Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Mataya Reid,

requérante,

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes,

intimé,

et

Société canadienne des postes,

employeur.

Dossier du Conseil : 31553‑C

Référence neutre : 2016 CCRI 818

Le 15 mars 2016

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, ainsi que de MM. André Lecavalier et Gaétan Ménard, Membres.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour rejeter la demande sans tenir d’audience.

Représentants des parties au dossier

Mme Mataya Reid, en son propre nom;

M. Philippe Arbour, pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes;

Me Stéfanie Germain, pour la Société canadienne des postes.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice‑président.

I. Nature de la demande

[1] Le 17 février 2016, Mme Mataya Reid a présenté une demande de réexamen relativement à la décision du Conseil dans Reid, 2016 CCRI 807 (Reid 807).

[2] Dans Reid 807, le Conseil a conclu que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) n’avait pas manqué au devoir de représentation juste (DRJ) auquel il est tenu en vertu de l’article 37 du Code :

37 Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux‑ci par la convention collective.

[3] Le Conseil a décidé de rejeter la demande de réexamen de Mme Reid, car cette demande n’établit pas de preuve prima facie. Les décisions rendues par le Conseil sont définitives, sous réserve d’un processus de réexamen limité créé par le Conseil.

[4] Dans sa demande, Mme Reid cherchait à plaider une nouvelle fois sa cause initiale dans l’espoir d’obtenir un résultat différent. Elle n’a pas convaincu le Conseil que des motifs valables justifiaient un réexamen.

[5] Voici les motifs de la décision du Conseil.

II. Le processus de réexamen du Conseil

[6] Le processus de réexamen limité que le Conseil a créé pour les décisions récentes est bien connu. Pour des observations récemment formulées sur ce processus de longue date, voir Petrovic, 2015 CCRI 788 (Petrovic 788) et Buckmire, 2013 CCRI 700 (Buckmire 700).

[7] Les décisions rendues par le Conseil sont définitives. Sous réserve d’une procédure de contrôle judiciaire, il n’existe aucun droit d’appel, prévu par la loi ou de quelque autre nature que ce soit, à l’encontre d’une décision du Conseil. Le Conseil ne réinstruit pas non plus les affaires qui ont déjà été tranchées.

[8] En de rares circonstances, un demandeur peut convaincre le Conseil de réexaminer une affaire. Dans Buckmire 700, par suite d’un changement apporté au Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, le Conseil a formulé des observations sur les motifs principaux, mais non exclusifs, qui permettent d’obtenir un réexamen :

[36] Les principaux motifs de réexamen, ainsi que les obligations du requérant concernant la présentation d’une demande de réexamen, demeurent les mêmes que ceux décrits ci‑dessous. De même, les décisions rendues par le greffier aux termes de l’article 3 du Règlement peuvent toujours faire l’objet d’un réexamen.

1. Faits nouveaux

[37] Ce motif porte sur des faits nouveaux que le requérant n’a pas portés à la connaissance du Conseil quand il a initialement présenté sa cause. Il ne s’agit pas, pour le requérant, d’une occasion d’ajouter des faits qu’il avait négligé de faire valoir.

[38] Comme le résume la décision Kies 413, précitée, une demande de réexamen doit comporter, à tout le moins, les renseignements suivants au sujet des faits nouveaux qui sont allégués :

1. les faits nouveaux en question;

2. la raison pour laquelle le requérant n’a pu les présenter au banc initial;

3. en quoi ces faits nouveaux auraient amené le Conseil à une conclusion différente, eu égard à la décision faisant l’objet du réexamen.

[39] En règle générale, le banc initial examinera les demandes fondées sur ce motif, étant donné sa situation avantageuse pour ce qui est d’établir s’il y a bel et bien des « faits nouveaux » et de décider de leur incidence, le cas échéant, sur sa décision initiale.

2. Erreur de droit ou de principe

[40] Une présumée erreur de droit ou de principe doit véritablement remettre en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil. Le critère applicable comporte donc deux volets. Une simple divergence d’opinions sur l’interprétation d’une question de droit ou de principe ne justifie pas un réexamen.

[41] La question de droit ou le principe en cause doit également avoir été soulevé devant le banc initial.

[42] Si une erreur de droit ou de principe est alléguée, les éléments exigés pour la présentation du dossier demeurent les mêmes que ceux énumérés dans Kies 413, précitée :

1. une description du droit ou du principe en cause;

2. l’erreur exacte que le banc initial a commise dans l’application de ce droit ou principe;

3. la manière dont la présumée erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial.

3. Justice naturelle et équité procédurale

[43] Une demande de réexamen peut être fondée sur des allégations de non respect, par le banc initial, des principes de justice naturelle ou d’équité procédurale.

[44] Conformément à la description donnée dans Kies 413, précitée, une demande présentée par une partie doit dans ce cas contenir au moins ce qui suit :

1. l’identification du principe exact de justice naturelle ou d’équité procédurale;

2. une description de la manière dont le banc initial n’a prétendument pas respecté ce principe.

E. Résumé des motifs principaux de réexamen

[45] On peut donc résumer comme suit les principaux motifs de réexamen :

a. des faits nouveaux que le requérant n’a pas pu porter à la connaissance du banc initial, mais qui auraient vraisemblablement amené le Conseil à tirer une autre conclusion;

b. la présence d’erreurs de droit ou de principe qui remettent véritablement en question l’interprétation du Code ou d’un principe;

c. le non‑respect par le Conseil d’un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale;

d. toute décision rendue par un greffier aux termes de l’article 3 du Règlement.

[46] C’est en tenant compte des principes susmentionnés que le Conseil examinera la demande de M. Buckmire.

[9] Le Conseil avise les requérants qui demandent un réexamen de leur plainte de manquement au DRJ à la suite du rejet de celle‑ci qu’un processus d’analyse de l’existence d’une preuve prima facie aura lieu, de la même façon qu’une telle analyse est effectuée dans le cadre d’une plainte initiale de manquement au DRJ. Le Conseil n’enjoindra aux intimés de répondre à la demande de réexamen que si l’existence d’une preuve prima facie est établie, comme le mentionne la lettre du Conseil datée du 18 février 2016 :

La demande sera acheminée à un banc du Conseil, qui déterminera si les renseignements et les motifs qui y sont fournis sont suffisants pour appuyer la demande de réexamen en vertu de l’article 18 du Code canadien des relations industrielles (Partie I – Relations du travail) (le Code).

Si le Conseil est d’avis que, selon les renseignements qu’il a reçus, les motifs invoqués au soutien de la demande sont insuffisants, il rendra une décision de façon sommaire et le dossier sera fermé. Si le Conseil estime avoir besoin de renseignements supplémentaires avant de donner suite à l’affaire, l’intimé et l’employeur seront invités à répondre à la demande. Le requérant aura alors la possibilité de répliquer.

(traduction)

III. Analyse et décision

[10] Le Conseil peut trancher toute demande ou plainte sans tenir d’audience :

16.1 Le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience.

[11] Il est donc impératif que toutes les parties présentent des observations complètes au Conseil. Le processus de réexamen n’est pas une seconde chance donnée à une partie déboutée de présenter de nouvelles informations ou une nouvelle analyse qu’elle aurait pu fournir initialement.

[12] Dans le cas particulier de Mme Reid, le Conseil avait donné à celle‑ci, dans le cadre de sa plainte de manquement au DRJ, une seconde occasion de présenter son acte de procédure initial, compte tenu, entre autres choses, des nombreux documents qu’elle avait annexés à sa plainte : Reid, 2013 CCRI 693 (Reid 693). L’importance de déposer toutes les observations et toute la documentation a été entièrement expliquée dans Reid 693.

[13] Mme Reid a décrit sa demande de réexamen à différents endroits comme un « appel ». Dans sa demande de 93 pages, qui est essentiellement constituée de pièces jointes, elle entreprend ensuite de défendre à nouveau sa plainte initiale.

[14] Elle passe de nouveau les faits en revue, de la même façon que dans sa plainte initiale, et fait valoir une nouvelle fois les raisons pour lesquelles ces faits auraient dû conduire à une conclusion différente.

[15] Dans Petrovic 788, le Conseil a déjà expliqué qu’un réexamen n’est pas une occasion de plaider une nouvelle fois la cause initiale :

[29] Les observations de M. Petrovic montrent qu’il pensait pouvoir plaider de nouveau sa cause en présentant une demande de réexamen. Il a demandé au banc de révision d’analyser l’abondante documentation qu’il avait présentée avec sa plainte initiale, de même que ses arguments initiaux, dans l’espoir d’obtenir une décision différente.

[30] Comme il a été souligné, le processus de réexamen du Conseil n’a jamais prévu d’appel ou d’évaluation de novo. En effet, l’efficacité du Conseil s’en trouverait gravement minée s’il devait instruire ses affaires deux fois.

[31] Dans Société Radio‑Canada, 2015 CCRI 763, le Conseil a conclu qu’un argument en particulier, parmi tous ceux qui avaient été avancés, méritait d’être examiné dans le cadre du processus de réexamen. En revanche, M. Petrovic, en demandant simplement au Conseil d’instruire et de trancher une deuxième fois sa plainte, n’a soulevé aucune question qui constituerait un motif de réexamen approprié : Buckmire 700.

[32] Étant donné que M. Petrovic demande simplement une nouvelle instruction de sa plainte initiale, le Conseil rejette sa demande de réexamen.

[16] Ces mêmes observations s’appliquent à la demande de réexamen de Mme Reid. Elle est en désaccord, et tel est son droit, avec la conclusion tirée par le Conseil dans Reid 807 selon laquelle le STTP n’a pas enfreint l’article 37 du Code. Or, un simple désaccord avec une décision du Conseil ne constitue pas un motif de réexamen.

[17] Mme Reid n’a pas affirmé qu’il existait des « faits nouveaux », selon la description plus complète de ce motif qui est faite dans l’extrait précité de Buckmire 700. Mme Reid n’a par ailleurs présenté, de façon détaillée, aucune allégation selon laquelle une erreur de droit ou de principe aurait été commise.

[18] Dans ces circonstances, le Conseil doit rejeter la plainte de façon sommaire, puisqu’il n’a été établi aucune preuve prima facie à l’égard de laquelle les intimés seraient tenus de présenter des observations.

[19] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

Traduction

 

____________________

Graham J. Clarke

Vice‑président

 

____________________

André Lecavalier

Membre

 

 

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Gaétan Ménard

Membre

 

 

 

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