Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Jenny Sutcliffe Heinrichs,

plaignante,

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

intimé,

et

Société canadienne des postes,

employeur.

Dossier du Conseil : 31377‑C

Référence neutre : 2016 CCRI 819

Le 17 mars 2016

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de M. Patric F. Whyte, Vice‑président, ainsi que de MM. André Lecavalier et Norman Rivard, Membres.

Représentants des parties inscrits au dossier

Me Allen Welman, pour Mme Jenny Sutcliffe Heinrichs;

Mme Joanne Leader, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes;

Me Debra Kyle, pour la Société canadienne des postes.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par M. Patric F. Whyte, Vice‑président.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. En l’espèce, le Conseil est convaincu qu’il peut trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

I. Nature de la plainte

[1] Le 19 novembre 2015, le Conseil a reçu une plainte de manquement au devoir de représentation juste (DRJ) déposée en vertu de l’article 97 du Code par Mme Jenny Sutcliffe Heinrichs (Mme Sutcliffe ou la plaignante). Celle‑ci alléguait dans cette plainte que son agent négociateur, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP ou le syndicat), avait enfreint l’article 37 du Code en ne lui apportant pas son aide relativement à son retour au travail – lequel faisait suite à son congé de maternité et au congé de maladie ayant découlé de complications connexes – et en ne communiquant pas avec elle.

II.  Contexte

[2] Mme Sutcliffe a commencé à travailler pour la Société canadienne des postes (la SCP ou l’employeur) le 23 novembre 2007, comme employée nommée pour une période déterminée. À un certain moment, Mme Sutcliffe a pris un congé de maternité et, selon une lettre de son médecin datée du 13 janvier 2015, elle a été « autorisée à tenter de retourner au travail à la suite d’une période d’invalidité » (traduction).

[3] Le 26 juin 2015, la plaignante a téléphoné au bureau de sa section locale pour signaler qu’elle était prête à retourner au travail et pour demander l’aide du syndicat. Le 30 juin 2015, elle a avisé la SCP qu’elle était prête à reprendre son emploi en conformité avec la convention collective. La plaignante a écrit encore une fois à la SCP le 5 août 2015 pour réitérer sa demande de retour au travail.

[4] Le 21 août 2015, la plaignante a envoyé au STTP une lettre confirmant qu’elle demandait au syndicat de prendre les dispositions nécessaires pour son retour au travail à la suite d’un congé autorisé. Elle mentionnait dans cette lettre que, au cours des deux mois précédents, elle avait déjà demandé l’aide du syndicat à deux occasions, eu égard à son retour au travail, mais qu’elle n’avait reçu aucune réponse. La plaignante demandait au syndicat de présenter un grief. Cette lettre est ainsi rédigée :

M. Slaterly,

La présente confirme, une fois de plus, que je demande au syndicat de prendre des dispositions en vue de mon retour au travail à Postes Canada, à la suite d’un congé autorisé pour cause de maladie.

J’ai attendu patiemment une réponse à ma demande concernant mon emploi, relativement à laquelle, comme vous le savez, j’ai demandé au syndicat d’intervenir à deux reprises au cours des deux derniers mois. À ce jour, je n’ai reçu aucune réponse, que ce soit de la part du syndicat ou de la direction. Par conséquent, je présente un grief. Veuillez prendre les dispositions nécessaires aussitôt que possible, et veuillez me tenir informée tout au long de la procédure.

J’envoie également par télécopieur deux copies de lettres envoyées à la direction (30 juin et 5 août de la présente année) qui mentionnaient que je suis prête à retourner au travail. Ces démarches sont également restées vaines.

(traduction)

[5] N’ayant pas reçu de réponse du syndicat, la plaignante a déposé la présente plainte de manquement au DRJ au Conseil le 19 novembre 2015.

[6] À la suite d’un examen de la plainte et des documents à l’appui, le Conseil a invité le syndicat et l’employeur à répondre à la plainte.

III. Position des parties

A. La plaignante

[7] La plaignante soutient que le syndicat a agi de manière arbitraire et discriminatoire et de mauvaise foi eu égard à sa demande de retour au travail faisant suite à une période d’invalidité.

[8] En ce qui concerne l’allégation de conduite arbitraire, la plaignante soutient avoir tenté à de nombreuses reprises de communiquer avec le syndicat et avec l’employeur, mais n’avoir reçu aucune réponse. Le 21 août 2015, elle a informé le syndicat qu’elle présentait un grief parce qu’elle n’avait reçu de réponse ni de l’employeur ni du syndicat relativement à sa demande de retour au travail.

[9] La plaignante soutient que, par suite de sa longue absence du travail attribuable à sa grossesse et à des complications survenues après l’accouchement, le syndicat a agi de manière discriminatoire à son endroit, car il n’a pas tenté de discuter de son retour au travail avec l’employeur.

[10] Enfin, en ce qui concerne l’allégation de conduite de mauvaise foi, la plaignante affirme que l’inaction du syndicat l’a laissée avec une impression d’animosité à son endroit. Elle soupçonne que le syndicat et l’employeur soient de connivence, car il semble que la SCP ne souhaite pas qu’elle retourne au travail à cause de son congé de maternité antérieur et des complications qui y ont fait suite après la naissance.

[11] À titre de redressement, la plaignante demande que le Conseil la réintègre dans son emploi avec indemnisation complète pour toute perte de revenu ou de prestations de salaire et toute autre forme de rémunération à laquelle elle aurait eu droit si elle avait continué de travailler dans sa « classe d’ancienneté » (traduction).

B. Le syndicat

[12] Le syndicat n’a présenté aucune réponse.

C. L’employeur

[13] La SCP ne se prononce pas sur le bien‑fondé de la plainte déposée contre le syndicat. L’employeur soutient que, si le Conseil conclut qu’il y a eu violation du Code, la SCP ne devrait être tenue responsable d’aucune conséquence directe ou indirecte (pécuniaire ou d’autre nature) découlant de la violation, et devrait avoir droit à tout délai négocié avec le syndicat pour la présentation et le renvoi des griefs à l’arbitrage.

IV. Analyse et décision

A. Le processus de traitement des plaintes fondées sur l’article 37

[14] L’article 37 du Code est ainsi libellé :

37 Il est interdit au syndicat, ainsi qu'à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux‑ci par la convention collective.

[15] Le Conseil a élaboré un processus pour rendre plus efficace le traitement des plaintes fondées sur l’article 37. Quand une plainte est déposée en vertu de l’article 37 du Code, le Conseil envoie au plaignant un accusé de réception de la plainte, et il envoie au syndicat intimé accusé d’avoir contrevenu au Code une copie de la plainte et de tous les détails connexes. Une copie de la plainte et des renseignements connexes est également envoyée à l’employeur.

[16] Le Conseil procède ensuite à une analyse de l’existence d’une preuve suffisante à première vue de la plainte. Si le Conseil conclut que le plaignant a établi l’existence d’une preuve suffisante à première vue, il envoie au syndicat intimé ainsi qu’à l’employeur une lettre indiquant que « le Conseil a examiné la plainte et souhaite inviter le syndicat intimé et l’employeur à y répondre » (traduction).

[17] La lettre se poursuit ainsi : « [l]a partie qui souhaite présenter une réponse doit le faire dans les quinze (15) jours suivant la réception de la présente lettre. La plaignante aura alors dix (10) jours pour y répliquer » (traduction).

[18] Cette lettre renvoie les parties aux articles 9 et 12 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement), qui définissent les critères qui doivent être observés pour la présentation d’une réponse à la plainte ou d’une réplique. L’article 12 du Règlement est ainsi libellé :

12 (1) Toute réponse ou réplique comporte les renseignements suivants :

a) les nom, adresses postale et électronique et numéros de téléphone et de télécopieur de l’intimé et de son conseiller juridique ou de son représentant, le cas échéant;

b) le numéro de dossier que le Conseil a attribué à la demande;

c) un exposé détaillé des faits, des dates pertinentes et des moyens invoqués à l’appui de la réponse ou de la réplique;

d) une copie des documents déposés à l’appui de la réponse ou de la réplique;

e) la position du demandeur ou de l’intimé relativement à l’ordonnance ou à la décision demandée par la partie adverse, selon le cas;

...

(2) La réponse est déposée :

...

b) dans les quinze jours de la réception d’un avis de toute autre demande.

...

(4) La demande de prorogation du délai pour déposer une réponse ou une réplique est faite au Conseil par écrit et est motivée.

(c’est nous qui soulignons)

[19] La lettre précise ensuite ce qui suit :

…l’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) habilite le Conseil à trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience, même si une audience a été demandée. Le cas échéant, le Conseil statue sur la plainte en s’appuyant sur les observations écrites des parties et les documents à l’appui. Il est donc dans l’intérêt véritable des parties de présenter des observations complètes, exactes et détaillées à l’appui de leurs positions respectives et d’apporter leur entière collaboration à l’agent du Conseil.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[20] La jurisprudence du Conseil souligne l’importance de la réponse du syndicat dans le cadre d’une plainte de manquement au DRJ, lorsque le Conseil a établi que la plainte satisfait au critère de la preuve suffisante à première vue (voir Heitzmann, 2014 CCRI 737; et Mallet, 2014 CCRI 730). Dans Heintzmann, précitée, le Conseil s’est exprimé ainsi :

[88] Bien que, initialement, le syndicat n’a pas à répondre à une plainte de manquement au DRJ avant que le Conseil ait terminé son analyse de l’existence d’une cause prima facie, il a un rôle important à jouer si le Conseil demande une réponse. Cette réponse risque d’être sa seule occasion de fournir au Conseil des explications pour démontrer qu’il n’a pas manqué au devoir auquel il est tenu en vertu du Code

[21] Si le syndicat ne répond pas à une plainte après avoir été invité à le faire, le Conseil peut trancher l’affaire sans avoir reçu de réponse. Le paragraphe 47(1) du Règlement prévoit ce qui suit :

47 (1) Si une partie ne se conforme pas à une règle de procédure prévue au présent règlement après que le Conseil lui a laissé l’opportunité de s’y conformer, celui‑ci peut :

a) de façon sommaire, refuser d’entendre la demande ou la rejeter, si la partie en défaut est le demandeur;

b) décider de la demande sans autre avis, si la partie en défaut est l’intimé.

[22] En l’espèce, le Conseil a reçu une plainte de Mme Sutcliffe, qui allègue que le STTP a négligé de présenter un grief en son nom et d’y donner suite relativement au fait que l’employeur ne l’avait pas réintégrée dans son emploi à la suite de son congé de maternité et d’un congé de maladie découlant de complications survenues après l’accouchement.

[23] Dès qu’il a reçu la plainte, le Conseil a entrepris sa procédure habituelle pour le traitement d’une plainte fondée sur l’article 37. Il en a accusé réception, a procédé à son analyse de la preuve suffisante à première vue et a établi que la plainte satisfaisait aux exigences de cette analyse. En conséquence, le 7 décembre 2015, le Conseil a invité le syndicat et l’employeur à répondre à la plainte.

[24] Le 21 décembre 2015, la SCP a présenté des observations uniquement sur la question des mesures de redressement.

[25] Le syndicat devait faire parvenir sa réponse le 23 décembre 2015 au plus tard. Aucune réponse n’ayant été reçue à cette date, l’agent des relations industrielles (ARI) du Conseil a communiqué avec M. Walter Woloschuk, du syndicat, et l’a avisé que si le syndicat souhaitait demander une prorogation du délai pour présenter sa réponse, il devait envoyer au Conseil par télécopieur, dans les meilleurs délais, une demande à cette fin.

[26] Le syndicat n’a pas présenté de réponse à la plainte à l’intérieur du délai prescrit et il n’a pas envoyé de demande de prorogation du délai par télécopieur.

[27] Le 20 janvier 2016, l’ARI du Conseil a envoyé aux parties une lettre mentionnant ce qui suit : « [L]e Conseil n’a reçu du syndicat ni une réponse ni une demande de prorogation du délai pour présenter sa réponse. Par conséquent, l’étape de la présentation des observations est maintenant terminée, dans l’affaire susmentionnée, et l’affaire est renvoyée au Conseil afin qu’il rende sa décision » (traduction).

[28] Le Conseil a conclu que la plaignante a établi une preuve suffisante à première vue. Compte tenu du fait que le syndicat n’a présenté aucune observation en réponse à la plainte, le Conseil n’a pas d’autre choix que de trancher l’affaire en se fondant exclusivement sur les observations de la plaignante ainsi que sur les observations présentées par l’employeur sur les mesures de redressement.

B. Plainte de manquement au devoir de représentation juste

[29] La plaignante allègue que le syndicat a manqué à son DRJ pour les trois motifs, c’est‑à‑dire que sa conduite a été arbitraire, discriminatoire et empreinte de mauvaise foi. Puisque c’est à la plaignante qu’incombe le fardeau de la preuve dans le cadre d’une plainte fondée sur l’article 37 du Code, elle doit convaincre le Conseil que le syndicat a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu’il a négligé de présenter un grief en son nom et d’y donner suite relativement à sa demande de retour au travail.

[30] Pour que sa défense lui permette d’obtenir gain de cause dans le cas d’une plainte fondée sur l’article 37, le syndicat doit démontrer qu’il s’est penché sur le grief, qu’il a évalué ses chances d’avoir gain de cause à l’arbitrage, qu’il s’est assuré d’avoir mené une enquête adéquate et qu’il n’a pas agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu’il a pris sa décision.

[31] À la lumière des observations incontestées de la plaignante, le Conseil est d’avis que le syndicat a manqué à son DRJ en ne répondant pas aux nombreuses demandes formulées par celle‑ci afin qu’il lui apporte son aide dans ses tentatives de retourner au travail à la suite d’une période d’invalidité. Il convient de souligner que le grief de la plaignante concernait des questions qui exigeaient que le syndicat se montre plus diligent qu’à l’habitude. La plaignante tentait de retourner au travail à la suite d’un congé de maternité ainsi que d’un congé de maladie découlant de complications survenues après l’accouchement.

[32] Dans Bingley, 2004 CCRI 291, le Conseil a expliqué la diligence supplémentaire dont les syndicats doivent faire preuve lorsqu’ils sont appelés à représenter des employés dans des affaires relatives à des demandes de mesure d’adaptation :

[83] La jurisprudence établit de manière irréfutable que pour s’acquitter de leur devoir de représentation juste les syndicats doivent se montrer plus diligents et plus convaincants lorsqu’ils représentent un employé qui allègue violation des droits de non‑discrimination qui lui sont reconnus par la loi. Ainsi, pour autant que les syndicats fassent la preuve qu’ils se sont montrés raisonnablement diligents et convaincants, les commissions de relations de travail sont peu susceptibles de s’interroger sur la question de savoir si la décision de ne pas renvoyer un grief à l’arbitrage cadre avec le libellé de la convention collective, ou même de la loi sur les droits de la personne applicable.

[84] En résumé, le Conseil fait siens les critères non exclusifs énoncés ci‑après pour trancher la question de savoir si le syndicat s’est acquitté de son devoir de représentation juste dans les affaires ayant trait à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation :

- l’intervention du syndicat était‑elle suffisante dans les cas où l’employeur s’est abstenu de prendre les mesures d’adaptation nécessaires?

- la qualité du processus ayant permis au syndicat d’en arriver à sa conclusion était‑elle acceptable?

- le syndicat a‑t‑il élargi le cadre de ses procédures « habituelles » et s’est‑il montré plus diligent dans la défense des intérêts de l’employé?

- le syndicat s’est‑il montré plus convaincant dans ses discussions avec l’employeur?

[33] En l’espèce, le syndicat n’a rien fait pour représenter la plaignante dans ses tentatives de retour au travail et il n’a répondu à aucune de ses demandes d’aide. S’il est vrai que le Conseil a déclaré à plusieurs reprises que le manque de communication ne constitue pas en soi une violation du Code, une exception s’applique lorsque le manque de communication porte préjudice au plaignant. Voici ce qu’on peut lire dans Brideau (1986), 63 di 215; 12 CLRBR (NS) 245; et 86 CLLC 16,012 (CCRT n° 550) :

Bien que le manque de communication entre le syndicat et Mme Brideau, en l’espèce, n’ait pas abouti à une violation de l’article 136.1 [devenu l’article 37], cela ne veut pas dire que le Conseil écarte définitivement la possibilité de considérer la communication comme un élément donnant lieu à la violation de l’article 136.1 [devenu l’article 37].

Le syndicat qui s’occupe d’un grief et négocie avec l’employeur est tenu de connaître avec certitude, en consultant toutes les sources nécessaires, les faits donnant lieu au grief. Ces faits peuvent être appris du plaignant ou d’autres personnes informées de l’incident... ou être puisés dans les preuves documentaires.

...

Ainsi, la communication avec le plaignant n’est pas obligatoire, mais si le manque de communication crée une situation qui porte préjudice à la position du plaignant, il peut donner lieu à une violation de l’article 136.1 [devenu l’article 37].

(pages 239‑240; 269‑270; et 14,109)

[34] Par exemple, dans Campbell, 1999 CCRI 8, le Conseil a conclu que le syndicat avait agi de manière arbitraire parce qu’il n’avait mené aucune enquête sur la plainte et avait agi de manière préjudiciable au plaignant en ne communiquant pas avec lui. Dans cette affaire en particulier, le Conseil avait conclu que le fait de ne pas avoir communiqué avec le plaignant équivalait à un défaut de mener une enquête approfondie et, par conséquent, que la situation qui en avait découlé était préjudiciable à la position du plaignant.

[35] Dans la présente affaire, la plaignante a communiqué avec le syndicat à de nombreuses reprises, à l’échelon local et à l’échelon régional, du 26 juin 2015 au 14 août 2015. N’ayant reçu aucune réponse du syndicat, la plaignante lui a envoyé une lettre le 21 août 2015, dans laquelle elle mentionnait qu’elle présentait un grief concernant sa demande de retour au travail. Elle a demandé au syndicat de faire les démarches nécessaires pour que le grief soit présenté et de la tenir informée tout au long du processus. Le syndicat n’a pas répondu à la plaignante.

[36] La plaignante a déclaré qu’elle se trouve maintenant dans une situation où elle ne touche plus de prestations d’assurance médicale pour son absence du travail, mais que son employeur ne lui permet pas de retourner travailler. Par conséquent, le Conseil conclut que le manque de communication de la part du syndicat a été préjudiciable à la position de la plaignante. En outre, rien n’indique que le syndicat a fait enquête sur le grief de la plaignante ou qu’il a déterminé si le grief était fondé. Dans le cadre de la présente plainte, il apparaît, outre le défaut de communiquer avec la plaignante relativement au résultat de la procédure de règlement des griefs, que le syndicat a vraisemblablement négligé de faire quoi que ce soit pour défendre les intérêts de la plaignante.

[37] Par conséquent, le Conseil estime que le fait que le syndicat n’a pris absolument aucune mesure pour représenter la plaignante en l’espèce témoigne d’une attitude insouciante à l’égard des intérêts de celle‑ci, et qu’il s’agit donc d’une conduite arbitraire. Conjuguée aux circonstances particulières entourant la demande de retour au travail de la plaignante, cette inaction peut également être interprétée comme une conduite discriminatoire résultant du congé de maternité et de l’état de santé antérieurs de la plaignante.

[38] Cela dit, le Conseil conclut que la plaignante n’a pas établi le bien‑fondé de son allégation selon laquelle le syndicat a agi de mauvaise foi. La conduite de mauvaise foi a été définie comme suit dans Blakely, 2003 CCRI 241 :

[33] Le Conseil définit la mauvaise foi comme ce qui se passe dans des circonstances où un syndicat agit de manière frauduleuse, pour des motifs inacceptables, ou encore par hostilité personnelle ou par vengeance. Dans l’affaire Rousseau (1995), 98 di 80; et 95 CLLC 220‑064 (CCRT no 1127), le prédécesseur du Conseil avait déclaré ce qui suit :

La « mauvaise foi » désigne un état d’esprit subjectif ou une conduite subjective motivée par de la mauvaise volonté, de l’hostilité, de la malhonnêteté, de la malice, une animosité personnelle, une vengeance politique, un manque d’équité ou d’impartialité, un manque de franchise qui incite à dissimuler des renseignements, une absence manifeste de franchise qui pousse à mentir ou par des motifs sinistres...

... Dans une plainte fondée sur l’article 37, il faut examiner surtout la conduite du syndicat et de ses dirigeants et agents...

(pages 105; et 143,559)

[34] Cette notion a été définie de façon plus précise encore dans Eamor (1996), 101 di 76; 39 CLRBR (2d) 14; et 96 CLLC 220‑039 (CCRT no 1162) :

La mauvaise foi s’entend d’un état d’esprit ou d’un comportement subjectif. Elle survient quand un représentant syndical agit frauduleusement ou pour des motifs illégitimes, ou encore par hostilité ou vengeance personnelle. Il y a mauvaise foi également lorsque le syndicat, à titre de représentant, agit de manière malhonnête ou trompeuse. Elle est présente aussi lorsque l’absence de représentation découle de motifs malsains (voir Haley, précitée, page 324; et Elejel, [1985] OLRB Rep. June 841, page 852).

(pages 96; 36; et 143,377)

[39] Dans la présente affaire, les allégations de conduite empreinte de mauvaise foi formulées par la plaignante étaient fondées sur de simples soupçons. La plaignante n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que les représentants syndicaux ont agi pour des motifs répréhensibles ou par hostilité personnelle ou encore par esprit de revanche. En conséquence, le Conseil ne peut affirmer que l’inaction du syndicat était motivée par de tels éléments subjectifs.

[40] Pour les motifs ci‑dessus, et à la lumière des observations incontestées présentées par la plaignante, le Conseil conclut que le syndicat a manqué à son DRJ.

C. Mesures de redressement

[41] L’alinéa 99(1)b) du Code prévoit ce qui suit :

99 (1) S’il décide qu’il y a eu violation des paragraphes 24(4) ou 34(6), des articles 37, 47.3, 50 ou 69, des paragraphes 87.5(1) ou (2), de l’article 87.6, du paragraphe 87.7(2) ou des articles 94, 95 ou 96, le Conseil peut, par ordonnance, enjoindre à la partie visée par la plainte de cesser de contrevenir à ces dispositions ou de s’y conformer et en outre :

...

b) dans le cas de l’article 37, enjoindre au syndicat d’exercer, au nom de l’employé, les droits et recours que, selon lui, il aurait dû exercer ou d’aider l’employé à les exercer lui‑même dans les cas où il aurait dû le faire.

[42] Il est important de souligner que le Conseil n’examine pas s’il y a eu violation de la convention collective, mais qu’il se penche seulement sur la conduite du syndicat dans sa représentation de l’employé eu égard à la violation alléguée de la convention collective.

[43] La plaignante a demandé des mesures de redressement qui dépassent les pouvoirs de redressement du Conseil. Par conséquent, le Conseil ne peut accorder les mesures de redressement demandées par la plaignante. Toutefois, le Conseil peut, en vertu de l’alinéa 99(1)b), établir une mesure de redressement qui replacerait la plaignante dans la situation où elle se serait trouvée s’il n’y avait pas eu de violation du Code.

[44] Dans la présente affaire, la meilleure façon de remédier à la violation est d’ordonner qu’un grief soit présenté au nom de la plaignante relativement au fait que l’employeur a refusé de prendre les mesures nécessaires pour qu’elle retourne au travail après qu’elle eut signalé qu’elle était prête à le faire. Le grief en question sera présenté à l’étape de l’arbitrage de la procédure de règlement des griefs et il sera mis au rôle en vue d’une audience. Tous les délais applicables qui pourraient en empêcher le traitement sont annulés.

[45] Si le Conseil devait conclure à une violation du Code, l’employeur soutient qu’il ne devrait être tenu responsable d’aucun coût, direct ou indirect. Le Conseil accepte cette affirmation en partie et ordonne que l’employeur ne soit tenu responsable d’aucune indemnisation et d’aucuns dommages‑intérêts qui pourraient être accordés par un arbitre pour la période allant du 19 novembre 2015 à la date de la présente décision. Le syndicat sera responsable de tous les dommages‑intérêts accordés à la plaignante pour cette période, le cas échéant.

[46] Cette répartition de la responsabilité tient compte du fait que l’employeur ne devrait pas voir sa part de responsabilité accrue parce que le syndicat a manqué à son DRJ. Cependant, le Conseil n’est pas disposé à étendre la responsabilité du syndicat au‑delà de la date de la présente décision, puisque dans les affaires où il n’y a pas eu de plainte de manquement au DRJ, c’est l’employeur qui est normalement tenu entièrement responsable de toute indemnisation et des dommages‑intérêts accordés par un arbitre par suite d’un manquement à la convention collective.

[47] La présente décision n’empêche pas les parties de tenter de résoudre certaines ou la totalité des questions liées au fait que la plaignante n’a pas pu être réintégrée dans son emploi en l’absence d’une décision arbitrale. Cependant, toute résolution, le cas échéant, doit être jugée acceptable par la plaignante.

[48] Le Conseil demeure saisi de toute question relative à l’application de la présente décision.

[49] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

Traduction

 

____________________

Patric F. Whyte

Vice‑président

 

____________________

André Lecavalier

Membre

 

 

____________________

Norman Rivard

Membre

 

 

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