Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Harry Leslie,

plaignant,

et

Société canadienne des postes,

intimée,

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

intervenant.

Dossier du Conseil : 29251-C

Référence neutre : 2013 CCRI 694

Le 15 août 2013

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) se composait de Me Graham J. Clarke, Vice-président, siégeant seul en vertu du paragraphe 156(1) du Code canadien du travail (Partie II – Santé et sécurité au travail) (le Code).

Ont comparu
M. Harry Leslie, en son propre nom;
Mes Chris Meaney et Debra Kyle, pour la Société canadienne des postes;
M. Learie Charles, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.

I. Nature de la plainte

[1] L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) habilite le Conseil à trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

[2] Le 23 janvier 2012, M. Harry Leslie a déposé une plainte fondée sur l’article 133 du Code, dans laquelle il allègue que son employeur, la Société canadienne des postes (la SCP), a pris des mesures de représailles contre lui parce qu’il a exercé son droit de refus de travailler, prévu à l’article 128.

[3] M. Leslie travaillait pour la SCP depuis 1989 et était membre d’une unité de négociation représentée par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le STTP). M. Leslie a déposé sa plainte lui même. Il a par la suite informé le Conseil qu’il avait pris sa retraite.

[4] Le Conseil a accordé la qualité d’intervenant au STTP, en partie en raison de l’objection préliminaire soulevée par la SCP, fondée sur le paragraphe 128(7) du Code, à l’égard du fait que M. Leslie avait décidé que son conflit serait régi par la convention collective conclue entre la SCP et le STTP. Le STTP avait présenté divers griefs au nom de M. Leslie.

[5] Le Conseil avait prévu une vidéoconférence en mai 2013 pour entendre les observations des parties concernant l’objection préliminaire fondée sur le paragraphe 128(7). La SCP a toutefois informé le Conseil par la suite qu’elle avait décidé de retirer son objection.

[6] Le Conseil a conclu que la SCP n’avait pas pris de mesures de représailles contre M. Leslie parce que celui ci avait exercé son droit de refus. Le contexte général, dans lequel plusieurs questions et griefs liés à la convention collective étaient en cause simultanément, a plutôt convaincu le Conseil que la SCP s’était appuyée sur d’autres motifs pour prendre les mesures en cause. La question de la légitimité des motifs de la SCP relève toutefois d’un autre tribunal.

II. Chronologie des principaux événements

[7] Les parties n’ont pas vraiment contesté les événements survenus. Leur divergence d’opinions est plutôt attribuable aux répercussions que ces événements pouvaient entraîner.

A. Août 2011

[8] Le ou vers le 17 août 2011, M. Leslie a informé la SCP qu’un incident s’était produit à un comptoir postal qui se trouve sur son parcours. Selon ses allégations, il aurait été frappé par le propriétaire du comptoir postal.

[9] Le Comité local conjoint de santé et de sécurité (CLCSS) a fait enquête sur cette affaire.

[10] Cet incident survenu en août 2011 n’est pas à l’origine de la plainte déposée par M. Leslie en janvier 2012, mais il permet de mieux comprendre le contexte dans lequel le plaignant a exercé son droit de refus de travailler.

B. Septembre 2011

[11] Le 7 septembre 2011, la SCP a donné à M. Leslie une lettre concernant l’enquête du CLCSS. La SCP avait indiqué en objet « Réponse aux préoccupations liées à l’article 33 » (traduction). L’article 33 est une disposition de la convention collective conclue entre la SCP et le STTP portant sur la santé et la sécurité. Dans cette lettre, la SCP recommandait des moyens de résoudre les questions relatives à la sécurité soulevées par M. Leslie.

[12] Au cours de la même rencontre, M. Leslie a fourni à la SCP un billet de médecin. Tenant compte de ce billet, la SCP a modifié le parcours de M. Leslie de sorte qu’il n’ait pas à s’arrêter au comptoir postal en question pendant une période de 60 jours.

[13] L’un des multiples griefs présentés par M. Leslie a trait à l’enquête du CLCSS sur l’événement survenu en août 2011 à ce comptoir postal.

C. Décembre 2011

[14] Le 2 décembre 2011, à la fin de la période de 60 jours au cours de laquelle il avait desservi un parcours légèrement différent, M. Leslie a informé la SCP par courriel qu’il exerçait son droit de refus de travailler prévu à l’article 128 du Code. M. Leslie affirmait qu’il maintenait son refus de travailler en vertu du paragraphe 128(9) du Code puisque ses préoccupations initiales n’avaient pas fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme :

J’invoque l’article suivant du Code canadien du travail :

Maintien du refus

(9) En l’absence de règlement de la situation au titre du paragraphe (8), l’employé, s’il y est fondé aux termes du présent article, peut maintenir son refus; il présente sans délai à l’employeur et au comité local ou au représentant un rapport circonstancié à cet effet.

Je crois que mes préoccupations en matière de santé et de sécurité en ce qui concerne le comptoir postal du magasin 7 11 situé à l’angle de Harwood et de Rossland, à Ajax, n’ont pas fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme et n’ont pas été réglées par l’employeur.

Par conséquent, je m’appuie sur l’article 128 de la partie 2 du Code canadien du travail pour vous informer que je maintiens mon refus de me présenter à cet endroit.

Ce refus découle de questions que j’ai clairement décrites à toutes les parties depuis le 29 juin de cette année. Je demande aussi que des membres du groupe chargé des parcours à la SCP et au STTP contribuent à tous les éléments d’une entente sur la façon dont le cas de cet établissement sera traité.

Je demande que le président du Comité local de santé et de sécurité et les représentants appropriés abordent cette question immédiatement avec Postes Canada.

(traduction; souligné dans l’original)

[15] Le 6 décembre 2011, M. Leslie a de nouveau écrit à la SCP pour lui fournir des précisions. Dans cette lettre, M. Leslie affirmait que la SCP n’avait pas mené d’enquête en bonne et due forme sur son refus de travailler, et il soulevait trois nouvelles préoccupations en matière de sécurité concernant le comptoir postal, lesquelles s’ajoutaient à son problème de santé déjà connu.

Chers confrères et M. Aggarwal,

La présente concerne le droit de refus de travailler que j’ai exercé le vendredi 2 décembre 2011.

Il n’y a eu aucune enquête à laquelle j’ai participé.

L’enquête qui a déjà eu lieu manquait de rigueur, et aucun membre du CLCSS n’a été consulté.

Mon retour à l’endroit m’ayant forcé à exercer mon droit de refus de travailler dépendait de l’instauration de nouveaux processus. Ces processus, proposés par M. Aggarwal et approuvés par M. Vango, contreviennent à la politique et sont la source de nouvelles préoccupations, notamment en ce qui a trait à une surface en pente ainsi qu’à un espace de stationnement et à un point d’entrée à accès limité.

Mon état de santé n’a pas été pris en compte.

Ces éléments comprennent notamment d’autres aspects liés à mon refus de travailler en vertu de l’article 128 de la partie II du Code.

Je m’attends à ce que soit menée une nouvelle enquête, à laquelle je prendrai part.

Harry Leslie

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[16] M. Kimti Aggarwal, de la SCP, a répondu à M. Leslie dans un courriel daté du 6 décembre 2011 et lui a demandé de le rencontrer le lendemain pour discuter de ces questions :

J’aimerais vous rencontrer demain, le mercredi 7 décembre 2011, à 10 h 30, pour poursuivre la discussion sur vos préoccupations. Veuillez vous libérer pour cette rencontre, qui aura lieu dans mon bureau.

(traduction)

[17] Selon la SCP, la rencontre avec M. Leslie a eu lieu le 7 décembre 2011, mais celui ci est parti avant la fin, alléguant qu’il n’avait pas reçu de préavis raisonnable, conformément aux termes de la convention collective. Avant de partir, M. Leslie a remis à la SCP un nouveau billet de médecin, selon lequel il ne devait pas s’arrêter au comptoir postal en question pendant encore six semaines.

[18] M. Aggarwal a envoyé un courriel à M. Leslie le même jour pour lui demander de revenir à son bureau afin qu’ils puissent poursuivre les processus prévus au Code. Dans son courriel, la SCP affirmait que M. Leslie ne pouvait refuser de travailler à la fois aux termes de l’article 33 de la convention collective et aux termes de la partie II du Code. La SCP mentionnait aussi qu’il devenait plus difficile de faire enquête sur les préoccupations de M. Leslie parce que celui ci avait décidé de quitter la rencontre de décembre 2011 :

Pour faire suite au message texte que je vous ai envoyé il y a un moment pour vous demander de revenir à mon bureau afin que nous puissions terminer l’enquête sur les nouvelles préoccupations que vous aviez soulevées relativement à votre refus de travailler, j’aimerais vous rappeler les discussions que nous avons eues à la rencontre à laquelle j’ai assisté en compagnie de Sotiri Vango (représentant du CLCSS) et de Busuyi Aroso (gestionnaire de la sécurité), avant que vous ne quittiez la pièce.

1. Dans votre courriel daté du 2 décembre 2011, vous avez cité l’article 128 de la partie II du Code canadien du travail pour justifier le maintien de votre refus de travailler même si, au départ, vous invoquiez l’article 33.13. Comme nous en avons discuté à la rencontre de ce matin, l’employé qui exerce son droit de refus de travailler ne peut alterner entre l’article 33.13 et la partie II du Code canadien du travail pour le même refus. Deuxièmement, comme vous avez présenté un grief concernant l’issue du premier refus de travailler, nous devons attendre le résultat de la procédure de règlement des griefs; c’est la raison pour laquelle aucune autre mesure ne sera prise à cet égard jusqu’à ce que j’estime que toutes vos préoccupations ont fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme et qu’elles ont été étudiées et réglées.

2. Dans votre courriel daté du 6 décembre 2011, que vous avez envoyé, comme vous l’avez confirmé à la rencontre, pour présenter de nouvelles plaintes fondées sur le Code canadien du travail, vous avez soulevé trois questions, à savoir la surface en pente, un point d’entrée à accès limité ainsi qu’une autre lettre de votre médecin qui, selon vos dires, appuie votre nouveau refus de travailler. Il m’est impossible, pour le moment, de traiter votre dossier et de suivre le processus de règlement interne des plaintes prévu à la partie II du Code canadien du travail, puisque vous avez quitté une enquête en cours et que vous avez refusé de vous libérer même si je vous ai demandé par message texte de revenir à mon bureau pour que nous puissions discuter de vos préoccupations et les régler. Je vais faire suivre le billet de votre médecin à la Great West pour qu’on me dise ce que je dois en faire.

Veuillez vous libérer pour pouvoir assister à une rencontre dès que possible, et je solliciterai de nouveau la présence des représentants du CLCSS et de la SST, comme l’exige le processus que prévoit le Code, en vue de régler vos plaintes. N’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[19] Le 13 décembre 2011, M. Aggarwal a écrit une lettre à M. Leslie concernant, entre autres, son refus de travailler et les tentatives de la SCP de le rencontrer. M. Aggarwal reprenait l’information contenue dans son courriel du 7 décembre 2011.

[20] Le 16 décembre 2011, la SCP a de nouveau rencontré M. Leslie, qui était accompagné de son représentant du STTP. La discussion qui a eu lieu ce jour-là a été décrite par M. Aggarwal dans une lettre datée du 17 décembre 2011. Selon cette lettre, plusieurs questions étaient en cause simultanément, notamment un avis de 24 heures prévu aux termes de la convention collective ainsi qu’une préoccupation liée à la sécurité découlant de l’article 33 (santé et sécurité) de la convention collective. Le Conseil croit comprendre que, selon la convention collective, les employés ont droit à un avis de 24 heures lorsque l’imposition d’une mesure disciplinaire est envisagée. La SCP fait aussi observer dans sa lettre que M. Leslie ne l’a pas aidée dans ses tentatives d’enquêter sur les préoccupations soulevées en matière de sécurité :

La présente vise à confirmer l’entretien que nous avons eu le vendredi 16 décembre 2011 vers 10 h 52, dans le bureau du gestionnaire. Vous étiez présent, de même que le président du syndicat, M. Sotiri Vango, Mme Joanna Bell, à titre de seconde représentante de la direction, et moi même, le soussigné.

L’objet de cet entretien était de discuter d’une préoccupation liée à la santé et à la sécurité que vous avez portée à l’attention de M. Kimti Aggarwal. Plus précisément, vous avez envoyé un courriel à la direction le 6 décembre 2011, dans lequel vous faisiez état d’un problème de sécurité au comptoir postal situé au 2, chemin Rossland, à Ajax.

Nous discuterons plus précisément des points suivants :

  • le fait que vous ne vous acquittez pas de vos fonctions à cet endroit et que vous refusez de le faire;
  • le fait que vous refusez de décrire avec précision vos préoccupations en matière de sécurité et de participer activement à l’enquête menée relativement à un éventuel problème lié à la sécurité à ce point de service, qui se trouve sur votre parcours.

Le 13 décembre 2011, vous avez été de nouveau informé que vous deviez décrire les circonstances en cause et participer à l’enquête, conformément à l’article 33 de la convention collective et au Code canadien du travail.

Votre représentant syndical et vous même avez pris connaissance de votre dossier personnel avant l’entretien.

J’ai voulu savoir si l’avis de 24 heures constituait un problème. Vous avez demandé à votre représentant syndical de répondre à cette question. M. Sotiri a souligné que cet avis constituait un usage abusif du processus interne, et que son administration était associée à une mesure disciplinaire. Il a aussi précisé que l’avis combinait l’article 33 et le Code canadien du travail. Après avoir examiné l’avis de 24 heures, j’ai accepté d’en retirer certaines parties, et nous avons commencé l’entretien.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[21] Le 29 décembre 2011, M. Aggarwal, de la SCP, a écrit une autre lettre à M. Leslie pour lui faire part des conclusions de l’enquête. Dans cette lettre, M. Aggarwal offrait aussi à M. Leslie trois autres parcours possibles, que celui-ci pouvait desservir en attendant que la SCP reçoive l’avis de son assureur, la Great West, sur les renseignements médicaux que le plaignant lui avait fournis. La SCP a indiqué qu’elle ne pouvait pas continuer d’appliquer les mesures d’adaptation pour M. Leslie sur son parcours actuel et lui offrait le choix de trois autres parcours qui, à son avis, respectaient ses limites :

La présente fait suite à la lettre qui vous a été remise le 17 décembre 2011. Nous avons terminé l’enquête concernant vos préoccupations en matière de sécurité. Voici quelques unes de nos conclusions :

Notre enquête n’a pas permis de tirer de conclusion concernant la première et la deuxième questions liées à la sécurité que vous avez soulevées. Nous n’avons pas encore reçu les recommandations de la Great West quant à votre état de santé. Jusqu’à ce que nous les recevions, j’aimerais vous proposer quelques parcours dans un secteur différent, de sorte que vous puissiez vous acquitter de vos fonctions en toute sécurité. Lorsque nous aurons reçu les recommandations de la Great West, nous évaluerons de nouveau la situation et prendrons une décision en conséquence. Veuillez m’indiquer votre choix parmi les parcours suivants d’ici la fin de la journée le vendredi 29 décembre 2011. Vous commencerez à desservir votre nouveau parcours à compter du lundi 2 janvier 2012. La première journée de travail régulier sur votre nouveau parcours sera le mardi 3 janvier 2012 (heure de début modifiée), en raison du déplacement du jour de rotation le lundi 2 janvier 2012.

Numéros de parcours
MN0401
MN0404
MM0334

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[22] Dans un courriel daté du 30 décembre 2011, M. Leslie a répondu à la SCP que l’offre d’autres parcours enfreignait le Code et constituait une mesure de représailles :

M. Aggarwal,

J’ai reçu votre lettre d’aujourd’hui concernant mon refus de travailler du 6 décembre 2011, lequel était fondé sur l’article 128 du code du travail.

Votre lettre enfreint le code de plusieurs façons.

Dans votre lettre, vous écrivez : « Veuillez m’indiquer votre choix parmi les parcours suivants d’ici la fin de la journée le vendredi 29 décembre 2011. Vous commencerez à desservir votre nouveau parcours à compter du lundi 2 janvier 2012. La première journée de travail régulier sur votre nouveau parcours sera le mardi 3 janvier 2012... » Ce passage enfreint l’article susmentionné du code du travail. Vous avez joint à votre lettre les fiches des parcours N401, N404 et N334.

Par conséquent, je vais conserver mon affectation actuelle (le parcours T355, que j’ai pu obtenir grâce à mon ancienneté) le mardi 3 janvier 2012, contrairement à ce que vous aviez prévu dans la lettre.

Je vous prierais de respecter le code du travail.

(traduction)

D. Janvier 2012

[23] Le 4 janvier 2012, M. Aggarwal a répondu au courriel de M. Leslie en précisant que l’offre de la SCP prévoyant d’autres parcours temporaires se voulait une tentative d’appliquer des mesures d’adaptation :

La présente fait suite à votre courriel daté du 29 décembre 2011. Dans ma lettre du 29 décembre 2011, je vous propose différents parcours en guise de mesures d’adaptation temporaires. Vous serez rémunéré au même titre que si vous exerciez les fonctions de votre parcours régulier. Cette mesure d’adaptation temporaire ne sera en vigueur que jusqu’à ce que votre état de santé vous permette de reprendre les fonctions liées à votre parcours régulier en toute sécurité. Dès que nous recevrons les recommandations de la Great West concernant vos problèmes médicaux, nous évaluerons de nouveau la situation et prendrons une décision en conséquence. Veuillez nous faire part de votre choix parmi les trois parcours proposés, de sorte que nous puissions confier les deux autres parcours à d’autres employés dès que possible.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[24] Dans la réponse qu’il a envoyée par courriel le jour même, M. Leslie a réitéré sa position, selon laquelle la SCP avait pris des mesures de représailles contre lui parce qu’il avait exercé son droit de refus de travailler :

Votre courriel (ci-joint) constitue une autre violation du code du travail.

Dans ce courriel, vous avez écrit : « Veuillez nous faire part de votre choix parmi les trois parcours proposés, de sorte que nous puissions confier les deux autres parcours à d’autres employés dès que possible. »

Il ne s’agit là que d’une rétrogradation et d’une mesure de représailles.

Bien des mesures d’adaptation peuvent être prises relativement à une tâche de 10 minutes. Le fait de me retirer mon parcours de 480 minutes que mon ancienneté m’a permis d’obtenir est inutile et ne fera qu’aggraver mon état de santé.

(traduction; souligné dans l’original)

[25] Le 6 janvier 2012, le STTP a présenté des griefs au nom de M. Leslie pour contester les lettres de la SCP du 13 et du 29 décembre 2011.

[26] Lorsque M. Leslie a refusé de faire un choix parmi les trois autres parcours proposés, M. Greg Dutkiewicz, de la SCP, lui en a attribué un, comme le confirme sa lettre du 11 janvier 2012 :

Pour ce qui est de votre préoccupation concernant la violation du Code canadien du travail, vous comprendrez que nous avons l’obligation de prendre des mesures d’adaptation adéquates pour les employés qui en font la demande. Étant donné que vous avez présenté une demande médicale pour stress psychologique causé par le parcours auquel vous êtes actuellement affecté et que vous n’êtes pas en mesure de vous acquitter de toutes vos fonctions liées à ce parcours, nous essayons de collaborer avec vous afin de prendre des mesures d’adaptation temporaires en tenant compte des restrictions dont vous faites l’objet, pour que vous puissiez vous rétablir complètement. Nous vous avons proposé de choisir parmi trois différents parcours dans le but de vous aider à soulager l’incapacité dont vous souffrez actuellement.

Malheureusement, vous avez refusé les mesures d’adaptation temporaires que nous vous avons proposées. Veuillez prendre note que, par la présente, je vous prie de vous présenter au travail à compter du lundi 16 janvier 2012 pour assurer le parcours MN404. L’horaire de ce parcours est de 9 h 01 à 18 h 13 le lundi et de 10 h 31 à 18 h 13 du mardi au vendredi. J’ai choisi ce parcours pour vous aider à vous adapter à votre nouvel horaire, étant donné que l’horaire de votre parcours actuel est de 10 h 15 à 18 h 45, du lundi au vendredi. Vous trouverez ci-joint la dernière version de la fiche du parcours, à titre de référence. Veuillez prendre note que, si vous ne vous présentez pas au travail à cette date pour assurer le parcours qui vous a été confié, votre absence sera considérée comme une absence non autorisée, ce qui risque d’entraîner l’imposition d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au congédiement de Postes Canada.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[27] Dans un courriel daté du 12 janvier 2012, M. Leslie a de nouveau fait part de son point de vue à la SCP concernant les mesures de représailles. À son avis, il ne lui fallait que 9 minutes pour desservir le comptoir postal en question sur un parcours d’une durée totale de 480 minutes. Dans son courriel, M. Leslie a aussi indiqué qu’un agent de santé et de sécurité (ASS) de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) avait maintenant été affecté au dossier :

Je vous écris parce que je viens de recevoir une lettre de la direction de Postes Canada datée du 11 janvier 2012, dans laquelle on m’informe que le personnel de direction de Postes Canada a décidé unilatéralement de me retirer le parcours de service postal MT0355 pour me confier le parcours MN404. Vous prétendez que je ne suis pas en mesure de m’acquitter de toutes les fonctions liées à mon parcours, et que vous essayez de collaborer avec moi afin de prendre des mesures d’adaptation temporaires en tenant compte des restrictions dont je fais l’objet. Je suis capable d’exécuter les fonctions liées à 471 des 480 minutes de mon parcours, et je serai en mesure d’exécuter les fonctions des 9 autres minutes dès que vous aurez fait enquête sur mon refus de travailler conformément aux lignes directrices de RHDCC et au code du travail, et que vous aurez reçu les recommandations de la Great West, par l’entremise de Morneau-Shepell.

Je fonde la présente réponse sur le courriel ci-dessous, dans lequel il est indiqué clairement : « Il ne s’agit là que d’une rétrogradation et d’une mesure de représailles. Bien des mesures d’adaptation peuvent être prises relativement à une tâche de 10 minutes. Le fait de me retirer mon parcours de 480 minutes que mon ancienneté m’a permis d’obtenir est inutile et ne fera qu’aggraver mon état de santé. »

Par ailleurs, vous avez déjà été informé que les mesures que vous avez proposées enfreignent le code du travail. Le 5 janvier 2012, RHDCC a confié à l’agent Iacobellis la tâche d’enquêter sur cette violation. …

(traduction; c’est nous qui soulignons)

E. Février 2012

[28] L’ASS Domenico Iacobellis, qui a fait enquête sur la plainte de M. Leslie, a remis à la SCP une promesse de conformité volontaire (PCV) à la suite de son intervention du 15 février 2012. Dans cette PCV, il était demandé à la SCP de confirmer par écrit la mesure de redressement qu’elle allait prendre pour s’assurer de respecter à l’avenir les exigences du paragraphe 128(13) du Code :

128. (13) L’employé peut maintenir son refus s’il a des motifs raisonnables de croire que le danger continue d’exister malgré les mesures prises par l’employeur pour protéger les employés ou si ce dernier conteste son rapport. Dès qu’il est informé du maintien du refus, l’employeur en avise l’agent de santé et de sécurité.

F. Mars 2012

[29] Le 20 mars 2012, la SCP a confirmé à RHDCC qu’elle avait examiné ses obligations lorsqu’un employé exerce son droit de refus de travailler, y compris l’obligation d’aviser un ASS lorsque le refus est maintenu. La SCP a confirmé qu’elle avait donné de la formation sur les articles 127 et 128 du Code :

Objet : Promesse de conformité volontaire – Affectation MHWC03124

La présente a pour but de vous informer que, conformément à la PCV susmentionnée, j’ai moi-même examiné les articles 127 et 128 de la partie II du Code canadien du travail et donné de la formation sur le sujet à tous mes chefs et superviseurs le dimanche 18 mars 2012.

Mon équipe et moi-même avons maintenant une bonne compréhension de ces articles, plus particulièrement de l’article 128 en ce qui a trait au « maintien du refus » et à notre obligation de vous aviser sans tarder du maintien du refus aux termes de la partie II du Code canadien du travail.

J’aimerais recevoir par écrit une confirmation de conformité aux exigences de la PCV. N’hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions au sujet de la présente lettre.

Merci,

(traduction; c’est nous qui soulignons)

III. Position des parties

[30] M. Leslie a fait valoir dans sa plainte que le fait que la SCP n’avait pas suivi le processus d’enquête prévu au Code, qui exige d’aviser un ASS lorsqu’un refus de travailler est maintenu, et le fait que la société lui avait retiré son parcours constituaient des mesures de représailles prises contre lui parce qu’il avait exercé son droit de refus :

...

Renseignements détaillés : À deux occasions :

1. Le 13 décembre 2011, Postes Canada m’a écrit pour me dire qu’elle s’attendait à ce que je mette fin à mon refus de travailler du 6 décembre 2011 sans qu’elle se soit acquittée des obligations qui lui incombent aux termes du paragraphe 128, c’est-à-dire m’affecter à d’autres tâches et faire enquête. En outre, la SCP n’a pas tenu compte des premiers billets médicaux du Dr Herman Gelber datés du 31 août et du 7 décembre 2011.

2. Le 16 décembre 2011, Postes Canada m’a convié à un entretien de nature disciplinaire, lequel a donné lieu à la lettre du 17 décembre 2011, qui ne tenait pas compte des renseignements ni des commentaires fournis par le représentant du CLCSS. (Article 147)

À trois reprises, violation des articles 128, 133 et 147 :

1. Le 29 décembre 2011, Postes Canada m’a écrit pour me faire part de son intention de me rétrograder en me retirant mon parcours et pour me demander de choisir un parcours différent pour le 2 janvier 2012. Cette mesure constitue des représailles au sens de l’article 147. Dans cette lettre, il est indiqué que l’employeur attend les recommandations du fournisseur spécialisé en soins infirmiers de la Great West, Morneau Shepell, pour savoir quelles mesures d’adaptation il doit prendre en ce qui a trait à mon incapacité dans cette situation. La SCP n’a pas tenu compte des premiers renseignements médicaux que je lui ai fournis et des raisons pour lesquelles je crois que le fait de prévoir un parcours différent en guise de « mesure d’adaptation » ne répond pas à la nécessité de prendre des mesures d’adaptation.

2. Le 4 janvier 2011, Postes Canada m’a de nouveau écrit pour me faire part de son intention de prendre des mesures de représailles contre moi, parce que j’avais refusé de travailler, en me rétrogradant, ne tenant ainsi pas compte de nouveau des premiers billets médicaux qui déconseillaient une telle mesure.

3. Le 11 janvier 2012, sans attendre la réponse du fournisseur spécialisé en soins de santé, Postes Canada m’a de nouveau écrit pour m’« aviser » que j’étais rétrogradé et qu’on me retirait mon parcours à compter du 16 janvier 2012 : à trois reprises, en 2012, on m’a affecté à un autre parcours, ce qui constituait une mesure de représailles et une rétrogradation qui allait aggraver mon état de santé.

...

(traduction)

[31] La SCP a soutenu qu’il n’y avait pas eu de représailles. Elle a plutôt affirmé que, après l’incident survenu au comptoir postal en août 2011, elle avait proposé à M. Leslie deux mesures d’adaptation temporaires différentes en tenant compte des renseignements médicaux qu’elle avait reçus.

[32] La première mesure d’adaptation temporaire, qui s’étendait sur une période de 60 jours, faisait en sorte qu’un autre chauffeur desserve le comptoir postal où s’était produit l’incident en août 2011. La deuxième mesure d’adaptation temporaire proposée par la SCP à la fin de décembre 2011 permettait à M. Leslie de choisir entre trois autres parcours. Dans sa réponse, la SCP indique que ses besoins organisationnels et le maintien des restrictions médicales dont faisait l’objet M. Leslie l’empêchaient de continuer à offrir la mesure d’adaptation initiale qu’elle avait prise relativement au parcours régulier du plaignant.

[33] La SCP a aussi fait valoir qu’une mesure d’adaptation temporaire ne constitue pas une rétrogradation. M. Leslie continuait de jouir des mêmes conditions d’emploi. Qui plus est, les autres parcours proposés respectaient les restrictions médicales dont il faisait l’objet. Lorsque M. Leslie a refusé de choisir un des parcours proposés, la SCP lui en a attribué un.

[34] La SCP a soutenu qu’elle n’avait imposé aucune mesure disciplinaire en tentant de prendre des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins de M. Leslie. Même si une mesure disciplinaire avait été imposée, ce qui a été nié, la SCP a fait valoir, subsidiairement, que l’offre de trois parcours ne constituait pas des représailles, mais plutôt une tentative acceptable d’appliquer des mesures d’adaptation.

[35] M. Leslie a contesté la position de la SCP selon laquelle celle-ci n’avait pris aucune mesure disciplinaire contre lui. À son avis, les parcours qui lui ont été proposés étaient très différents en ce qui a trait à l’heure de début, à la longueur et aux secteurs géographiques, ainsi qu’à d’autres égards importants. Il a aussi souligné que les divers entretiens qu’il avait eus avec la SCP font partie de son dossier d’employé.

IV. Analyse et décision

[36] L’article 147 du Code interdit à l’employeur de prendre des mesures de représailles contre un employé parce que ce dernier a participé à un processus en matière de santé et de sécurité :

147. Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer de prendre – des mesures disciplinaires contre lui parce que :

a) soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

(c’est nous qui soulignons)

[37] La participation de l’employé peut consister à avoir témoigné dans une poursuite ou à avoir fourni un renseignement dans une affaire visée à la partie II. Elle peut aussi consister à avoir observé les dispositions de la partie II ou à avoir cherché à les faire appliquer. En l’espèce, M. Leslie a observé les dispositions du Code lorsqu’il a exercé son droit de refus de travailler prévu au paragraphe 128(1).

[38] Un employé qui allègue que l’employeur a enfreint l’article 147 dépose une plainte aux termes de l’article 133 :

133. (1) L’employé – ou la personne qu’il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance – de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

(3) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa présentation est subordonnée, selon le cas, à l’observation du paragraphe 128(6) par l’employé ou à la notification à l’agent de santé et de sécurité conformément au paragraphe 128(13).

(4) Malgré toute règle de droit ou toute convention à l’effet contraire, l’employé ne peut déférer sa plainte à l’arbitrage.

(5) Sur réception de la plainte, le Conseil peut aider les parties à régler le point en litige; s’il décide de ne pas le faire ou si les parties ne sont pas parvenues à régler l’affaire dans le délai qu’il juge raisonnable dans les circonstances, il l’instruit lui-même.

(6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

(c’est nous qui soulignons)

[39] Lorsqu’il est question du droit de refus de travailler, comme en l’espèce, c’est à l’employeur qu’il revient de démontrer qu’aucune mesure disciplinaire (représailles) n’a été prise parce que l’employé a refusé de travailler. Il incombait donc à la SCP de démontrer que les mesures qu’on lui reprochait d’avoir prises ne constituaient pas des représailles contre M. Leslie parce que celui ci avait participé à un processus prévu à la partie II.

[40] Dans Court, 2010 CCRI 498 (Court 498), le Conseil a décrit l’analyse qu’il utilise pour traiter les affaires portant sur le droit de refus :

[121] Depuis l’ajout du paragraphe 147.1(1) au Code, il faut appliquer un critère à trois volets aux affaires de refus de travailler en cas de danger :

i) L’employé a-t-il satisfait au faible seuil des motifs raisonnables de croire à l’existence d’un danger?

ii) L’employeur a-t-il enfreint l’article 147 du Code en prenant des mesures disciplinaires à l’encontre d’un employé parce que celui-ci s’était prévalu des droits en matière de sécurité prévus à la partie II du Code?

iii) Si l’employeur a pris des mesures disciplinaires, l’a-t-il fait après la tenue d’une enquête complète et, le cas échéant, après la conclusion du processus d’appel, et ces mesures disciplinaires ont-elles été imposées seulement parce que l’employé avait délibérément exercé de façon abusive les droits prévus à la partie II du Code?

[122] Compte tenu de l’inversion du fardeau de la preuve opérée par le paragraphe 133(6) du Code, JGH n’a pas convaincu le Conseil que les mesures disciplinaires qu’elle avait prises à l’encontre de M. Court n’avaient rien à voir avec la sécurité au travail. Comme elle n’avait pas mené l’enquête complète exigée par la partie II du Code, JGH ne pouvait pas se fonder sur le paragraphe 147.1(1). JGH a donc enfreint le Code lorsqu’elle a pris des mesures disciplinaires à l’encontre de M. Court.

[41] Dans des affaires portant sur des allégations de représailles qui ne sont pas liées au droit de refus de travailler, le Conseil fait une analyse similaire, mais non identique. Dans ce genre de situation, le fardeau de la preuve incombe à l’employé (voir Paquet, 2013 CCRI 691).

[42] À la première étape de l’analyse décrite dans Court 498, précitée, aucun argument présenté ne soutenait que M. Leslie n’avait pas de « motif raisonnable de croire » à l’existence d’un danger. La SCP a donné suite aux préoccupations exprimées par M. Leslie, même si une certaine confusion régnait quant aux différences qui existent entre l’article 33 de la convention collective et la partie II du Code.

[43] La deuxième étape de l’analyse décrite dans Court 498, précitée, consiste à établir si l’employeur a pris des mesures disciplinaires, en tout ou en partie, parce que l’employé a exercé des droits prévus au Code, plutôt que pour une autre raison.

[44] À la deuxième étape, le Conseil doit établir si l’employeur a pris ou a menacé de prendre, contre l’employé, des mesures disciplinaires décrites à l’article 147 du Code. Le cas échéant, le Conseil examine si un lien existait entre les mesures disciplinaires prises et le processus prévu à la partie II.

a) La SCP a-t-elle pris des mesures disciplinaires contre M. Leslie?

[45] Selon la jurisprudence relative à la partie II du Code, des « mesures disciplinaires » peuvent être des mesures qui n’ont pas nécessairement de répercussions financières. Par exemple, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu que le fait de mentionner, pendant une vérification des références menée dans le cadre d’un concours, que l’employé a refusé de travailler pour des raisons de santé et de sécurité, ou le fait de maintenir des restrictions quant aux endroits où le plaignant pourrait exercer ses fonctions à la suite d’une enquête sur un refus de travailler constitue une mesure disciplinaire (voir Chaves c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 45 et Pruyn c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 17).

[46] Le Conseil est convaincu que certaines mesures prises par la SCP pourraient constituer des mesures disciplinaires aux termes de l’article 147 du Code. Tout d’abord, dans sa lettre du 17 décembre 2011, la SCP évoque le droit à un avis de 24 heures dont jouit M. Leslie en vertu de la convention collective. Le Conseil a souligné plus tôt que plusieurs questions étaient en cause simultanément en l’espèce. Il ne fait aucun doute que des mesures disciplinaires ont été envisagées au fil des événements. Dans sa lettre du 17 décembre 2011, la SCP a clairement contesté le refus de M. Leslie de desservir le comptoir postal en question.

[47] Le Conseil reconnaît aussi qu’un changement apporté aux fonctions habituelles d’un employé peut constituer une mesure disciplinaire au sens de l’article 147 du Code. Les services que fournissait M. Leslie au comptoir postal en question n’étaient qu’une petite fraction du travail qu’il devait accomplir sur l’ensemble de son parcours.

[48] Compte tenu de cette conclusion finale, le Conseil est disposé à reconnaître, aux fins de l’argumentation, que des mesures disciplinaires ont été prises et à se pencher sur la question de l’existence d’un lien.

b) Un lien existait-il entre le refus de travailler et les mesures disciplinaires prises par la SCP?

[49] Le Conseil doit décider si la SCP a usé de représailles, en tout ou en partie, parce que M. Leslie avait exercé son droit de refus. En l’espèce, plusieurs processus avaient cours en même temps. Le STTP a informé le Conseil que neuf griefs de M. Leslie étaient en instance, lesquels portaient entre autres sur i) l’enquête de la SCP concernant l’incident initial lié à un acte de violence au travail survenu en août 2011 à un comptoir postal, ii) l’enquête sur le maintien du refus de travailler de M. Leslie et iii) le changement apporté au parcours de M. Leslie.

[50] La SCP procédait aussi à un examen approfondi des renseignements médicaux que M. Leslie lui avait fournis à deux occasions et qui avaient donné lieu à la modification temporaire de son parcours régulier.

[51] Ce contexte est important. Il ne s’agit pas d’un cas où un employé de la SCP a perdu son parcours régulier parce qu’il a exercé son droit de refus de travailler prévu au Code.

[52] En se fondant sur la chronologie des événements, le Conseil est convaincu que le fait que la SCP a évoqué la possibilité de prendre des mesures disciplinaires et qu’elle a retiré son parcours à M. Leslie ne constitue pas une mesure de représailles prise contre ce dernier parce qu’il a refusé de travailler en vertu de la partie II du Code. Ces événements découlaient d’autres dossiers en cours.

[53] M. Leslie avait présenté une preuve médicale après l’incident initial survenu au comptoir postal en août 2011. La SCP a modifié son parcours régulier en conséquence. En décembre 2011, lorsque M. Leslie a présenté une autre preuve médicale à la fin de la période initiale de 60 jours, la SCP a une fois de plus envisagé de prendre une mesure d’adaptation temporaire. M. Leslie a contesté la « solution » proposée, comme il avait le droit de le faire.

[54] La question de savoir si l’analyse et la conclusion de la SCP concernant les mesures d’adaptation respectaient les droits reconnus à M. Leslie par la convention collective relève d’un arbitre du travail. Cependant, les tentatives de la SCP de faire enquête et de régler la situation ont convaincu le Conseil que le changement apporté au parcours ne constituait pas une mesure de représailles. En effet, le processus suivi par la SCP s’inscrivait dans la suite logique du premier changement apporté au parcours après que M. Leslie eut fourni une preuve médicale.

[55] Par ailleurs, M. Leslie lui même n’a pas facilité l’enquête de la SCP lorsqu’il a quitté la rencontre du 7 décembre 2011. Un élément de nature disciplinaire s’est alors ajouté à l’équation, comme en témoignent les discussions concernant les exigences relatives à l’avis de 24 heures que prévoit la convention collective.

[56] De toute évidence, il est plus difficile pour le Conseil de trancher une affaire lorsqu’une plainte déposée en vertu du Code n’est que l’un des éléments d’un problème lié aux relations du travail qui existait déjà et qui mettait en cause des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ainsi que des griefs présentés aux termes de la convention collective. Dans une situation différente, le Conseil aurait pu conclure que M. Leslie avait perdu son parcours régulier parce qu’il avait refusé de travailler. Or, l’ensemble des circonstances de l’espèce a convaincu le Conseil que ce n’est pas le cas.

[57] La SCP s’est acquittée de son fardeau de convaincre le Conseil qu’il n’existait pas de lien entre les changements apportés au parcours de M. Leslie et le droit de refus exercé par celui ci en vertu de la partie II. La question de savoir si la SCP a manqué à ses obligations découlant de la convention collective en prenant les mesures qu’elle a prises est une affaire distincte qui ne relève pas de la compétence du Conseil.

[58] Pour les motifs exposés ci-dessus, le Conseil rejette la plainte de M. Leslie.

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