Code canadien du travail, Parties I, II et III

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Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

requérant,

et

Secure Distribution Service ltée (SDS),

intimée,

Go Logistics inc., 2109372 Ontario inc., 2109373 Ontario inc.,

parties intéressées.

Dossier du Conseil : 26984-C

CITÉ : Secure Distribution Services ltée (SDS) et Go Logistics inc.

Référence neutre : 2008 CCRI 425
Le 14 novembre 2008


Demande présentée en vertu des articles 35 et 44 du Code canadien du travail, Partie I.

Employeur unique – Vente d’entreprise – Pratique et procédure – Demande visant à obtenir une déclaration d’employeur unique et une déclaration de vente d’entreprise – L’employeur et les autres parties désignées n’ont jamais présenté d’observations – Le Conseil a tranché l’affaire en se fondant uniquement sur les observations du syndicat – Le Conseil ne dispose pas de suffisamment de renseignements pour déterminer s’il y a eu vente d’entreprise entre l’employeur et l’une des autres parties désignées – Ainsi, cette partie de la demande sera rejetée – Le syndicat a démontré que les employeurs constituent un employeur unique – L’autre employeur a une relation employeur-employé avec des membres de l’unité de négociation – L’adresse des deux employeurs est la même – Un représentant de l’employeur est aussi directeur de l’autre employeur – Le Conseil a le pouvoir discrétionnaire de formuler une déclaration d’employeur unique – En l’espèce, les difficultés constantes pour conclure une convention collective, le refus du représentant de l’employeur de répondre à des demandes de renseignements légitimes et la durée des négociations compromettent l’unité de négociation – Le syndicat a donc droit à une déclaration d’employeur unique – Le Conseil a accueilli la demande de déclaration d’employeur unique du syndicat – Le syndicat a demandé, à titre de redressement, que le Conseil impose une convention collective à l’employeur, en se fondant sur une offre présentée par le syndicat à la séance de conciliation – Le Conseil n’a pas le pouvoir d’imposer une première convention collective de la manière que le demande le syndicat – Vu l’absence d’un renvoi par le ministre du Travail, le Conseil n’a pas le pouvoir d’imposer une première convention collective dans les circonstances de la présente affaire – Même dans les cas où le Conseil pourrait avoir le pouvoir d’imposer un processus qui mènerait à une convention collective, il doit exercer ce pouvoir avec circonspection – Le Conseil ne peut pas transformer l’offre que le syndicat a présentée à la séance de conciliation en une convention collective liant les parties.


Le Conseil, composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, siégeant seul en vertu du paragraphe 14(3) du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code), a étudié la demande mentionnée ci-dessus.

L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance des pièces au dossier, le Conseil est convaincu que les documents dont il dispose lui suffisent pour trancher la demande sans tenir d’audience.

I – Nature de la demande

[1] Le 11 août 2008, le Conseil a reçu du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) une demande visant à obtenir une déclaration d’employeur unique aux termes de l’article 35 et une déclaration de vente d’entreprise aux termes de l’article 44 du Code. Le STTP a nommé Secure Distribution Service ltée (SDS) comme étant l’une des parties intimées. Le Conseil a déjà accrédité le STTP pour représenter une unité de négociation d’employés de SDS. Le STTP a aussi désigné trois autres parties : Go Logistics inc. ainsi que deux sociétés à numéro, 2109372 Ontario inc. et 2109373 Ontario inc.

[2] En plus des demandes de déclarations d’employeur unique et de vente d’entreprise, le STTP a aussi demandé, à titre de redressement, que le Conseil impose une convention collective à SDS, en se fondant sur une offre présentée par le STTP à la séance de conciliation tenue en décembre 2007.

[3] Le 12 août 2008, le Conseil a écrit à SDS et aux autres parties désignées afin de les informer de la demande du STTP. Il leur a demandé d’afficher un avis à l’intention de leurs employés et de lui retourner une attestation d’affichage. Le Conseil a accordé aux parties désignées un délai de 15 jours pour répondre à la demande du STTP et a nommé un agent des relations du travail.

[4] Le Conseil a écrit à nouveau aux parties désignées le 4 septembre 2008, leur confirmant qu’aucune d’elles n’avait présenté de réponse à sa lettre du 12 août 2008. La lettre précisait que l’affaire serait renvoyée au Conseil aux fins de décision.

II – Faits

[5] Les faits sont fondés exclusivement sur le contenu de la demande non contestée du STTP.

[6] Le 13 décembre 2005, le Conseil a accrédité le STTP pour représenter une unité d’employés qui travaillaient chez SDS. L’unité de négociation est décrite comme suit :

tous les employés de SDS Inc., exploitée sous la raison sociale Secure Distribution Service Ltd., affectés au traitement, au relevage et à la livraison des lettres et des colis et d’autres produits et services à partir des installations postales à Oakville (Ontario), à l’exclusion des personnes exclues par le paragraphe 3(1) du Code canadien du travail.

[7] Lors de la séance de conciliation du 18 décembre 2007, M. Mahmood Hemani, le président de SDS, a informé le STTP que SDS était « en faillite » et que les employés visés par l’ordonnance d’accréditation travaillaient maintenant pour Go Logistics.

[8] Les membres de l’unité de négociation n’ont remarqué aucun changement dans leurs conditions de travail et leur rémunération. Ils n’ont reçu aucun avis de changement concernant leur employeur.

[9] D’après les documents déposés à l’appui de la demande du STTP, il semble que M. Hemani aurait fourni au préalable au STTP un ensemble de « documents relatifs à la faillite » (traduction).

[10] Ces documents laissent croire que SDS et d’autres sociétés auraient été mises sous séquestre aux termes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R., 1985, ch. B-3. Cette mise sous séquestre semble avoir pris fin à la suite de la conclusion d’une transaction décrite comme étant l’« Entente Marfatia » (traduction).

[11] Rien dans les documents annexés à la demande n’indique que SDS a fait faillite ou a autrement cessé d’être une entreprise active.

[12] M. Anthony James White, le représentant de SDS, à qui le Service fédéral de médiation et de conciliation a écrit le 28 décembre 2007 concernant la nomination d’un médiateur, est inscrit comme étant un directeur de Go Logistics.

[13] Un employé de l’unité de négociation de SDS a reçu un talon de chèque de SDS, mais son chèque venait de Go Logistics. Cette dernière et SDS ont la même adresse à Mississauga et partagent le même numéro de téléphone.

[14] Le STTP a tenté à plusieurs reprises d’obtenir de plus amples renseignements de SDS concernant sa relation avec Go Logistics. Le 14 mars 2008, le STTP a envoyé une lettre à M. Hemani pour lui demander des précisions sur cette relation. Le 26 mars 2008, le bureau régional du STTP a téléphoné à M. Hemani concernant la lettre du 14 mars 2008. M. Hemani a indiqué qu’il posterait une réponse le lendemain. Le STTP n’a jamais reçu cette réponse.

[15] Le STTP a fait un dernier suivi dans une lettre datée du 8 juillet 2008, mais n’a jamais reçu de réponse de M. Hemani.

[16] Il n’existe aucune preuve concernant les deux sociétés à numéro susmentionnées, autre que le fait qu’elles ont été mises sous séquestre et auraient peut-être acheté certains actifs non précisés. Rien ne montre non plus que les sociétés à numéro ont acheté une entreprise assujettie à une accréditation du Conseil.

III – Questions en litige

[17] La présente affaire soulève les quatre questions suivantes :

(i) Quelles sont les conséquences pour une partie qui ne dépose pas d’observations auprès du Conseil

(ii) Y a-t-il eu vente d’entreprise entre SDS et Go Logistics?

(iii) SDS et Go Logistics sont-elles un employeur unique aux termes du Code?

(iv) Le Conseil peut-il imposer une convention collective dans les circonstances de la présente affaire?

IV – Analyse et décision

(i) Quelles sont les conséquences pour une partie qui ne dépose pas d’observations auprès du Conseil

[18] Le Conseil a informé SDS et les autres parties désignées de la demande du STTP et leur a accordé un délai de 15 jours pour y répondre. Il a envoyé un rappel le 4 septembre 2008 dans lequel il a indiqué que l’affaire lui serait renvoyée.

[19] Malgré la lettre de rappel du Conseil datée du 4 septembre 2008, ni SDS ni les autres parties désignées n’ont jamais présenté d’observations.

[20] Le défaut d’une partie de déposer des observations en réponse à une demande n’empêche pas le Conseil de traiter l’affaire. L’alinéa 47(1)b) du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles prévoit ce qui suit :

47.(1) Si une partie ne se conforme pas à une règle de procédure prévue au présent règlement après que le Conseil lui a laissé l’opportunité de s’y conformer, celui-ci peut :

...

b) décider de la demande sans autre avis, si la partie en défaut est l’intimé.

[21] Dans la présente affaire, SDS et les trois parties désignées ont eu amplement d’occasions de déposer des observations portant sur les faits en l’espèce ainsi que leurs arguments juridiques.

[22] Le Conseil n’est pas obligé de tenir une audience dans chaque affaire. La collectivité des relations du travail sait depuis des années que le Conseil peut trancher une affaire sur la seule foi des observations écrites dont il est saisi (voir NAV Canada v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2228 (2001), 267 N.R. 125 (C.A.F., dossier no A-320-00)).

[23] En l’espèce, étant donné que SDS et les autres parties désignées n’ont pas déposé d’observations, le Conseil a tranché l’affaire en se fondant uniquement sur les observations du STTP.

(ii) Y a-t-il eu vente d’entreprise entre SDS et Go Logistics?

[24] Les articles 44 et 45 du Code prévoient ce qui suit :

44.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 45 à 47.1

« entreprise »

business

« entreprise » Entreprise fédérale, y compris toute partie de celle-ci.

« entreprise provinciale »

provincial business

« entreprise provinciale » Installations, ouvrages, entreprises – ou parties d’installations, d’ouvrages ou d’entreprises – dont les relations de travail sont régies par les lois d’une province.

« vente »

sell

« vente » S’entend notamment, relativement à une entreprise, du transfert et de toute autre forme de disposition de celle-ci, la location étant, pour l’application de la présente définition, assimilée à une vente.

Vente de l’entreprise

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent dans les cas où l’employeur vend son entreprise :

a) l’agent négociateur des employés travaillant dans l’entreprise reste le même;

b) le syndicat qui, avant la date de la vente, avait présenté une demande d’accréditation pour des employés travaillant dans l’entreprise peut, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être accrédité par le Conseil à titre d’agent négociateur de ceux-ci;

c) toute convention collective applicable, à la date de la vente, aux employés travaillant dans l’entreprise lie l’acquéreur;

d) l’acquéreur devient partie à toute procédure engagée dans le cadre de la présente partie et en cours à la date de la vente, et touchant les employés travaillant dans l’entreprise ou leur agent négociateur.

Changements opérationnels ou vente d’une entreprise provinciale

(3) Si, en raison de changements opérationnels, une entreprise provinciale devient régie par la présente partie ou si elle est vendue à un employeur qui est régi par la présente partie :

a) le syndicat qui, en vertu des lois de la province, est l’agent négociateur des employés de l’entreprise provinciale en cause demeure l’agent négociateur pour l’application de la présente partie;

b) une convention collective applicable à des employés de l’entreprise provinciale à la date des changements opérationnels ou de la vente continue d’avoir effet ou lie l’acquéreur;

c) les procédures engagées dans le cadre des lois de la province en cause et qui, à la date des changements opérationnels ou de la vente, étaient en instance devant une commission provinciale des relations de travail ou tout autre organisme ou personne compétents deviennent des procédures engagées sous le régime de la présente partie, avec les adaptations nécessaires, l’acquéreur devenant partie aux procédures s’il y a lieu;

d) les griefs qui étaient en instance devant un arbitre ou un conseil d’arbitrage à la date des changements opérationnels ou de la vente sont tranchés sous le régime de la présente partie, avec les adaptations nécessaires, l’acquéreur devenant partie aux procédures s’il y a lieu.

45. Dans les cas de vente ou de changements opérationnels visés à l’article 44, le Conseil peut, sur demande de l’employeur ou de tout syndicat touché décider si les employés en cause constituent une ou plusieurs unités habiles à négocier collectivement.

[25] Le Conseil comprend qu’il est difficile pour un requérant de présenter suffisamment d’éléments de preuve concernant la vente d’une entreprise lorsque l’employeur refuse de répondre à ses demandes de renseignements. Cette tâche devient encore plus difficile lorsque le même employeur ne répond pas à une demande d’observations provenant du Conseil.

[26] Or, le Conseil ne dispose pas de suffisamment de renseignements pour déterminer s’il y a eu vente d’entreprise entre SDS et l’une des autres parties désignées. Ainsi, cette partie de la demande sera rejetée.

[27] Cependant, étant donné qu’une vente d’entreprise a lieu de plein droit et qu’elle n’exige pas une décision officielle du Conseil, le STTP peut revenir devant le Conseil à une date ultérieure si d’autres faits sont mis au jour.

(iii) SDS et Go Logistics sont-elles un employeur unique aux termes du Code?

[28] L’article 35 du Code prévoit ce qui suit :

35.(1) Sur demande d’un syndicat ou d’un employeur concernés, le Conseil peut, par ordonnance, déclarer que, pour l’application de la présente partie, les entreprises fédérales associées ou connexes qui, selon lui, sont exploitées par plusieurs employeurs en assurant en commun le contrôle ou la direction constituent une entreprise unique et que ces employeurs constituent eux-mêmes un employeur unique. Il est tenu, avant de rendre l’ordonnance, de donner aux employeurs et aux syndicats concernés la possibilité de présenter des arguments.

[29] Le STTP a démontré que SDS et Go Logistics constituent un employeur unique. Le commentaire de M. Hemani laisse croire que Go Logistics a aussi une relation employeur-employé avec des membres de l’unité de négociation. Les renseignements concernant la rémunération d’un employé de SDS ont également permis de confirmer ce fait.

[30] Aucune preuve n’indique que SDS n’est plus une entreprise active. Les employés continuent de faire leur travail depuis l’accréditation sans avoir reçu aucun avis de changement de la part de SDS. L’adresse des entreprises Go Logistics et SDS est la même. Un représentant de SDS est aussi directeur de Go Logistics.

[31] Bien que limités en raison des difficultés qu’a éprouvées STTP à obtenir des renseignements sur l’organisation de SDS, ces faits sont néanmoins suffisants pour justifier une déclaration d’employeur unique.

[32] Le Conseil a le pouvoir discrétionnaire de formuler une déclaration d’employeur unique. En l’espèce, les difficultés constantes pour conclure une convention collective, le refus de M. Hemani de répondre à des demandes de renseignements légitimes et la durée des négociations compromettent l’unité de négociation.

[33] Le STTP a donc droit à une déclaration d’employeur unique.

(iv) Le Conseil peut-il imposer une convention collective dans les circonstances de la présente affaire?

[34] Le STTP a demandé au Conseil d’imposer la convention collective qu’il a offerte à SDS à la séance de conciliation tenue en décembre 2007.

[35] Le Conseil a initialement accrédité le STTP à l’égard d’une unité de SDS en décembre 2005. Malgré la conciliation, aucune convention collective n’a été conclue entre les parties.

[36] Le Conseil n’a pas le pouvoir d’imposer une première convention collective de la manière que le demande le STTP. Le paragraphe 80(1) du Code prévoit ce qui suit :

80.(1) Si l’avis de négociation collective visé à l’article 48 se rapporte à la première convention collective à conclure entre les parties quant à l’unité de négociation pour laquelle l’agent négociateur a été accrédité et que les conditions énoncées aux alinéas 89(1)a) à d) ont été remplies, le ministre peut, s’il le juge utile, ordonner au Conseil de faire enquête sur le différend et, si celui-ci l’estime indiqué, de fixer les modalités de la première convention collective entre les parties.

(c’est nous qui soulignons)

[37] Vu l’absence d’un renvoi par le ministre du Travail, le Conseil n’a pas le pouvoir d’imposer une première convention collective dans les circonstances de la présente affaire.

[38] Même dans les cas où le Conseil pourrait avoir le pouvoir d’imposer un processus qui mènerait à une convention collective, il doit exercer ce pouvoir avec circonspection (voir TELUS Communications Inc., 2005 CCRI 317; et Hudson Bay Port Company, 2004 CCRI 296). Par exemple, l’alinéa 99(1)b.1) du Code confère au Conseil le pouvoir d’ordonner une méthode exécutoire de règlement des points en litige relatifs à une convention collective, mais le Conseil ne peut exercer ce pouvoir qu’après avoir déterminé qu’une partie n’a pas négocié de bonne foi (alinéa 50a) du Code).

[39] Par conséquent, le Conseil ne peut transformer l’offre de décembre 2007 du STTP en convention collective exécutoire.

[40] Le Conseil a accueilli la demande de déclaration d’employeur unique du STTP et rendra l’ordonnance qu’il jugera indiquée.

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