. MacPherson, c.r., et de Me Louise Fecteau, Vice-présidents.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I - Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou toute question dont il est saisi sans tenir d’audience. Après avoir pris connaissance de toutes les pièces au dossier, le Conseil est convaincu que les documents dont il dispose lui suffisent pour statuer sur la demande sans tenir d’audience.

Procureurs inscrits au dossier
Me James L. Shields, pour la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada;
Me Johanne Cavé, pour la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I - Nature de la demande

[1] Le 20 avril 2009, le Conseil a reçu une demande de réexamen présentée par la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (la CFTC) visant la décision rendue dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2009 CCRI 446 (CN 446).

[2] La CFTC a allégué que, dans CN 446, le Conseil a ajouté une nouvelle condition préalable à la révision d’unités de négociation prévue à l’article 18.1 du Code. De plus, la CFTC a soutenu que le Conseil a enfreint des principes de justice naturelle lorsqu’il a tranché l’affaire en s’appuyant uniquement sur la demande de la CFTC, sans donner une seconde chance à l’employeur, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN), de présenter sa réponse. Le CN avait soulevé une question préliminaire et se réservait le droit de présenter une réponse sur le bien-fondé de la demande de la CFTC. Dans la décision à l’étude, le Conseil a rejeté la question préliminaire et a tranché l’affaire sur le bien-fondé.

[3] Le CN n’a pas soulevé de question liée à la justice naturelle et s’est opposé à la demande de réexamen de la CFTC.

II - Questions en litige

[4] La CFTC a soulevé deux questions :

1. Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit et de principe dans la façon dont il a interprété et appliqué l’article 18.1 du Code?

2. Le Conseil a-t-il enfreint un principe de justice naturelle lorsqu’il a tranché l’affaire en s’appuyant sur le contenu de la demande initiale de la CFTC, sans donner une seconde chance au CN de présenter sa réponse?

III - Analyse et décision

[5] La CFTC a présenté sa demande de réexamen en vertu de l’article 18 du Code et de l’article 44 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) :

18. Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

44. Les circonstances dans lesquelles une demande de réexamen peut être présentée au Conseil sur le fondement du pouvoir de réexamen que lui confère l’article 18 du Code comprennent les suivantes :

a) la survenance de faits nouveaux qui, s’ils avaient été portés à la connaissance du Conseil avant que celui-ci ne rende la décision ou l’ordonnance faisant l’objet d’un réexamen, l’auraient vraisemblablement amené à une conclusion différente;

b) la présence d’erreurs de droit ou de principe qui remettent véritablement en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil;

c) le non-respect par le Conseil d’un principe de justice naturelle;

d) toute décision rendue par un greffier aux termes de l’article 3.

(c’est nous qui soulignons)

[6] Dans la décision récente qu’il a rendue dans Ted Kies, 2008 CCRI 413, le Conseil a fait un examen approfondi du processus de réexamen limité que prévoit le Code.

1. Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit et de principe dans la façon dont il a interprété et appliqué l’article 18.1 du Code?

[7] Le Conseil ne reprendra pas en détail les faits relatés dans CN 446.

[8] Dans CN 446, le Conseil s’est penché sur la question de savoir s’il devait réviser l’unité de négociation en vertu du paragraphe 18.1(1) du Code :

18.1(1) Sur demande de l’employeur ou d’un agent négociateur, le Conseil peut réviser la structure des unités de négociation s’il est convaincu que les unités ne sont plus habiles à négocier collectivement.

(c’est nous qui soulignons)

[9] La CFTC a soutenu aux paragraphes 21, 22, 23 et 24 de sa demande de réexamen que, dans CN 446, le Conseil avait interprété le paragraphe 18.1(1) de manière à y voir une nouvelle exigence qui ne figurait pas dans le Code lorsqu’il a jugé que les unités de négociation n’étaient pas inhabiles à négocier collectivement :

21. À partir des observations dont il disposait, le banc initial n’a pas été convaincu que les unités distinctes du personnel itinérant n’étaient plus habiles à négocier.

- Décision initiale, au paragraphe 18

22. Dans ses motifs, le banc initial a conclu que, parce que la CFTC n’avait toujours pas entamé de négociations collectives fructueuses à l’égard de l’unité de négociation des CATAT, «  aucun élément de preuve ne convainc le Conseil que les unités de négociation actuelles ne sont plus habiles à négocier collectivement ».

- Décision initiale, au paragraphe 24

23. Le banc initial a interprété le paragraphe 18.1(1) comme comportant l’exigence selon laquelle les parties doivent avoir tenté sérieusement de négocier une convention collective, sans y parvenir, pour que le Conseil puisse conclure que les unités de négociation ne sont plus habiles à négocier. En effet, il donnait à penser qu’aucun élément de preuve ne pouvait le convaincre que les unités de négociation n’étaient plus habiles à négocier en l’absence d’une tentative de négociations collectives.

24. La CFTC soutient en toute déférence que la condition préalable imposée par le banc initial ne se trouve tout simplement pas dans le libellé du Code et que la jurisprudence du Conseil n’établit pas de critère aussi rigoureux.

25. Au contraire, dans Société Radio-Canada, 2003 CIRB 218, dans laquelle la demande de réexamen a été rejetée, la majorité du banc a conclu qu’il n’est pas exigé que les relations de travail soient rompues ou que les unités de négociation ne soient plus viables pour que le Conseil détermine que les unités de négociation ne sont pas habiles à négocier.

(traduction)

[10] Le Conseil n’a pas été convaincu qu’il avait ajouté une nouvelle condition préalable à l’application du paragraphe 18.1(1) du Code dans CN 446.

[11] Comme le démontre la jurisprudence du Conseil, lorsque celui-ci se penche sur le paragraphe 18.1(1) du Code, il peut prendre en considération, comme un facteur parmi de nombreux autres, l’état des négociations collectives entre les parties sur une certaine période. Ce facteur peut aider le Conseil à déterminer si les unités de négociation ne sont plus habiles à négocier collectivement.

[12] Dans CN 446, le Conseil a écrit ce qui suit aux paragraphes 22 et 24 :

[22] Le Conseil note que les parties n’ont pas encore entamé de négociations à l’égard de l’unité des CATAT et qu’elles viennent à peine de commencer à négocier pour ce qui est de l’unité des mécaniciens de locomotive. L’employeur estime que l’objectif visé par la présente demande fondée sur l’article 18.1 est le désir du syndicat de faire coïncider les dates d’expiration des conventions collectives applicables aux deux unités.

...

[24] Peu importe que les motifs sur lesquels s’appuie le syndicat soient ou non les mêmes que ceux invoqués par l’employeur, il reste que, depuis que la CFTC est devenue l’agent négociateur des deux unités, le syndicat et l’employeur n’ont toujours pas entamé de négociations collectives fructueuses à l’égard de l’une ou l’autre des deux unités visées par la présente demande. Par conséquent, aucun élément de preuve ne convainc le Conseil que les unités de négociation actuelles ne sont plus habiles à négocier collectivement.

[13] Dans CN 446, le Conseil n’a pas indiqué que la CFTC devait entamer des négociations collectives, et qu’aucun élément de preuve ne le convaincrait de réviser l’unité de négociation. Le Conseil a plutôt fait observer que, compte tenu de l’accréditation récente de la CFTC pour représenter une des unités de négociation en question, il n’y avait pas de négociations collectives passées entre la CFTC et le CN à l’égard de cette unité en particulier qui auraient pu guider le Conseil.

[14] Les négociations collectives passées représentent seulement l’un des facteurs que le Conseil peut prendre en considération lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 18.1(1). Dans CN 446, le Conseil a pris en considération de nombreux facteurs que la CFTC avaient invoqués à l’appui de sa demande.

[15] Dans le cadre d’une demande de réexamen, le Conseil ne substituera pas son pouvoir discrétionnaire à celui qui a été exercé dans CN 446. Au contraire, il n’interviendra que si la CFTC démontre qu’il y a eu erreur de droit ou de principe. Le Conseil n’en est pas convaincu malgré les observations juridiques détaillées du procureur de la CFTC.

2. Le Conseil a-t-il enfreint un principe de justice naturelle lorsqu'il a tranché l'affaire en s’appuyant sur le contenu de la demande initiale de la CFTC, sans donner une seconde chance au CN de présenter sa réponse?

[16] La CFTC a également allégué que, dans CN 446, le Conseil n’a pas respecté un principe de justice naturelle en ne prenant en considération que la demande initiale de la CFTC.

[17] Le Conseil n’a reçu aucune réponse du CN à la demande de la CFTC. Selon le CN, il se réservait le droit de présenter une réponse à la demande initiale de la CFTC lorsqu’il a écrit au Conseil au sujet d’une question préliminaire.

[18] Dans CN 446, le Conseil a expliqué la pratique à cet égard au paragraphe 13 :

[13] Les parties sont bien au fait du libellé de l’article 16.1 du Code, qui autorise le Conseil à trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Le Conseil s’attend donc à ce que les parties lui présentent tous leurs arguments au moment de déposer une plainte ou une demande, selon le cas, et que l’intimé présente une réponse écrite. Les parties qui entendent « se réserver le droit » de présenter des observations supplémentaires agissent à leurs risques et périls, car aucun droit de ce genre ne leur est reconnu une fois que la période prévue pour répondre et répliquer à la demande ou à la plainte est terminée. Le Conseil peut décider de trancher l’affaire à partir des documents dont il dispose dès l’instant où le délai prévu pour présenter des observations est expiré.

[19] Après avoir examiné les documents présentés, le Conseil a rejeté la requête préliminaire du CN et a ensuite examiné le bien-fondé de la demande de la CFTC.

[20] La CFTC a soutenu aux paragraphes 34 et 35 de sa demande de réexamen que le processus du Conseil à cet égard enfreint des principes de justice naturelle :

34. Un élément essentiel du concept de justice naturelle est le droit d’avoir la chance d’être entendu et de défendre pleinement sa cause. On aurait dû donner aux parties l’occasion de présenter leurs arguments et de voir ces arguments entendus et pris en considération.

35. Dans les circonstances en l’espèce, le banc initial n’a pas pris en considération l’ensemble des observations des parties, étant donné que l’intimée a soulevé une question préliminaire et demandé que le Conseil rejette sommairement la demande. La requérante CFTC n’a répondu qu’à la question préliminaire de l’intimée.

(traduction)

[21] Le Conseil convient que les parties doivent effectuer un travail préparatoire considérable pour présenter leur position dans une affaire. Puisque le Conseil n’est pas obligé de tenir une audience en vertu de l’article 16.1 du Code, ce processus de demande détaillée en place depuis longtemps lui permet de régler plus rapidement les affaires dont il est saisi.

[22] La décision que le Conseil a rendue dans CN 446 a eu pour effet de permettre à la CFTC de voir sa demande examinée quasi sans opposition. Dans CN 446, le Conseil a analysé la demande, mais, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, a décidé que la demande n’était pas suffisante pour répondre au critère énoncé au paragraphe 18.1(1) applicable à la révision d’unités de négociation.

[23] Dans CN 446, le Conseil n’a pas changé le critère applicable. Il est clair, et la décision CN 446 le mentionne expressément, qu’une unité doit être inhabile à négocier pour entreprendre une révision en vertu du paragraphe 18.1(1). Il ne suffit pas de démontrer qu’une autre structure de négociation pourrait exister.

[24] Le Conseil n’était donc pas tenu de faire des pieds et des mains pour obtenir les observations du CN. Au contraire, si une partie prétend se réserver le droit de présenter des observations subséquemment, puis ne présente pas de réponse conformément au Règlement du Conseil, le Conseil tranchera alors l’affaire sur la foi des documents à sa disposition.

[25] Le Conseil a examiné diverses manières d’accélérer ses processus afin de mieux servir la communauté des relations du travail. Par exemple, il a commencé à utiliser l’analyse de la preuve suffisante à première vue dans le cadre des plaintes de manquement au devoir de représentation juste. Il incombe au plaignant d’établir une preuve suffisante à première vue, sans quoi le Conseil rejettera l’affaire sans demander au syndicat intimé ou à l’employeur de dépenser des ressources et du temps précieux pour présenter une réponse.

[26] De manière semblable, le Conseil ne retardera pas l’examen d’une demande d’accréditation dans les affaires où l’employeur ne présente pas de réponse.

[27] Dans CN 446, le Conseil a suivi un processus semblable et s’est estimé en mesure de déterminer s’il devait procéder à une révision d’unités de négociation en vertu du paragraphe 18.1(1) du Code en examinant seulement la demande de la CFTC. La demande ne l’a pas convaincu de réviser la structure de négociation.

[28] Pour les motifs qui précèdent, la demande de réexamen est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.