Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Ted Kies,

requérant,

et

Lakehead Freightways Employee Association (Nord-Ouest de l’Ontario et Manitoba),

intimée,

et

Lakehead Freightways inc.,

employeur.

CITÉ : Ted Kies

Dossier du Conseil : 26826-C

Référence neutre : 2008 CCRI 413
Le 7 juillet 2008


Il s’agit d’une plainte déposée en vertu de l’article 18 du Code canadien du travail, Partie I (le Code).

Demande de réexamen – Pratique et procédure – Le banc initial a rejeté la plainte de manquement au devoir de représentation juste déposée par le plaignant – Les décisions du Conseil sont censées être définitives – La longue clause privative énoncée à l’article 22 du Code le prévoit en des termes explicites – Les articles 44 et 45 du Règlement énoncent la politique du Conseil à l’égard de l’exercice de son pouvoir de réexamen – Aux termes de l’article 45 du Règlement, l’auteur de la demande de réexamen doit énoncer expressément les motifs qui sous-tendent sa demande – Une critique générale de la décision faisant l’objet d’un réexamen ne suffit pas à satisfaire à cette exigence – Il n’appartient pas au Conseil de déterminer si les demandes qui ne satisfont pas aux exigences énoncées dans le Règlement pourraient, si elles étaient convenablement plaidées, soulever un ou plusieurs moyens valables de réexamen – L’article 44 du Règlement n’est pas rédigé en des termes exhaustifs et il offre au Conseil la latitude nécessaire pour entendre les rares cas qui ne relèvent pas des motifs énumérés justifiant le réexamen – Ces moyens énumérés démontrent que la procédure de réexamen n’est ni un appel ni une occasion pour une partie de plaider à nouveau l’affaire devant un nouveau banc – En principe, le Conseil s’abstient de se saisir de demandes multiples de réexamen – Le plaignant n’a pas convaincu le banc de révision qu’il y a des raisons de réexaminer la décision du banc initial en l’espèce – Le Conseil rejette la demande de réexamen.

Demande de réexamen – Faits nouveaux – Pratique et procédure – Les faits décrits à l’alinéa 44a) ne sont pas les faits qu’une partie a oublié de plaider dans sa plainte ou sa demande initiale – La partie qui invoque des faits ou des éléments de preuve nouveaux doit établir qu’elle n’était pas en mesure de les communiquer à la date de l’audience initiale – Si l’auteur d’une demande allègue l’existence de faits nouveaux au sens de l’alinéa 44a) du Règlement, il doit à tout le moins préciser dans sa demande : i) ces faits nouveaux; ii) la raison pour laquelle il n’a pu les présenter au banc initial; iii) la raison pour laquelle ces faits auraient modifié la décision du banc initial – Le plaignant a écrit au Conseil pour lui faire part de son insatisfaction quant à la décision initiale – Le plaignant s’est plaint de l’enquête menée par le syndicat sur sa plainte et a allégué qu’un représentant du syndicat avait « discrédité » son grief – Dans sa plainte initiale, le plaignant renvoie au même fait – Il ne s’agit pas d’un fait nouveau au sens de l’alinéa 44a) du Règlement, mais plutôt d’une demande au banc de révision d’examiner à nouveau l’affaire en se fondant sur les mêmes faits – Là n’est pas le rôle du banc de révision – Le plaignant a de nouveau écrit au Conseil – Certaines des observations récentes du plaignant au sujet de son lieu de travail, abstraction faite du fait qu’elles n’ont rien à voir avec une plainte contre son agent négociateur, paraissent également ne pas avoir été portées à l’attention du banc initial – Ce ne sont pas des « faits nouveaux » qui pourraient donner lieu à un réexamen aux termes du Code – Le Conseil rejette la demande de réexamen.

Demande de réexamen – Erreur de droit ou de principe – Pratique et procédure – Le banc de révision peut intervenir si une erreur de droit ou de principe a été commise dans la décision initiale et que cette erreur remet véritablement en question l’interprétation du Code – Aux termes de l’article 45 du Règlement, l’auteur de la demande doit énoncer, avec des arguments à l’appui, non seulement l’erreur de droit ou de principe exacte dont il allègue l’existence, mais également la raison pour laquelle cette erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial – Selon ce critère à deux volets, une erreur de droit ou de principe n’entraînera pas nécessairement l’annulation de la décision du banc initial à l’issue d’une demande de réexamen – L’allégation d’une erreur de droit vise uniquement les arguments juridiques qui ont été présentés au banc initial – Si l’auteur d’une demande allègue l’existence d’une erreur de droit ou de principe, il doit, dans sa demande, préciser à tout le moins : i) le droit ou le principe en cause; ii) l’erreur exacte que le banc initial a commise dans l’application de ce droit ou principe; iii) la manière dont la présumée erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial – Rien dans les deux lettres du plaignant demandant un réexamen ne soulève, explicitement ou implicitement, l’existence d’une erreur de droit ou de principe, au sens où l’on entend ces termes à l’article 44 du Règlement – Le Conseil rejette la demande de réexamen.

Demande de réexamen – Justice naturelle – Pratique et procédure – Le banc de révision peut déterminer si le banc initial a manqué à un principe de justice naturelle – La justice naturelle est un concept qui varie selon le tribunal en question – L’auteur d’une demande qui allègue que le banc initial n’a pas respecté un principe de justice naturelle doit préciser à tout le moins : i) le principe exact de justice naturelle ou d’équité procédurale; ii) une description de la manière dont le banc initial n’a pas respecté ce principe – Un simple désaccord avec la décision d’un banc initial et une déclaration générale que la décision a donné lieu à la violation d’un principe non défini de « justice naturelle » ne justifient pas le réexamen – Le plaignant a demandé au banc de révision de tenir une audience pour qu’il puisse établir le bien-fondé de sa cause – Le plaignant avait demandé au banc initial de tenir une audience, mais celui-ci a choisi d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré à l’article 16.1 du Code de ne pas tenir d’audience – Le banc initial n’était pas obligé de tenir une audience, et l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à cet égard n’a pas donné lieu à la violation d’un principe de justice naturelle – Rien dans les deux lettres du plaignant demandant un réexamen ne soulève, explicitement ou implicitement, une question de justice naturelle, au sens où l’on entend ce terme à l’article 44 du Règlement – Le Conseil rejette la demande de réexamen.


Le Conseil était composé de Me Elizabeth E. MacPherson, Présidente, ainsi que de Me Graham J. Clarke et de Me Judith MacPherson, Vice-présidents.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) habilite le Conseil à trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance des documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la demande sans tenir d’audience.

Représentants des parties au dossier
M. Ted Kies, pour son propre compte;
Mme Janice Drew, pour Lakehead Freightways Employee Association (Nord-Ouest de l’Ontario et Manitoba);
M. John Van Every, pour Lakehead Freightways inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke.

I – Nature de la demande

[1] Le 4 avril 2008, M. Ted Kies a présenté, en vertu de l’article 18 du Code, une demande de réexamen de la décision rendue par le Conseil dans Ted Kies, 2008 CCRI LD 1785.

[2] Dans cette décision, le banc initial a rejeté la plainte de manquement au devoir de représentation juste déposée par M. Kies contre son agent négociateur, la Lakehead Freightways Employee Association (Nord-Ouest de l’Ontario et Manitoba) (l’Association), en vertu de l’article 37 du Code.

II – Le pouvoir de réexamen du Conseil

[3] L’article 18 du Code confère au Conseil le pouvoir de réexaminer ses propres décisions :

18. Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[4] Le Code prévoit également que les décisions du Conseil sont censées être définitives. La longue clause privative énoncée à l’article 22 du Code le prévoit en des termes explicites :

22.(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances ou les décisions du Conseil sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire que pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de la Loi sur les Cours fédérales et dans le cadre de cette loi.

...

Interdiction de recours extraordinaire

(2) Sauf exception prévue au paragraphe (1), l’action – décision, ordonnance ou procédure – du Conseil, dans la mesure où elle est censée s’exercer dans le cadre de la présente partie, ne peut, pour quelque motif, y compris celui de l’excès de pouvoir ou de l’incompétence à une étape quelconque de la procédure :

a) être contestée, révisée, empêchée ou limitée;

b) faire l’objet d’un recours judiciaire, notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto.

(c’est nous qui soulignons)

[5] L’article 22 énonce un important objectif en matière de relations du travail; il assure le caractère définitif des décisions rendues par le Conseil. De même, le réexamen effectué sous le régime de l’article 18 constitue l’exception plutôt que la règle, ainsi qu’il est indiqué dans 591992BC Ltd., 2001 CCRI 140 :

[20] Le Conseil accorde une grande importance au caractère définitif de ses décisions. Ainsi le renversement d’une décision du banc initial demeure l’exception plutôt que la règle. Il incombe au demandeur, qui a le fardeau de la preuve, de démontrer qu’il existe de sérieuses raisons, voire des circonstances exceptionnelles, qui justifieraient le réexamen d’une décision...

[6] Les articles 44 et 45 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) énoncent la politique du Conseil à l’égard de l’exercice de son pouvoir de réexamen :

44. Les circonstances dans lesquelles une demande de réexamen peut être présentée au Conseil sur le fondement du pouvoir de réexamen que lui confère l’article 18 du Code comprennent les suivantes :

a) la survenance de faits nouveaux qui, s’ils avaient été portés à la connaissance du Conseil avant que celui-ci ne rende la décision ou l’ordonnance faisant l’objet d’un réexamen, l’auraient vraisemblablement amené à une conclusion différente;

b) la présence d’erreurs de droit ou de principe qui remettent véritablement en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil;

c) le non-respect par le Conseil d’un principe de justice naturelle;

d) toute décision rendue par un greffier aux termes de l’article 3.

...

45.(1) En plus des renseignements exigés pour toute demande présentée aux termes de l’article 10, la demande de réexamen énonce les moyens qui la sous-tendent, lesquels peuvent mettre en jeu une ou plusieurs des circonstances visées à l’article 44.

(2) La demande est déposée dans les vingt et un jours suivant la date où les motifs de la décision ou de l’ordonnance réexaminée sont rendus.

(3) La demande et les documents à l’appui doivent être signifiés aux personnes qui étaient des parties à l’instance ayant donné lieu à la décision ou à l’ordonnance réexaminée.

[7] Le paragraphe 45(2) du Règlement codifie la politique antérieure du Conseil selon laquelle les demandes de réexamen doivent être présentées dans les 21 jours suivant la date où les motifs de la décision ou l’ordonnance ont été rendus. Cela témoigne encore une fois de la nécessité d’assurer le caractère définitif des décisions du Conseil (voir Wholesale Delivery Service (1972) Ltd. (1978), 32 di 239; et [1979] 1 Can LRBR 90 (CCRT no 154)).

[8] L’article 46 du Règlement confère au Conseil le pouvoir de proroger les délais qui y sont prescrits, y compris le délai de 21 jours qui s’applique à l’égard de la présentation d’une demande de réexamen :

46. Le Conseil peut, dans une instance, modifier toute règle de procédure prévue au présent règlement ou dispenser une personne de l’observation de celle-ci – notamment à l’égard d’un délai qui y est prévu et des exigences relatives à la procédure expéditive – si la modification ou la dispense est nécessaire à la bonne administration du Code.

[9] Compte tenu de la nature exceptionnelle du réexamen et de la nécessité d’assurer le caractère définitif et obligatoire des décisions, le Conseil exercera son pouvoir de proroger les délais avec prudence (voir Alex Robertson et J.M. Clegg, 2004 CCRI 260).

[10] Aux termes de l’article 45 du Règlement, l’auteur de la demande de réexamen doit énoncer expressément les motifs qui sous-tendent sa demande. Une critique générale de la décision faisant l’objet d’un réexamen ne suffit pas à satisfaire à cette exigence. Il n’appartient pas au Conseil de déterminer si les demandes qui ne satisfont pas aux exigences énoncées dans le Règlement pourraient, si elles étaient convenablement plaidées, soulever un ou plusieurs moyens valables de réexamen.

[11] L’auteur de la demande ne peut se contenter non plus de faire valoir au titre de ses conclusions que la décision faisant l’objet d’un réexamen est viciée par une « erreur de droit » ou a donné lieu à un déni de « justice naturelle », sans fournir les détails nécessaires à l’appui de cette conclusion.

A – Alinéa 44a) du Règlement : Faits non portés à la connaissance du banc initial

[12] Le Conseil a toujours statué que les faits décrits à l’alinéa 44a) ne sont pas les faits qu’une partie a oublié de plaider dans sa plainte ou sa demande initiale. Ce sont plutôt les faits dont la partie n’avait pas connaissance à la date de l’audience et des délibérations du banc initial.

[13] Dans Société canadienne des postes (1988), 75 di 80 (CCRT no 710), le Conseil a confirmé la nécessité pour une partie de plaider tous les aspects du dossier devant le banc initial :

Ce dernier encourage les parties à présenter toute la preuve au moment où la requête initiale est entendue, et ce, en appliquant des règles strictes quant aux requêtes en réexamen. Les parties demandant le réexamen de décisions du Conseil doivent fournir les motifs pour lesquels les nouveaux faits sur lesquels elles veulent se fonder n’ont pas été mis à la disposition du Conseil au cours de la procédure initiale. Le Conseil rejette habituellement, sans tenir d’audience publique, les affaires dans lesquelles, à son avis, les parties cherchent simplement à obtenir une décision différente fondée sur les mêmes faits...

(page 87)

[14] Dans Robert Adams, 2001 CCRI 121, le Conseil a réitéré que la partie qui invoque des faits ou des éléments de preuve nouveaux doit établir qu’elle n’était pas en mesure de les communiquer à la date de l’audience initiale :

[55] ...la partie qui invoque des faits ou des éléments de preuve nouveaux à l’appui d’une demande de réexamen doit établir qu’elle n’était pas en mesure de les communiquer au moment de la première audience et qu’ils auraient vraisemblablement amené le Conseil à rendre une autre décision... Une partie ne peut invoquer ce motif de réexamen pour remédier à ses propres négligences...

[15] Si l’auteur d’une demande allègue l’existence de faits nouveaux au sens de l’alinéa 44a) du Règlement, il doit à tout le moins préciser dans sa demande :

i) la nature de ces faits nouveaux;

ii) la raison pour laquelle il n’a pu les présenter au banc initial;

iii) la raison pour laquelle ces faits auraient modifié la décision du banc initial.

B – Alinéa 44b) du Règlement : Erreur de droit ou de principe

[16] Le banc de révision peut intervenir si une erreur de droit ou de principe a été commise dans la décision initiale et que cette erreur remet véritablement en question l’interprétation du Code.

[17] Aux termes de l’article 45 du Règlement, l’auteur de la demande doit énoncer, avec des arguments à l’appui, non seulement l’erreur de droit ou de principe exacte dont il allègue l’existence, mais également la raison pour laquelle cette erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial. Selon ce critère à deux volets, une erreur de droit ou de principe n’entraînera pas nécessairement l’annulation de la décision du banc initial à l’issue d’une demande de réexamen.

[18] L’allégation d’une erreur de droit vise uniquement les arguments juridiques qui ont été présentés au banc initial. Une partie ne peut habituellement invoquer des faits qu’elle n’a pas plaidés initialement, pas plus qu’elle ne peut, dans le cadre d’un réexamen, soulever de nouveaux arguments juridiques qu’elle aurait pu présenter au banc initial (voir Bell Canada (1979), 30 di 112; et [1979] 2 Can LRBR 435 (CCRT no 192)). Le Conseil peut faire preuve de plus de souplesse sur cette question lorsqu’il doit se pencher sur des questions relatives à sa compétence constitutionnelle à l’égard des parties.

[19] La décision Global Television Network Inc., 2006 CCRI 351 illustre les cas dans lesquels un banc de révision interviendra s’il conclut qu’il y a erreur de droit. Dans cette affaire, le banc de révision est intervenu au motif qu’une erreur de droit avait été commise par le banc initial, qui n’avait pas offert aux parties une occasion réelle, ainsi que le prescrit le paragraphe 18.1(2) du Code, de conclure une entente sur l’unité de négociation habile à négocier collectivement.

[20] Dans PCL Constructors Northern Inc., 2005 CCRI 306, le banc de révision a conclu que les commentaires du banc initial sur l’abandon des droits de négociation prévus au Code avaient donné lieu à une erreur de principe.

[21] Bref, si l’auteur d’une demande allègue l’existence d’une erreur de droit ou de principe, il doit, dans sa demande, préciser à tout le moins :

i) le droit ou le principe en cause;

ii) l’erreur exacte que le banc initial a commise dans l’application de ce droit ou principe;

iii) la manière dont la présumée erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial.

C – Alinéa 44c) du Règlement : Justice naturelle

[22] Le banc de révision peut également déterminer si le banc initial a manqué à un principe de justice naturelle.

[23] Dans Johanne Lacelle, 2002 CCRI 166, le banc de révision a examiné l’expression « justice naturelle » :

[6] Le principe de justice naturelle applicable en common law s’articule autour de deux notions, la première étant que nul ne peut être à la fois juge et parti (nemo judex in causa), ce qui veut dire qu’une partie a le droit d’être jugée par un décideur impartial sans parti pris, et la deuxième étant qu’un tribunal ne peut statuer sur une question affectant une personne sans l’informer de l’instance et sans lui donner la possibilité de se faire entendre (audi alteram partem)...

[24] La justice naturelle est un concept qui varie selon le tribunal en question. Ainsi, l’article 16.1 du Code n’oblige pas le Conseil à tenir une audience dans tous les cas. Lorsqu’il choisit de ne tenir aucune audience, le Conseil assure le respect du droit d’être entendu (audi alteram partem) en effectuant un examen approfondi des observations écrites des parties, de leurs réponses et de leurs répliques.

[25] À titre d’exemple, l’omission de donner avis d’une audience à certaines parties non visées peut constituer un déni de justice naturelle (voir Raeburn et al. v. Canada Labour Relations Board et al. (1995), 184 N.R. 253 (C.A.F.)). De même, il pourrait y avoir partialité s’il existait un lien d’appartenance entre un membre du banc et une des parties au dossier (voir IPX Couriers, une division de Dynamex Canada Inc., 2001 CCRI 130).

[26] L’auteur d’une demande qui allègue que le banc initial n’a pas respecté un principe de justice naturelle doit préciser à tout le moins :

i) le principe exact de justice naturelle ou d’équité procédurale;

ii) une description de la manière dont le banc initial n’a pas respecté ce principe.

[27] Un simple désaccord avec la décision d’un banc initial et une déclaration générale que la décision a donné lieu à la violation d’un principe non défini de « justice naturelle » ne justifient pas le réexamen.

D – Alinéa 44d) du Règlement : Décisions rendues par le greffier

[28] L’article 3 du Règlement tel qu’il est libellé à l’heure actuelle accorde au greffier un pouvoir décisionnel dans certains dossiers non contestés. Un banc de révision peut se pencher sur l’exercice de ce pouvoir. Aucun dossier de cette nature ne s’est encore présenté à ce jour.

[29] L’article 44 du Règlement n’est pas rédigé en des termes exhaustifs et il offre au Conseil la latitude nécessaire pour entendre les rares cas qui ne relèvent pas des motifs énumérés justifiant le réexamen décrits précédemment (voir Hurdman Bros. Ltd. (1982), 51 di 104; et 83 CLLC 16,003 (CCRT no 394)). Ces moyens énumérés démontrent que la procédure de réexamen n’est ni un appel ni une occasion pour une partie de plaider à nouveau l’affaire devant un nouveau banc.

[30] En principe, le Conseil s’abstient de se saisir de demandes multiples de réexamen (voir Alex Robertson, 2006 CCRI 343).

III – Analyse et décision

[31] La décision faisant l’objet d’un réexamen a décrit la plainte initiale de M. Kies contre l’Association. Brièvement, son employeur, Lakehead Freightways inc. (Lakehead), a imposé à M. Kies une suspension de trois jours pour un présumé manque d’effort de sa part pour réaliser des objectifs de rendement.

[32] Des représentants de l’Association ont rencontré Lakehead et pris connaissance de sa proposition en vue de régler le grief de M. Kies. Les deux représentants de l’Association en sont arrivés à la conclusion que l’offre de Lakehead était une solution raisonnable et, malgré le désaccord de M. Kies, ont accepté la proposition de l’employeur.

[33] Le banc initial a conclu que le règlement n’était peut-être pas ce que M. Kies souhaitait, mais qu’il n’était pas déraisonnable non plus. Le règlement a en bout de ligne permis à M. Kies de toucher un montant d’argent pour la suspension de trois jours qui lui avait été imposée. Le banc initial a conclu que le syndicat n’avait pas agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

[34] M. Kies a écrit au Conseil le 4 avril 2008 pour lui faire part de son insatisfaction quant à la décision initiale. Il s’est plaint notamment de l’enquête menée par l’Association sur sa plainte et a allégué qu’un représentant de l’Association avait « discrédité » son grief.

[35] Le Conseil note qu’à l’Annexe E de sa plainte initiale, dans une lettre manuscrite datée du 22 juin 2005, M. Kies renvoie également au même fait. Il ne s’agit donc pas d’un fait nouveau au sens de l’alinéa 44a) du Règlement, mais plutôt d’une demande au banc de révision d’examiner à nouveau l’affaire en se fondant sur les mêmes faits. Ainsi qu’il est indiqué précédemment, là n’est pas le rôle du banc de révision.

[36] De même, M. Kies a demandé au banc de révision de tenir une audience pour qu’il puisse établir le bien-fondé de sa cause.

[37] M. Kies avait demandé au banc initial de tenir une audience, mais celui-ci a choisi d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré à l’article 16.1 du Code de ne pas tenir d’audience. M. Kies ne fait rien valoir qui donne à penser que le banc initial n’avait pas le droit d’exercer son pouvoir explicite prévu au Code de trancher l’affaire compte tenu des observations écrites des parties. Le banc initial n’était pas obligé de tenir une audience, et l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à cet égard n’a pas donné lieu à la violation d’un principe de justice naturelle.

[38] M. Kies a de nouveau écrit au Conseil le 10 avril 2008. Il a rédigé cette deuxième lettre en des termes plus précis à titre de demande de réexamen en vertu du Code. Il y a repris une partie du contenu de sa lettre du 4 avril 2008 et y a soulevé également d’autres difficultés éprouvées relativement à son employeur au lieu de travail. Les deux observations ont été présentées au Conseil dans le délai de 21 jours prévu pour présenter des demandes de réexamen.

[39] L’auteur d’une demande se doit nécessairement de présenter un dossier très étayé au banc initial. Certaines des observations récentes de M. Kies au sujet de son lieu de travail, abstraction faite du fait qu’elles n’ont rien à voir avec une plainte contre son agent négociateur en vertu de l’article 37 du Code, paraissent également ne pas avoir été portées à l’attention du banc initial. Ce ne sont pas des « faits nouveaux » qui pourraient donner lieu à un réexamen aux termes du Code.

[40] Rien dans les deux lettres de M. Kies demandant un réexamen ne soulève, explicitement ou implicitement, l’existence d’une erreur de droit ou de principe ou une question de justice naturelle, au sens où l’on entend ces termes à l’article 44 du Règlement.

[41] Compte tenu de ce qui précède, M. Kies n’a pas convaincu le banc de révision qu’il y a des raisons de réexaminer la décision du banc initial en l’espèce. En conséquence, le Conseil rejette sa demande.

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