Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

M. Douglas Staples,

plaignant,

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

intimé,

et

Société canadienne des postes,

employeur.

Dossier du Conseil : 27318-C

Décision du CCRI/CIRB no 448

Le 22 avril 2009

Le Conseil, composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. John Bowman et André Lecavalier, Membres, a examiné la plainte susmentionnée.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

Aux termes de l’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I - Relations du travail) (le Code), le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) peut trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la plainte sans tenir d’audience.

I - Nature de la plainte

[1] Le 24 février 2009, le Conseil a reçu de M. Douglas Staples (M. Staples) une plainte de manquement au devoir de représentation fondée sur l’article 37 du Code :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[2] Dans sa plainte, M. Staples alléguait que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) avait manqué à son devoir de représentation juste durant le processus de traitement de son grief de congédiement.

[3] L’employeur de M. Staples, la Société canadienne des postes (SCP), avait mis fin à son emploi pour un motif valable, le 18 juin 2008.

[4] Les parties ont présenté leurs observations écrites finales le 24 mars 2009. Après les avoir examinées, le Conseil a décidé de rejeter la plainte de M. Staples pour les motifs exposés ci-après.

II - Faits

[5] M. Staples occupait un poste de trieur de courrier à la SCP.

[6] Le 18 juin 2008, au terme d’une enquête, la SCP a mis fin à l’emploi de M. Staples pour un motif valable. On lui reprochait essentiellement d’avoir manipulé le courrier de façon irrégulière. Avant que M. Staples soit congédié, le STTP lui avait apporté son aide lors des entrevues durant l’enquête de la SCP.

[7] Aux alentours du 9 juillet 2008, le STTP a contesté le congédiement de M. Staples, faisant valoir que la SCP avait congédié le plaignant sans « cause juste, raisonnable et suffisante ».

[8] Des représentants du STTP ont communiqué avec M. Staples aux alentours du 12 novembre 2008 et l’ont informé qu’une réunion était prévue le 17 novembre 2008 pour discuter de son grief.

[9] Le STTP a retenu les services d’un conseiller juridique indépendant provenant d’un cabinet d’avocats chevronnés en droit du travail pour assister à la réunion du 17 novembre 2008 et analyser le dossier de M. Staples.

[10] Le STTP a soumis le grief de M. Staples à la procédure formelle d’arbitrage, devant l’arbitre Wayne Thistle. La date de l’audience a d’abord été fixée au 15 janvier 2009.

[11] Après la réunion du 17 novembre 2008, M. Staples croyait que le STTP renverrait son grief de congédiement à l’arbitrage.

[12] Pendant ce temps, le STTP et le conseiller juridique indépendant ont continué d’analyser le dossier, mais ils ont commencé à se poser des questions à propos de la solidité de la preuve.

[13] Le STTP a par la suite demandé à l’arbitre Thistle de modifier la date de l’audience parce que le conseiller juridique n’était pas disponible. L’arbitre a ultérieurement reporté l’audience aux 18, 19 et 20 mars 2009.

[14] Le 6 février 2009, le STTP et le conseiller juridique indépendant ont eu une nouvelle rencontre avec M. Staples.

[15] À ce moment-là, le STTP a tenté d’éclaircir la version des faits de M. Staples. Ce dernier a indiqué dans ses observations au Conseil qu’il estimait que le STTP et le conseiller juridique indépendant avaient déjà décidé de ne pas renvoyer le grief à l’arbitrage.

[16] Le STTP a avisé M. Staples que l’un de problèmes que lui posait sa défense était qu’il avait désigné comme témoin principal la personne qui s’était en fait plainte de lui et qui était à l’origine de son congédiement.

[17] Le STTP avait aussi des réserves à propos d’un document manuscrit de 56 pages dont M. Staples était l’auteur. Il avait reçu ce document, non pas de M. Staples, mais de la SCP. Le document avait été rédigé aux alentours de décembre 2008, soit après la première réunion entre M. Staples, le STTP et le conseiller juridique indépendant.

[18] Selon le STTP, le document confirmait les faits sur lesquels la SCP s’était appuyée pour justifier le congédiement de M. Staples. Le document démontrait également au STTP que M. Staples continuait de croire qu’il n’avait rien fait de mal. Le Conseil tient pour acquis qu’il s’agit d’un facteur auquel le STTP attachait de l’importance étant donné qu’un arbitre peut tenir compte de divers facteurs, dont la sincérité des regrets, pour décider des mesures de redressement à accorder.

[19] Durant la réunion du 6 février 2009, le STTP et le conseiller juridique indépendant ont quitté la salle pour discuter du dossier. Ils ont conclu que le grief n’avait aucune chance raisonnable de succès et ils en ont avisé M. Staples.

[20] Ils ont ensuite discuté avec M. Staples de la possibilité de régler le litige avec le SCP.

[21] Le STTP a communiqué avec la SCP, toujours durant la réunion, afin de négocier un protocole d’entente (PE). Même s’il avait espéré que la SCP ferait une offre de paiement quelconque dans le cadre d’un règlement, tout ce qu’elle était prête à accepter, c’était de retirer la lettre de congédiement du dossier de M. Staples en échange de sa démission.

[22] M. Staples a signé le PE à la fin de la réunion du 6 février 2009.

[23] Dans ses observations du 19 mars 2009, M. Staples a mis en doute la bonne foi des représentants du STTP et du conseiller juridique indépendant.

[24] En outre, M. Staples croyait que la SCP avait falsifié des documents ayant trait à son congédiement. Il a également prétendu que le STTP n’avait pas mené une enquête approfondie sur tous les faits.

III - Le devoir de représentation juste

[25] En accréditant un syndicat, le Conseil l’investit du pouvoir exclusif de représenter tous les membres de l’unité de négociation. Le Code contient une disposition, à l’article 37, qui impose un devoir de représentation juste à l’agent négociateur afin qu’il n’agisse pas de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés dans l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention collective.

[26] Dans presque tous les cas, c’est le syndicat qui a la charge du grief. Il incombe au syndicat d’examiner les faits au dossier et de déterminer si le grief doit être porté à l’arbitrage.

[27] Les membres de l’unité de négociation n’ont généralement pas le droit d’insister pour que leurs griefs soient portés à l’arbitrage, sauf si la convention collective le prévoit expressément.

[28] Le Conseil fait rarement obstacle à l’exercice, par le syndicat, de son pouvoir discrétionnaire de porter ou non un grief à l’arbitrage, sauf si le plaignant lui démontre que le syndicat a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. Un simple désaccord avec le syndicat sur la question du renvoi du grief à l’arbitrage n’est pas suffisant pour conclure à un manquement au devoir de représentation juste.

[29] Le Conseil a également statué que les membres de l’unité de négociation doivent coopérer avec l’agent négociateur. Si un membre va à contre-courant du syndicat, que ce soit par action ou par inaction, cela peut contrecarrer les efforts du syndicat pour lui venir en aide (voir, par exemple, Terry Griffiths, [2002] CCRI no 208; et 89 CLRBR (2d) 135).

IV - Analyse et décision

[30] M. Staples n’a pas convaincu le Conseil que le STTP avait agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi.

[31] Il ressort clairement des observations détaillées et utiles des parties que le STTP a tenté de venir en aide à M. Staples et qu’il a soupesé les faits pour décider s’il y avait lieu de porter le grief à l’arbitrage.

[32] Par exemple, le STTP a immédiatement présenté un grief pour prévenir la SCP qu’il contesterait le congédiement de M. Staples. Il a également retenu les services d’un conseiller juridique provenant d’un cabinet d’avocats chevronnés en droit du travail pour analyser le dossier et participer à sa défense.

[33] Même si M. Staples a prétendu que le STTP n’avait pas mené une enquête approfondie sur l’affaire, les faits démontrent que son témoin principal avait en fait des intérêts opposés aux siens. De plus, le STTP a analysé le volumineux document manuscrit de M. Staples, qui lui a été fourni non pas par M. Staples, mais par la SCP, et a conclu que son contenu compromettait gravement l’issue du grief à l’arbitrage.

[34] Le STTP a travaillé consciencieusement avec le conseiller juridique indépendant pour arriver à ces décisions importantes.

[35] Le STTP s’est ensuite penché sur la question de savoir ce qu’il pourrait faire, hormis renvoyer le grief à l’arbitrage, pour venir en aide à M Staples. Ses représentants ont réussi à conclure un PE avec la SCP, qui faisait en sorte que M. Staples aurait de nouveau un dossier d’emploi vierge à la condition qu’il démissionne.

[36] Le Conseil estime que, même si M. Staples n’est pas satisfait de la représentation fournie par son ancien agent négociateur, il n’a pas démontré que le STTP avait agi autrement que de manière responsable. Le STTP a analysé son dossier avant de prendre la décision difficile de ne pas porter son grief à l’arbitrage. Le STTP s’est donc acquitté de son devoir de représentation juste.

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