Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Saskatchewan Government and General Employees’ Union,

plaignant,

et

Cowessess First Nation #73,

intimée.

Dossiers du Conseil : 30493‑C

                                    30715‑C

Référence neutre : 2016 CCRI 812

Le 4 mars 2016

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, ainsi que de M. Daniel Charbonneau et Me Robert Monette, Membres.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour rendre la présente décision sans tenir d’audience.

Procureurs inscrits aux dossiers

Me Greg D. Fingas, pour le Saskatchewan Government and General Employees’ Union;

Me Nathan Phillips, pour Cowessess First Nation #73.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice‑président.

I. Contexte

[1] Le Saskatchewan Government and General Employees’ Union (SGEU) a présenté une demande d’accréditation pour représenter une unité de négociation chez Cowessess First Nation #73 (Cowessess). Le SGEU est maintenant accrédité. Le SGEU a aussi déposé des plaintes de pratique déloyale de travail. Le SGEU a en outre déposé une plainte dans laquelle il allègue que Cowessess n’a pas négocié de bonne foi.

[2] Un autre banc du Conseil examine la plainte de négociation de mauvaise foi.

[3] La présente décision décrit les conséquences éventuelles auxquelles s’expose Cowessess pour avoir négligé à plusieurs reprises de s’acquitter de ses obligations en tant que partie et de se conformer à des directives précises du Conseil.

[4] Durant une téléconférence de gestion des affaires (TGA) tenue le 25 février 2016, le Conseil a informé Cowessess que, si elle négligeait à nouveau de se conformer à une directive du Conseil concernant, entre autres choses, le sommaire du témoignage de ses témoins, elle se verrait alors refuser le droit de présenter d’autres éléments de preuve, comme le prévoit le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (Règlement).

[5] Le Conseil passerait alors à l’étape de la présentation des plaidoiries finales, lesquelles seront présentées sous forme d’observations écrites, comme en ont déjà convenu les parties.

[6] Voici les motifs de la décision du Conseil.

II. Faits

[7] Il s’agit d’un cas sans précédent pour le Conseil. Selon l’expérience du banc actuel, jamais le Conseil n’a eu à investir autant de temps pour tâcher activement de faire avancer une affaire.

[8] Ce travail a été rendu nécessaire en grande partie, mais non exclusivement, parce que Cowessess se dérobe continuellement à ses obligations, que celles‑ci découlent du Règlement ou de directives précises du Conseil.

[9] Un bref résumé de l’historique de l’affaire permettra de mettre les choses en contexte.

A. Défaut de présenter des observations dans deux affaires (dossiers nos 30388‑C et 30493‑C)

[10] Cowessess a négligé de présenter des observations dans le cadre d’une demande d’accréditation et d’une plainte de pratique déloyale de travail, comme l’a décrit le Conseil dans Cowessess First Nation #73, 2016 CCRI LD 3259 :

Le 13 juin 2014, le Conseil a rendu une ordonnance d’accréditation provisoire au requérant, le Saskatchewan Government and General Employees’ Union (le SGEU). Dans Cowessess First Nation #73, 2014 CCRI LD 3232, le Conseil a exposé aux parties les motifs de sa décision et a aussi établi un échéancier pour la présentation d’observations sur la question relative à trois exclusions contestées.

Comme c’est l’employeur, Cowessess First Nation #73, qui a demandé ces exclusions de l’unité de négociation, c’est à lui qu’incombait le fardeau de la preuve.

L’employeur avait jusqu’au 3 juillet 2014 pour présenter sa réponse. Le Conseil n’a toujours rien reçu.

Le 9 juin 2014, le SGEU a déposé une plainte de pratique déloyale de travail (PDT), dans laquelle il allègue que l’employeur a commis des actes en violation de plusieurs dispositions relatives aux plaintes de PDT, y compris les paragraphes 24(4), 94(1) et 94(3) du Code.

Le 10 juin 2014, le Conseil a transmis une copie de la plainte de PDT à l’employeur intimé. L’employeur avait cinq (5) jours pour répondre à la plainte. Le SGEU a lui aussi signifié la plainte à l’employeur le 10 juin 2014.

Le 16 juin 2014, Me Mervin C. Phillips, procureur pour l’employeur, a écrit au Conseil ce qui suit :

La Cour fédérale a rendu sa décision le vendredi 13 juin 2014. Cette décision est portée en appel, et une demande de suspension a été présentée.

Jusqu’à ce que l’affaire soit réglée, Cowessess First Nation n’est pas en mesure de répondre à la plainte de pratique déloyale de travail envoyée par le Conseil canadien des relations industrielles au Chef Terrance Lavallee le 10 juin 2014.

(traduction)

Le Conseil n’est pas au courant de l’instance devant la Cour fédérale dont fait mention Me Phillips. Le 25 juin 2014, le SGEU a écrit au Conseil, renvoyant à une résolution datée du 11 juin 2014 autorisant Me Phillips à s’occuper du dossier de la plainte de PDT. Le Conseil n’a pas de copie de cette résolution.

Le Conseil n’a jamais reçu de réponse à la plainte de PDT de la part de l’employeur.

Dans les deux dossiers susmentionnés, l’employeur n’a pas respecté les échéances établies par le Conseil en ce qui a trait à la présentation d’observations. Le Conseil a déjà informé les parties par écrit qu’il peut trancher toute affaire en se fondant uniquement sur le contenu de son dossier écrit.

Bien que le dossier fasse vaguement état de questions soulevées devant la Cour fédérale, les processus du Conseil n’ont été suspendus ni par le Conseil lui‑même ni par un tribunal.

Par conséquent, l’employeur aura un dernier délai de dix (10) jours pour formuler des observations à l’égard des deux dossiers susmentionnés. Ces observations devront être présentées au plus tard le 6 août 2014.

Si l’employeur ne présente pas de réponse, le Conseil entreprendra l’examen des affaires, et pourra notamment, s’il est justifié de le faire, trancher les dossiers en se fondant sur les observations dont il dispose déjà.

(pages 2-3; souligné dans l’original)

[11] Le Conseil avait donné à Cowessess une deuxième chance de répondre. Il s’est avéré que le défaut de présenter des actes de procédure – qui avait obligé le Conseil à prendre cette mesure inhabituelle la première fois – allait se reproduire.

B. Sommaires des témoignages anticipés

[12] Dans le cadre de son processus de production, le Conseil exige que les parties à une audience communiquent les documents sur lesquels elles entendent s’appuyer ainsi que des sommaires des témoignages anticipés de leurs témoins.

[13] Le SGEU a fourni à Cowessess des sommaires détaillés des témoignages de ses témoins avant le début de l’audience. Cependant, comme il est décrit dans Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI 762 (Cowessess 762), le Conseil a dû intervenir d’urgence parce que Cowessess avait fourni des sommaires des témoignages anticipés que le Conseil a décrits comme « essentiellement inutiles » (paragraphe 6). Le Conseil a expliqué l’importance de ces sommaires et a attiré l’attention sur les conséquences auxquelles s’expose une partie qui ne s’acquitte pas de ses obligations :

[19] Dans le cadre de procès civils, les procureurs acceptent habituellement pendant le processus d’interrogatoire préalable de s’échanger le sommaire du témoignage anticipé de leurs témoins respectifs, ce qui permet d’éliminer en partie les surprises.

[20] À l’article 27 du Règlement, ce type de production d’éléments de preuve est adapté de manière à voir à ce que chaque partie comprenne bien les éléments de preuve que l’autre produira. Cette façon de faire est essentielle dans une procédure relative aux relations du travail où l’interrogatoire préalable n’est pas utilisé en raison des coûts et des retards que cela implique.

[21] L’alinéa 27(1)b) énonce les obligations des parties de fournir une liste des témoins ainsi qu’un « sommaire de l’information que chacun d’eux est censé fournir sur les questions soulevées par la demande, la réponse ou la réplique » :

27. (1) La partie qui entend présenter une preuve dépose six exemplaires des documents ci‑après auprès du Conseil ou selon le nombre exigé par celui‑ci :

b) la liste des témoins cités – noms et professions – accompagnée d’un sommaire de l’information que chacun d’eux est censé fournir sur les questions soulevées par la demande, la réponse ou la réplique.

(c’est nous qui soulignons)

[22] Le Conseil a pour habitude de joindre des formulaires à ses lettres d’audience afin d’aider les parties à se conformer aux exigences de l’alinéa 27(1)b). Il faut inscrire dans ces formulaires le nom du témoin et un sommaire de son témoignage.

[23] Pour souligner l’importance de la production d’éléments de preuve et de documents, précisons que le manquement à cette obligation peut entraîner des conséquences importantes :

27. (4) Le Conseil peut refuser de considérer tout document ou témoignage invoqué par la partie qui a négligé de se conformer aux paragraphes (1), (2) ou (3).

[24] De toute évidence, une partie peut subir un préjudice si elle prépare des sommaires conformes alors que la partie opposée ne lui fournit aucun sommaire étoffé du témoignage de ses témoins.

[25] En règle générale, le Conseil laisse aux procureurs le soin de veiller à la conformité aux exigences en matière de sommaires, car ils connaissent le fondement factuel mieux que le Conseil. Mais le Conseil interviendra si un manquement à ces exigences est susceptible de causer un préjudice à l’une des parties, et ainsi nuire au bon déroulement de l’audience.

[26] Le Conseil s’est prononcé sur la nécessité de produire des éléments de preuve dans Plante, 2011 CCRI 582 :

[53] Le Conseil a adopté une politique explicite qui exige la production de documents et d’éléments de preuve avant l’audience. Cette pratique encourage les parties à jouer cartes sur table et à chercher des façons de régler l’affaire. Elle permet aussi au Conseil de bien se préparer pour les audiences.

[54] En relations du travail, il existe une pratique, unique au Québec, qui permet à la partie à laquelle incombe le fardeau de la preuve d’appeler le plaignant ou l’auteur du grief comme premier témoin. Contrairement aux provinces qui appliquent les principes de common law, au Québec, la partie qui a le fardeau de la preuve n’est pas liée par le témoignage du plaignant. Néanmoins, cette pratique constitue une forme de communication des faits de la partie opposée.

[55] Dans le passé, le Conseil a respecté cette pratique québécoise de longue date. En l’espèce, le plaignant n’a pas été le premier témoin appelé. Cependant, même s’il avait été le premier témoin, ce processus n’aurait pas remplacé l’obligation de se conformer aux dispositions du Règlement qui exigent la présentation d’un résumé des témoignages anticipés de chaque témoin.

[56] Le Règlement a été conçu de façon à éviter que les parties soient surprises par les éléments de preuve présentés. Cette règle n’assure pas seulement des audiences équitables, elle permet aussi au Conseil de mener ses audiences efficacement et d’éviter des ajournements qui entraînent une perte de temps.

[27] Dans Rogers Radio (CJMXFM), 2003 CCRI 246, le Conseil a examiné la façon dont il doit appliquer le Règlement lorsqu’il y a manquement à l’obligation de fournir des sommaires :

[22] Ce qui précède ne veut pas dire que, dans son examen de ce dont il est saisi, le banc de révision soit d’avis que l’application rigoureuse du Règlement de 2001 dans toutes les circonstances était contraire aux règles de justice naturelle. Toutefois, il tient, par principe, à ce qu’on interprète largement les facteurs pertinents lorsqu’il est question d’exclure une preuve apparemment pertinente, en raison de l’importance primordiale de prendre grand soin d’assurer l’intégrité des procédures d’audience du Conseil.

(souligné dans l’original)

[14] Dans Cowessess 762, le Conseil a dû enjoindre à Cowessess de s’acquitter de ses obligations en vertu du Règlement :

[28] Le 19 février 2015, le SGEU a fourni à Cowessess des sommaires contenant les renseignements précis requis, conformément à l’avis d’audience du Conseil. Ces sommaires ont permis à Cowessess de prendre connaissance des éléments de preuve que le SGEU entendait présenter par l’entremise de ses témoins, si cela s’avérait nécessaire, après la présentation de la preuve de Cowessess, qui ferait comparaître ses témoins en premier.

[29] Le 20 février 2015, Cowessess a déposé ses sommaires. Comme l’exige l’article 27 du Règlement, ces sommaires donnaient clairement le nom des témoins de Cowessess, à l’exception d’un témoin expert dont le nom n’a pas été précisé.

[30] Cependant, contrairement aux sommaires fournis par le SGEU, tous les sommaires de Cowessess contenaient la mention suivante, bien inutile : « Nous démentirons les allégations contenues dans les plaintes et les déclarations des témoins suivants : (noms de divers témoins du SGEU) » (traduction). Le Conseil savait déjà que Cowessess refusait les allégations factuelles du SGEU. La suggestion de Cowessess, selon laquelle la réponse qu’elle avait présentée pour chacune des plaintes rendait ses sommaires conformes d’une manière ou d’une autre, ne tient aucun compte ni du libellé du Règlement ni des formulaires que le Conseil lui a envoyés avec son avis d’audience du 26 septembre 2014.

[31] Le Conseil, dans son avis d’audience, a explicitement demandé « pour chaque témoin cité à comparaître, son nom et son titre de poste, et un bref exposé de son témoignage (formulaires ci‑joints) ».

[32] Le fardeau de la preuve incombe à Cowessess en ce qui a trait à plusieurs questions qu’a soulevées le SGEU dans ses plaintes. Les sommaires de Cowessess doivent contenir le témoignage de ses témoins sur les questions précises qu’a soulevées le SGEU dans ses plaintes. Le fait que Cowessess présentera sa preuve en premier à l’audience ou qu’elle a répondu aux deux plaintes ne suffit pas.

[33] Aux fins des présentes affaires, le Conseil ordonne à Cowessess de fournir au SGEU des sommaires conformes au plus tard le jeudi 26 février 2015 à 14 h (heure de la Saskatchewan). Le Conseil est convaincu que cette mesure permettra de régler ce problème qui n’a pas lieu d’être.

(souligné dans l’original)

C. Défaut d’assister à une téléconférence de gestion des affaires (TGA)

[15] Le 19 mars 2015, à la suite des premières journées d’audience à Regina, le Conseil a fixé d’autres dates d’audience et a informé les parties par écrit qu’il tiendrait une autre TGA le 13 juillet 2015. La TGA est un outil très précieux pour le Conseil, étant donné que celui‑ci doit voyager partout au Canada pour remplir ses fonctions.

[16] Or, la plupart du temps, les parties n’ont pas besoin de prendre part à des TGA lorsque l’audience est déjà commencée.

[17] Malgré l’avis écrit que lui avait fait parvenir le Conseil, Cowessess ne s’est pas jointe à la TGA. Le Conseil a dû procéder en son absence, comme il l’a décrit dans sa décision Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI LD 3459, rendue le 14 juillet 2015 :

Dans une lettre datée du 19 mars 2015, le Conseil a indiqué que les audiences concernant ces affaires se poursuivraient du 29 au 31 juillet 2015 et du 18 au 20 août 2015. Le Conseil avait également fixé la prochaine téléconférence de gestion des affaires (TGA) au 13 juillet 2015, à 11 h HNC (13 h HNE).

Me Fingas s’est joint à la TGA du 13 juillet 2015, mais aucun représentant de Phillips & Co ne l’a fait.

Après un bref temps d’attente, le Conseil a poursuivi la TGA, conformément au Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (Règlement). Selon le paragraphe 47(2) du Règlement, si une partie ne se présente pas à une conférence préparatoire après avoir été avisée de sa tenue, le Conseil peut aller de l’avant et décider de l’affaire en son absence.

(traduction; page 2)

D. Production de documents

[18] Les problèmes liés à la production de documents constituent un autre aspect que seule une intervention du Conseil, faite de sa propre initiative, semblait pouvoir régler. Cependant, Cowessess n’est pas la seule à blâmer pour ces problèmes, qui n’étaient toujours pas réglés bien des mois après le début de l’audience, comme le décrit la décision Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI LD 3491, rendue le 4 septembre 2015 :

Jusqu’à maintenant, l’audience a progressé avec une extrême lenteur et a accaparé beaucoup du temps et des ressources du Conseil. Il incombe aux parties de travailler de concert pour faire en sorte que chaque jour d’audience prévu se déroule efficacement et soit rentabilisé au maximum.

Les parties doivent notamment s’assurer que leurs témoins sont disponibles pour témoigner à chacun des jours d’audience.

Dans une lettre datée du 10 mars 2015, le Conseil a écrit ce qui suit aux parties :

Le Conseil demande également aux parties de s’entendre sur les faits admissibles afin d’accélérer le témoignage de certains témoins. Dans la même veine, toutes les questions liées à la production de documents doivent être réglées dès maintenant plutôt que la veille des prochaines journées d’audience.

Si l’une ou l’autre des parties décide d’appeler un nouveau témoin au cours de l’audience, elle devra suivre le processus prévu à l’article 27 du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles relativement à l’avis et au sommaire du témoignage de cette personne.

(traduction)

Malgré la demande du Conseil, qu’il a dû répéter à plusieurs reprises au cours des journées d’audience subséquentes, la question de la production de documents n’est toujours pas résolue, et ce, même après neuf (9) journées d’audience. Cette situation ne peut que retarder davantage la procédure du Conseil.

Dans Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI 762 (Cowessess 762), le Conseil a fait observer que les sommaires des témoignages des témoins devaient être échangés. D’autres témoins, outre ceux dont le témoignage est déjà prévu, pourraient être appelés à témoigner, mais il incombe aux parties d’échanger les sommaires exigés. Dans Cowessess 762, le Conseil a examiné les conséquences de l’inobservation de cette obligation.

(traduction; page 2)

[19] Le Conseil a dû revenir sur la question de la production de documents dans Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI LD 3508, datée du 15 octobre 2015 :

2. Production

Les parties ont indiqué qu’elles n’avaient toujours pas résolu les questions en suspens liées à la production de documents, même si elles s’étaient vu accorder du temps à la dernière audience soit pour les régler, soit pour présenter des arguments au banc à cet égard. Les parties avaient alors avisé le Conseil qu’elles avaient convenu d’un processus pour régler ces questions; par conséquent, aucun argument n’avait été présenté. Récemment, les deux parties se sont envoyé quelques documents de plus.

Les parties ont jusqu’au lundi 19 octobre pour présenter leurs observations respectives concernant la production de documents. Toute réponse aux observations de l’autre partie devra être présentée au plus tard le mardi 20 octobre. Le Conseil tranchera ensuite l’affaire, du mieux qu’il le peut, compte tenu de la situation.

(traduction; page 3; souligné dans l’original)

[20] Dans Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI LD 3513, décision qu’il a rendue le 22 octobre 2015, le Conseil a lui‑même réglé la question de la production de documents, puisque les parties ne semblaient toujours pas décidées à la régler :

I. Contexte

Le Conseil a tenu des audiences à Regina, en Saskatchewan, du 3 au 5 mars, du 29 au 31 juillet et du 18 au 20 août 2015. Le Conseil se déplacera à deux autres occasions, durant les semaines du 26 octobre et du 2 novembre 2015.

Malgré toutes ces journées d’audience, les téléconférences de gestion des affaires et les efforts déployés par le Conseil, les parties ne sont pas parvenues à régler les questions en suspens relatives à la production de documents. Certaines questions avaient été soulevées d’abord, et d’autres l’ont été ensuite.

Le Conseil a expliqué l’importance de la production des documents dans Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI 762 (Cowessess 762). En dépit de cette décision, aucune des parties n’a soumis l’une ou l’autre des questions en litige au Conseil en vue de leur résolution.

Le Conseil a plutôt insisté pour que ces questions soient résolues afin d’éviter autant que possible tout nouveau délai inutile dans l’instruction de ces affaires.

Dans une lettre datée du 10 mars 2015, envoyée après des journées d’audience, le Conseil a rappelé aux parties la nécessité de régler les questions liées à la production de documents :

Le Conseil demande également aux parties de s’entendre sur les faits admissibles afin d’accélérer le témoignage de certains témoins. Dans la même veine, toutes les questions liées à la production de documents doivent être réglées dès maintenant plutôt que la veille des prochaines journées d’audience.

(traduction)

Dans la lettre du 4 septembre 2015 qu’il a adressée aux parties, le Conseil a encore une fois expliqué qu’il était nécessaire de résoudre les questions liées à la production de documents :

Malgré la demande du Conseil, qu’il a dû répéter à plusieurs reprises au cours des journées d’audience subséquentes, la question de la production de documents n’est toujours pas résolue, et ce, même après neuf (9) journées d’audience. Cette situation ne peut que retarder davantage la procédure du Conseil.

Dans la décision Cowessess, 2015 CCRI LD 3508 (Cowessess LD 3508), rendue le 15 octobre 2015, le Conseil a de nouveau dû soulever la question de la production de documents, après avoir appris que les parties n’avaient fait que des progrès limités à cet égard :

2. Production

Les parties ont indiqué qu’elles n’avaient toujours pas résolu les questions en suspens liées à la production de documents, même si elles s’étaient vu accorder du temps à la dernière audience soit pour les régler, soit pour présenter des arguments au banc à cet égard. Les parties avaient alors avisé le Conseil qu’elles avaient convenu d’un processus pour régler ces questions; par conséquent, aucun argument n’avait été présenté. Récemment, les deux parties se sont envoyé quelques documents de plus.

Les parties ont jusqu’au lundi 19 octobre pour présenter leurs observations respectives concernant la production de documents. Toute réponse aux observations de l’autre partie devra être présentée au plus tard le mardi 20 octobre. Le Conseil tranchera ensuite l’affaire, du mieux qu’il le peut, compte tenu de la situation.

(traduction; page 3; souligné dans l’original)

Comme les parties n’ont pas résolu la plupart des questions liées à la production de documents entre l’audience qui a eu lieu du 18 au 20 août 2015 et la téléconférence de gestion des affaires du 14 octobre 2015, le Conseil a ordonné aux parties de présenter des observations écrites.

Dans la présente décision, le Conseil résoudra ces questions liées à la production de documents de son mieux, étant donné le temps limité dont il dispose.

(traduction; pages 2-3; souligné dans l’original)

E. Préparation en vue des dates d’audience

[21] Cowessess n’est pas parvenue ou n’a pas été disposée à se présenter dûment préparée aux journées d’audience de façon à ce que le précieux temps d’audience du Conseil soit bien utilisé lorsqu’il se rend à Regina pour entendre les témoignages dans la présente affaire.

[22] Dans Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI 801, le Conseil a décrit une de ces situations où un temps précieux réservé à l’audience a été perdu parce que Cowessess ne s’était pas préparée en conséquence :

[8] Le 11 septembre 2015, Cowessess a allégué que le SGEU et l’un de ses conseillers, M. Don Regel, présent à l’audience du Conseil dans le cadre de la procédure principale, savaient que l’employeur appellerait Mme Alexson à comparaître comme témoin. Mme Alexson n’a pas témoigné l’après‑midi du 19 août 2015, même si toutes les parties intéressées avaient compris de façon générale qu’elle témoignerait. Par conséquent, un temps précieux réservé pour l’audience a été perdu, puisque Cowessess n’avait prévu aucun autre témoignage cet après‑midi‑là afin d’utiliser le temps passé par le Conseil à Regina de manière efficiente.


 

[23] Dans une affaire différente (dossier no 31414‑C) concernant les mêmes parties, un autre banc du Conseil a dû rappeler à Cowessess – ce qu’il a fait dans une lettre datée du 28 janvier 2016 – que des questions liées à d’autres clients ne constituaient pas une excuse acceptable pour ne pas s’être préparé à l’audience du Conseil :

Bien que la date limite pour la présentation de documents ait été reportée, le Conseil n’a toujours pas reçu d’exemplaire des documents de Cowessess de la part de Me Phillips. Le Conseil enjoint donc à Me Phillips de faire ce qui suit :

• signifier ses documents à Me Fingas aujourd’hui et fournir au Conseil une preuve de signification avant la fermeture des bureaux à Ottawa aujourd’hui (17 h – HNE);

• envoyer au Conseil une copie des déclarations détaillées des témoins avant la fermeture des bureaux à Ottawa aujourd’hui (17 h – HNE);

• apporter cinq exemplaires de ses documents à l’audience qui commencera le mardi 2 février 2016. L’audience débutera à 9 h 30 (HNC) le 2 février 2016. Les documents de Cowessess doivent arriver à la salle d’audience au plus tard à 8 h 30, de manière à ce qu’ils puissent être dûment traités avant le début de l’audience.

En vertu du paragraphe 27(4) du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, le défaut de se conformer aux directives ci‑dessus peut amener le Conseil à refuser d’admettre tout document ou d’entendre tout témoignage invoqué à l’audience.

Me Phillips, nous vous demandons de bien vouloir faire preuve de courtoisie et de respect à l’endroit du Conseil, de sa procédure et du procureur de la partie adverse. Nous précisons que vos engagements dans d’autres dossiers ne constituent pas une excuse acceptable pour ne pas respecter les délais de présentation des documents, d’autant plus que la date limite à cet égard avait déjà été reportée à votre demande.

(traduction; souligné dans l’original)

[24] Plus tard dans le même dossier, le Conseil a été aux prises avec des situations semblables et a dû rappeler à Cowessess, dans une lettre datée du 8 février 2016, qu’elle se devait de bien connaître ses documents :

En vue des prochaines journées d’audience, les 11 et 12 février 2016, le Conseil informe les parties de ce qui suit :

1. Lors des séances des 2 et 3 février 2016, le Conseil a dû laisser plus de temps à Me Phillips durant le contre‑interrogatoire afin qu’il puisse passer en revue ses documents. Le Conseil tient à préciser qu’il s’agissait d’un geste de courtoisie unique et que cette situation ne sera plus tolérée. Les procureurs doivent bien connaître leurs documents avant d’interroger les témoins.

2. Le bureau du Conseil doit avoir reçu de Me Phillips les déclarations de témoins pertinentes au plus tard à 16 h (heure normale du Centre) (17 h – heure normale de l’Est) le mardi 9 février 2016.

3. Au début de la séance du 2 février 2016, Me Phillips a demandé de pouvoir fournir des observations finales par écrit. Le Conseil rejette cette demande. Le procureur doit donc être prêt à présenter ses observations finales de vive voix lors des prochaines journées d’audience, les 11 et 12 février 2016.

4. Le Conseil rappelle à Me Phillips de lui présenter un autre recueil de documents de l’intimé. Ce recueil sera remis au Conseil en personne le 11 février 2016.

5. Le Conseil confirme qu’il a reçu des exemplaires du recueil de jurisprudence du SGEU le 2 février 2016. Aucune jurisprudence n’a été reçue de Cowessess. Par conséquent, le Conseil s’attend à ce que Cowessess présente son recueil de jurisprudence le jeudi 11 février, au début de la séance.

6. Par suite de la discussion en personne qu’il a eue avec les parties le jeudi 4 février 2016, le Conseil n’a pas besoin de précision concernant le projet de convention collective du SGEU.

(traduction; souligné dans l’original)

F. Directives du Conseil concernant les témoignages en réplique de Cowessess

[25] Le 18 novembre 2015, dans Cowessess First Nation #73, 2015 CCRI LD 3526 (LD 3526), le Conseil a enjoint à Cowessess de se conformer, bien avant les prochaines dates d’audience, prévues en mai 2016, aux directives suivantes relativement aux témoignages qu’elle ferait entendre en réplique :

Toutefois, longtemps avant ces dates, Me Phillips se conformera aux directives suivantes du Conseil :

i)              il communiquera au SGEU le nom de tous les témoins qu’il souhaite appeler en réplique;

ii)             il assignera ces témoins à comparaître, s’il ne l’a pas déjà fait;

iii)            il fournira au SGEU une déclaration du témoin détaillée relativement au témoignage en réplique que ces témoins sont censé présenter;

iv)            il fournira au SGEU tout autre document qu’il souhaite déposer en preuve au moment du témoignage en réplique de ces témoins.

Me Phillips devra avoir satisfait à ces exigences au plus tard le 15 février 2016.

(page 2; souligné dans l’original)

[26] Cowessess avait jusqu’au 15 février 2016 pour se conformer à ces directives. La TGA du Conseil devait avoir lieu 10 jours plus tard, le 25 février 2016, de manière à ce que les parties aient suffisamment de temps pour régler toute question découlant de la production de documents par Cowessess.

[27] À la TGA du 25 février 2016, le Conseil a appris que Cowessess ne s’était pas conformée à toutes les directives. Elle avait demandé des assignations à comparaître auprès du Bureau régional du Conseil le jour même mais, pour le reste, elle avait tout simplement ignoré les directives du Conseil, même si elle avait eu trois mois pour s’y conformer.

[28] Durant la TGA, le SGEU a demandé que Cowessess soit tenue de donner le nom des témoins qu’elle avait l’intention de faire entendre, et le Conseil a acquiescé à cette demande. Même l’identification de ces témoins a soulevé des questions de pertinence entre les parties, ce qui explique partiellement pourquoi le Conseil avait insisté pour que ces enjeux soient réglés bien avant la date de son prochain voyage à Regina en mai 2016.

III. Analyse et décision

[29] Le Conseil, en tant que maître de sa procédure, doit veiller à ce que les parties ne subissent pas de préjudice en raison de délais injustifiés.

[30] Cela dit, la présente affaire est étonnante. Il arrive rarement, si une telle chose s’est déjà produite, que le Conseil doive s’investir aussi activement pour tenter de résoudre une affaire correctement. Le fait que Cowessess a constamment négligé de se préparer en vue des audiences du Conseil, de se conformer au Règlement et de se conformer aux directives du Conseil est près de constituer un préjudice eu égard aux attentes légitimes du SGEU relatives à une audience juste et expéditive.

[31] Malgré les directives du Conseil, et sans donner de raison valable, Cowessess n’a pas fourni au SGEU le nom des témoins qu’elle se proposait de faire entendre en réplique, ni de sommaires appropriés des témoignages. Cowessess était également tenue, selon la LD 3526, de fournir tout autre document au SGEU.

[32] En formulant ses directives, le Conseil cherchait évidemment à ce que le temps réservé pour l’audience à Regina en mai 2016 ne soit pas gaspillé, et que tout différend puisse être réglé longtemps à l’avance.

[33] Que faut‑il faire devant l’inobservation continue, par Cowessess, des directives du Conseil?

[34] L’article 27 du Règlement décrit déjà les obligations des parties en matière de communication :

27. (1) La partie qui entend présenter une preuve dépose six exemplaires des documents ci‑après auprès du Conseil ou selon le nombre exigé par celui‑ci :

a) tous les documents qu’elle entend produire en preuve, notamment tous les documents déposés avec la demande, la réponse ou la réplique, le cas échéant, reliés dans un ou plusieurs cahiers et séparés par des onglets;

b) la liste des témoins cités — noms et professions — accompagnée d’un sommaire de l’information que chacun d’eux est censé fournir sur les questions soulevées par la demande, la réponse ou la réplique.

(2) Les documents visés au paragraphe (1) doivent être déposés, selon le cas :

a) au plus tard dix jours avant la date prévue pour l’audience, dans le cas du demandeur;

b) au plus tard huit jours avant cette date, dans le cas de l’intimé et de l’intervenant.

(3) Les documents visés au paragraphe (1) doivent être signifiés à toutes les parties dans le délai applicable prévu au paragraphe (2).

[35] L’article 46 du Règlement permet au Conseil de modifier un délai pour assurer la bonne administration du Code. Il s’agit clairement d’une affaire qui nécessitait que le Conseil modifie le délai habituel.

[36] Les conséquences de l’inobservation des exigences relatives à la production de documents, qui ont déjà été expliquées à Cowessess dans Cowessess 762, sont énoncées au paragraphe 27(4) du Règlement :

27.(4) Le Conseil peut refuser de considérer tout document ou témoignage invoqué par la partie qui a négligé de se conformer aux paragraphes (1), (2) ou (3).

[37] Par conséquent, bénéficiant pour une dernière fois de l’indulgence du Conseil, Cowessess aura jusqu’au vendredi 18 mars 2016 pour se conformer aux directives formulées initialement dans la LD 3526.

[38] Si Cowessess ne se conforme pas en tout point aux directives du Conseil, le Conseil refusera alors d’entendre tout témoignage qu’elle invoquera.

[39] Les parties passeront plutôt aux plaidoiries finales par voie d’observations écrites, selon un échéancier serré qui sera établi par le Conseil.

[40] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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