Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Contenu de la décision

Motifs de décision

Abubakar Kasim,

plaignant,

et

Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2002,

intimé,

et

Air Canada,

employeur.

 

Dossier du Conseil : 27142-C

 

CITÉ : Kasim

 

Référence neutre : 2008 CCRI 432

Le 22 décembre 2008

 

Il s’agit d’une plainte déposée en vertu de l’article 37 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail).

 

Devoir de représentation juste – Qualité de la représentation – Existence d’une preuve suffisante à première vue – Le plaignant a déposé une plainte dans laquelle il allègue que le syndicat a manqué à son devoir de représentation juste à son égard à la suite d’un incident qui était survenu avec son employeur – Le plaignant estime que le syndicat aurait dû faire plus pour lui et que ses droits n’ont pas été défendus – Le Conseil procède à une analyse de l’existence d’une preuve suffisante à première vue lorsqu’il est saisi de plaintes de manquement au devoir de représentation juste – Pour déterminer si un plaignant a établi qu’il y avait preuve suffisante à première vue, lorsque toutes les allégations faites par un plaignant sont véridiques, le Conseil examine s’il arriverait à la conclusion qu’il y a effectivement eu violation du Code – Le Conseil a examiné le processus suivi par le syndicat et a conclu qu’il n’y a pas eu manquement au devoir de représentation juste – Les documents présentés par le plaignant montrent que le syndicat a immédiatement présenté un grief au sujet de l’incident dont il s’était plaint – En outre, le syndicat a élaboré et déposé un mémoire détaillé dans le cadre du processus d’arbitrage accéléré exposant sa position et indiquant pourquoi, à son avis, l’employeur n’avait pas respecté les droits du plaignant – Dans le cadre du processus d’arbitrage accéléré, un enquêteur tiers indépendant s’est entretenu avec les parties et a produit un rapport renfermant des conclusions et des recommandations – L’arbitre a examiné ce rapport et a décidé qu’on devrait régler le grief en suivant les recommandations contenues dans le rapport de l’enquêteur – Selon le Conseil, il n’y avait simplement rien dans ce processus ni dans les actions du syndicat lors de sa représentation du plaignant qui pourrait être décrit comme un geste arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi – Le Conseil a noté qu’aussi bien le syndicat que l’employeur ont coopéré au moment de l’audition du grief du plaignant dans le cadre de la procédure d’arbitrage négociée par eux – Le Conseil a conclu qu’un simple désaccord entre un employé et son agent négociateur concernant le règlement ultime d’un grief ne constitue pas une violation du Code.

 

Le Conseil se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de MM. Patrick J. Heinke et Daniel Charbonneau, Membres.

 

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut rendre sa décision sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la plainte sans tenir d’audience.

 

Représentants des parties

M. Abubakar Kasim, en son propre nom;

Me Rachelle Henderson, pour Air Canada;

Mme Sylvia Rothlin, pour le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2002.

 

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

 

I – Nature de la demande

 

[1] Le 31 octobre 2008, le Conseil a reçu de M. Abubakar Kasim (M. Kasim) une plainte de manquement au devoir de représentation juste alléguant violation de l’article 37 du Code :

 

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

 

[2] M. Kasim alléguait que son agent négociateur, le Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), section locale 2002 (le TCA), avait manqué à son devoir de représentation juste à son égard à la suite d’un incident qui était survenu avec son employeur, Air Canada.

 

II – Faits

 

[3] À l’été 2007, Air Canada a reçu un prix, en tant que ligne aérienne, pour l’excellence de son service à la clientèle.

 

[4] Le 11 août 2007, M. Kasim a envoyé un courriel interne à des collègues, y compris à des cadres supérieurs d’Air Canada, exprimant son opinion qu’Air Canada n’était pas digne de recevoir le prix. M. Kasim a notamment décrit une expérience personnelle qu’il avait eue à bord d’un vol d’Air Canada.

 

[5] Le 16 août 2007, deux gestionnaires d’Air Canada ont convoqué M. Kasim à une réunion pour discuter du courriel. M. Kasim et les gestionnaires concernés ont une perception différente de ce qui s’est déroulé à cette réunion.

 

[6] Par conséquent, le 28 août 2007, le TCA a présenté un grief pour le compte de M. Kasim contestant la tenue de la réunion et le fait qu’aucun représentant du TCA n’y avait été présent. Dans le grief, il était allégué, entre autres, que M. Kasim avait été harcelé, ce qui constituait une violation de ses droits aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H-6.

 

[7] M. Kasim a indiqué qu’il se sentait malade à cause de l’incident. Le 13 septembre 2007, il a dû se rendre à l’hôpital et a ensuite pris un congé de maladie d’une durée d’environ trois mois.

 

[8] Le 16 janvier 2008, dans le cadre de la procédure d’arbitrage accéléré d’Air Canada, le TCA a déposé un mémoire de médiation exposant sa position au nom de M. Kasim.

 

[9] Le 22 février 2008, toujours dans le cadre du processus d’arbitrage accéléré, le grief de M. Kasim a fait l’objet d’une enquête en vue d’en faciliter le règlement.

 

[10] Du 9 au 11 avril 2008, un enquêteur a eu des entretiens avec différentes personnes à propos de l’incident survenu en août 2007.

 

[11] Le 15 avril 2008, l’enquêteur a présenté un rapport d’enquête qui renfermait les trois recommandations suivantes :

 

a) Outre la signature par les employés de la politique de la direction qui inclut les pratiques acceptables liées au courrier électronique interne, il est conseillé que cette politique soit renforcée par d’autres moyens de communication.

 

b) La direction devrait informer les employés de son intention de tenir des réunions officieuses, et les informer notamment des personnes qui y seront présentes.

 

c) Même si la réunion n’est pas à caractère disciplinaire, la direction devrait envisager la participation du syndicat lorsque les questions sont similaires à celles soulevées dans la présente affaire.

 

(traduction)

 

[12] Le 25 juillet 2008, durant un examen mensuel effectué dans le cadre du processus d’arbitrage accéléré, l’arbitre Martin Teplitsky, c.r., a rendu la décision suivante concernant le grief de M. Kasim :

 

Décision : Un rapport d’enquête a été présenté aux parties. J’appuie la conclusion du rapport. Le grief est donc réglé.

 

(traduction)

 

[13] Le TCA a informé M. Kasim que le grief était réglé.

 

[14] Le 9 septembre 2008, M. Kasim a écrit au Conseil pour se plaindre au sujet du TCA et d’Air Canada. Dans cette lettre, il décrit les circonstances entourant son courriel et la réunion avec la direction. À la page 3 de sa lettre, M. Kasim écrit ceci :

 

Je vous saurais gré d’assurer un suivi complet de cette question troublante et de la manière dont le syndicat s’en est occupé dès le départ. Je suis convaincu que le syndicat n’a pas agi comme il aurait dû le faire.

 

(traduction)

 

[15] Le 31 octobre 2008, le Conseil a reçu le formulaire de Plainte de manquement au devoir de représentation juste rempli par M. Kasim dans lequel ce dernier faisait référence à sa lettre antérieure du 9 septembre 2008. Dans la plainte, M. Kasim alléguait ce qui suit : « Le syndicat n’a pas suffisamment défendu mes droits... Je souhaite de tout coeur pouvoir exercer des pressions sur le syndicat afin qu’il défende correctement mes droits que la compagnie a violés » (traduction).

 

[16] Le 7 novembre 2008, le Conseil a confirmé à M. Kasim, ainsi qu’au TCA et à Air Canada, qu’il avait reçu la plainte. Conformément à la procédure en vigueur de traitement de plaintes de manquement au devoir de représentation juste, le Conseil a informé M. Kasim qu’il déterminerait d’abord s’il existait des motifs suffisants pour déposer une plainte. Le Conseil a informé le TCA et Air Canada que des observations n’étaient pas requises pendant qu’il déterminait si M. Kasim avait réussi à montrer qu’il y avait eu violation apparente du Code.

 

III – Le processus de traitement de plaintes de manquement au devoir de représentation juste

 

[17] Comme il l’expliquait dans les lettres envoyées aux parties, lorsqu’il est saisi de plaintes de manquement au devoir de représentation juste, le Conseil procède maintenant à une analyse de l’existence d’une preuve suffisante à première vue. Étant donné leur grand nombre, les plaintes de ce genre requièrent des ressources considérables, pas juste au Conseil, mais également de la part des agents négociateurs et des employeurs. Ainsi, il est maintenant essentiel pour un plaignant d’établir qu’il y a preuve suffisante à première vue avant que le Conseil exige de l’agent négociateur et de l’employeur qu’ils répondent à une plainte.

 

[18] Pour déterminer si un plaignant a établi qu’il y avait preuve suffisante à première vue, lorsque toutes les allégations faites par un plaignant sont véridiques, le Conseil examine s’il arriverait à la conclusion qu’il y a effectivement eu violation du Code. Pour ce faire, les plaignants doivent présenter dans leur plainte tous les faits essentiels et pertinents qui, s’ils s’avéraient vrais, constitueraient une violation de l’article 37 du Code.

 

[19] Le devoir de représentation juste prévu dans le Code a pour but de faire en sorte que l’agent négociateur respecte les droits substantiels qui accompagnent l’accréditation. Il est interdit à un agent négociateur d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des droits d’un employé en vertu de la convention collective applicable.

 

[20] Cependant, ce devoir ne signifie pas que chaque employé a le droit de faire renvoyer son grief à l’arbitrage. Plutôt, l’agent négociateur peut décider quels griefs seront renvoyés à l’arbitrage et lesquels seront réglés.

 

[21] Pour déterminer si un agent négociateur a rempli le devoir imposé par le Code, le Conseil examine le processus que l’agent a suivi lors de sa représentation d’un employé. Un agent négociateur ne peut être comparé à un avocat du secteur privé qui est obligé de suivre les instructions précises du client. Plutôt, dans pratiquement tous les cas, l’agent négociateur a la charge du grief et, bien qu’il doive communiquer avec l’employé en question, il conserve la discrétion de décider comment il traitera le grief.

 

[22] Le Conseil ne siège pas en appel de la manière dont un syndicat exerce cette discrétion. Le Conseil interviendra uniquement si le plaignant réussit à démontrer que l’agent négociateur a agi d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

 

IV – Analyse et décision

 

[23] Le Conseil a examiné les nombreux documents déposés par M. Kasim. M. Kasim estime que ses droits n’ont pas été défendus et que le TCA aurait dû faire plus pour lui.

 

[24] Le Conseil a examiné le processus suivi par le TCA et a conclu qu’il n’y a pas eu manquement au devoir de représentation juste.

 

[25] La plainte de M. Kasim montre que le TCA a immédiatement présenté un grief au sujet de l’incident dont M. Kasim s’était plaint. En outre, le TCA a élaboré et déposé un mémoire détaillé dans le cadre du processus d’arbitrage accéléré exposant sa position et indiquant pourquoi, à son avis, Air Canada n’avait pas respecté les droits de M. Kasim.

 

[26] Dans le cadre du processus d’arbitrage accéléré, un enquêteur tiers indépendant s’est entretenu avec les parties et a produit un rapport renfermant des conclusions et des recommandations. L’arbitre Teplitsky a examiné ce rapport et a décidé qu’on devrait régler le grief en suivant les recommandations contenues dans le rapport de l’enquêteur.

 

[27] Selon le Conseil, il n’y a simplement rien dans ce processus ni dans les actions du TCA lors de sa représentation de M. Kasim qui pourrait être décrit comme un geste arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Il semble au Conseil qu’aussi bien le TCA qu’Air Canada ont coopéré au moment de l’audition du grief de M. Kasim dans le cadre de la procédure d’arbitrage négociée par eux.

 

[28] Même si le Conseil comprend que M. Kasim souhaitait un résultat différent, un simple désaccord entre un employé et son agent négociateur concernant le règlement ultime d’un grief ne constitue pas une violation du Code.

 

[29] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

 

LOI CITÉE

 

Code canadien du travail, Partie I, art. 16.1, 37

 

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