Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

WestJet, an Alberta Partnership,

requérante,

et

Association des pilotes professionnels de WestJet,

intimée.

Dossier du Conseil : 31253-C

Référence neutre : 2016 CCRI 806

Le 13 janvier 2016

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Mes Louise Fecteau et Annie G. Berthiaume et de M. Patric F. Whyte, Vice‑présidents.

Procureurs inscrits au dossier

Me Geoffrey J. Litherland, pour WestJet, an Alberta Partnership;

Me Jesse Kugler, pour l’Association des pilotes professionnels de WestJet.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) habilite le Conseil à trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente demande de réexamen sans tenir d’audience.

I. Nature de la demande

[1] Le 5 août 2015, le Conseil a rendu la décision WestJet, an Alberta Partnership, 2015 CCRI 785 (WestJet 785) (dossier no 31149‑C). Dans cette décision, le Conseil a conclu que, selon la preuve d’adhésion qu’elle avait présentée avec sa demande d’accréditation, l’Association des pilotes professionnels de WestJet (l’APPW ou le syndicat) bénéficiait de l’appui d’au moins 40 % des employés de l’unité de négociation, et le Conseil a ordonné la tenue d’un scrutin de représentation.

[2] Le 24 août 2015, WestJet, an Alberta Partnership (WestJet ou l’employeur), a déposé une demande de réexamen relativement à WestJet 785. L’employeur soutient que le banc initial a commis une erreur de droit ou de principe et a outrepassé sa compétence en ordonnant la tenue d’un scrutin sur la base d’une preuve d’adhésion non vérifiée et de frais d’adhésion qui n’ont pas été acquittés conformément à l’alinéa 31(1)b) du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement).

[3] L’employeur demande au Conseil de déclarer, en vertu du paragraphe 15.1(2) du Code, qu’il a rendu une décision erronée dans WestJet 785. Plus précisément, il demande au Conseil de déclarer que les demandes d’adhésion envoyées à l’APPW par la poste et les frais d’adhésion payés en ligne auraient dû être vérifiés par le syndicat, et que les frais d’adhésion payés en ligne par l’entremise de PayPal (qui incluaient des frais de service payés à PayPal) ne répondaient pas aux exigences de l’alinéa 31(1)b) du Règlement.

II. Position des parties

A. Le syndicat

[4] L’APPW soutient que la demande de réexamen devrait être rejetée pour trois motifs. Premièrement, le syndicat avance que les questions qui ont donné lieu à la demande de réexamen sont théoriques, car le scrutin de représentation a eu lieu, l’APPW n’a pas obtenu le soutien de la majorité, et la demande d’accréditation a été rejetée. La question soulevée par l’employeur est donc conjecturale, car toute décision que pourrait rendre le banc de révision n’aurait pas pour effet de résoudre un litige opposant actuellement les parties.

[5] Deuxièmement, le syndicat soutient que la demande d’avis déclaratoire présentée par l’employeur est infondée. Il avance que le Conseil devrait refuser d’émettre un avis déclaratoire, comme il avait refusé de le faire dans Ledcor Industries Limited, 2003 CCRI 216, et ce, pour la même raison, à savoir qu’il n’y a aucun dossier de preuve solide sur lequel un tel avis pourrait se fonder et qu’un avis déclaratoire ne contribuerait donc à atteindre aucun objectif valable lié aux relations du travail.

[6] Troisièmement, le syndicat affirme que WestJet n’a fourni aucune raison valable pour que le Conseil réexamine sa décision. L’affirmation de l’employeur selon laquelle le banc initial a commis des erreurs de droit ou de principe n’est rien d’autre qu’une opinion différente quant à l’application de l’article 28 du Code.

B. L’employeur

[7] WestJet soutient que, dans WestJet 785, le Conseil a mal interprété son argument concernant la vérification de la preuve d’adhésion présentée par l’APPW. Plus précisément, l’employeur affirme que le Conseil a commis une erreur de droit et de principe en se concentrant exclusivement sur la question de savoir si un mandataire de l’APPW devait être personnellement témoin de chaque signature et de chaque paiement, mais en ne tenant pas compte de l’observation de WestJest selon laquelle l’APPW devait à tout le moins, pour confirmer la validité de la demande ou du paiement, communiquer avec les personnes qui avaient présenté une demande d’adhésion par la poste ou avaient payé leurs frais d’adhésion en ligne.

[8] L’employeur attire l’attention du Conseil sur les modifications récemment apportées à l’alinéa 28(2)c) du Code. Alors que, auparavant, cet alinéa était ainsi libellé : « [le Conseil] est convaincu qu[e]... la majorité des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur », la nouvelle disposition exige que le Conseil soit convaincu, « sur le fondement de la preuve du nombre d’employés membres du syndicat,... [qu’]au moins quarante pour cent des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur ».

[9] WestJet fait valoir que ces modifications ont changé considérablement les conditions qui doivent être remplies pour que le Conseil puisse établir que le niveau de soutien requis a été atteint. Ainsi, dans cette affaire, la preuve d’adhésion devait être le facteur déterminant eu égard à la conclusion du Conseil selon laquelle l’APPW avait l’appui d’au moins 40 % de l’unité de négociation. L’employeur avance ensuite que, étant donné que le syndicat n’a pas vérifié adéquatement la validité de la preuve d’adhésion qu’il a présentée, il n’était pas possible pour le Conseil de conclure, sur la base de la preuve d’adhésion de l’APPW, que 40 % des employés de l’unité de négociation désiraient être représentés par l’APPW.  

[10] L’employeur soutient que le Conseil a commis une erreur de droit en concluant que la décision Technair Aviation Ltée (1990), 81 di 146; et 14 CLRBR (2d) 68 (CCRT no 812) (Technair Aviation) appuie la thèse selon laquelle un syndicat n’est pas tenu de démontrer que ses mandataires ont vérifié l’exactitude et la fiabilité de la preuve d’adhésion. WestJet attire plutôt l’attention sur la déclaration, formulée dans Technair Aviation, selon laquelle il faut que le syndicat « soit en mesure de démontrer qu’il a donné les instructions appropriées à ses mandataires et qu’il a pris des moyens efficaces pour s’assurer que tout le processus respecte les exigences requises par la loi ». Comme l’APPW n’a pas été en mesure de démontrer qu’un de ses mandataires avait été témoin des signatures ou des paiements, ou avait vérifié ceux‑ci d’une autre manière, WestJet avance que le certificat d’exactitude contenait deux fausses déclarations, à savoir : 1) « les formulaires de demande d’adhésion remis au Conseil ont véritablement été signés par les employés dont le nom figure sur la carte d’adhésion aux dates indiquées », et (2) « les cotisations syndicales ou les droits d’adhésion inscrits comme ayant été payés ont de fait été versés par les employés intéressés, en leur propre nom et aux dates indiquées ». Compte tenu de ces lacunes dans la vérification de la preuve d’adhésion, il n’était pas possible pour le Conseil d’établir de manière satisfaisante que le niveau de soutien requis avait été atteint pour que la tenue d’un scrutin soit ordonnée.

[11] En ce qui a trait aux frais d’adhésion de cinq dollars, WestJet soutient que le Conseil a commis une erreur de droit ou de principe en concluant que le versement de la somme de cinq dollars au moyen de PayPal était suffisant pour satisfaire aux exigences de l’alinéa 31(1)b) du Règlement. L’employeur affirme que cette décision n’est pas conforme à l’alinéa 31(1)b) du Règlement, lequel précise que, pour que soit prouvée l’adhésion d’une personne à un syndicat, il faut que cette personne ait « versé au syndicat une somme d’au moins cinq dollars ». Puisqu’on sait que le service PayPal déduit automatiquement des frais de service de la somme versée, un paiement effectué de cette manière ne répond pas à l’exigence selon laquelle une somme d’au moins cinq dollars doit être versée au syndicat, ce qui constitue une irrégularité importante. Par ailleurs, bien que le Conseil ait déclaré « [qu’il] n’examinera pas plus à fond le mode de paiement pour savoir comment le montant versé en frais d’adhésion est utilisé ou administré », le véritable problème, en l’espèce, réside dans le fait que ce sont les personnes qui ont payé au moyen de PayPal (et non le syndicat lui‑même) qui ont choisi de verser une partie de la somme de cinq dollars à un tiers.

[12] Dans sa réplique aux objections que le syndicat oppose à la demande de réexamen, WestJet fait valoir qu’un avis déclaratoire est approprié dans les situations où le Conseil clarifie ou interprète des dispositions législatives nouvellement révisées, ce qui est le cas en l’espèce. L’employeur soutient par ailleurs que les questions liées à la demande ne sont pas théoriques, car la décision du banc initial ne tenait pas compte de la modification apportée à la législation.

III. Analyse et décision

[13] Le syndicat avance que les questions qui sous‑tendent la demande de réexamen sont théoriques. Cependant, étant donné que l’affaire concerne le processus général par lequel le Conseil tranche les demandes d’accréditation, le Conseil estime que, dans cette affaire, il contribuerait à l’atteinte d’un objectif lié aux relations du travail en rendant une décision avec motifs à l’appui.

[14] Le Conseil a décidé de rejeter la demande de réexamen pour les motifs exposés ci‑après.

A. Un réexamen n’est pas un appel

[15] Bien qu’en vertu de l’article 18 du Code, le Conseil dispose du pouvoir discrétionnaire de réexaminer, d’annuler ou de modifier ses décisions, il ne le fera que dans des circonstances exceptionnelles. Selon l’article 22 du Code, les décisions du Conseil sont définitives une fois rendues.

[16] Le Conseil a mentionné à maintes reprises dans ses décisions antérieures que le processus de réexamen se distingue nettement d’un appel.

[17] De même, un banc de révision ne substitue pas son opinion et son évaluation de la preuve à celles du banc initial, et il ne remet pas en question l’exercice du pouvoir discrétionnaire du banc initial.

[18] Le Conseil a récemment insisté sur ces points, dans Mme Z, 2015 CCRI 752 :

III. Le réexamen

[28] Le réexamen n’est pas un appel ni une évaluation de novo de l’affaire initiale. Malgré le fait que l’article 44 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (Règlement) a été abrogé le 18 décembre 2012, cet extrait de Kies, 2008 CCRI 413, demeure pertinent :

[29] L’article 44 du Règlement n’est pas rédigé en des termes exhaustifs et il offre au Conseil la latitude nécessaire pour entendre les rares cas qui ne relèvent pas des motifs énumérés justifiant le réexamen décrits précédemment (voir Hurdman Bros. Ltd. (1982), 51 di 104; et 83 CLLC 16,003 (CCRT no 394)). Ces moyens énumérés démontrent que la procédure de réexamen n’est ni un appel ni une occasion pour une partie de plaider à nouveau l’affaire devant un nouveau banc.

(caractères gras ajoutés)

[29] Dans Williams c. Section Locale 938 de la Fraternité Internationale des Teamsters, 2005 CAF 302, la Cour d’appel fédérale a noté la distinction entre un appel et une demande de réexamen :

[7] Il m’est impossible de dire que la décision du Conseil sur la demande de réexamen était manifestement déraisonnable. Une demande de réexamen n’est pas une possibilité d’obtenir une nouvelle audience et ne constitue pas non plus un appel. Dans son examen de la décision initiale, la formation chargée du réexamen ne pouvait substituer sa propre appréciation des faits à celle de la formation initiale. En l’espèce, vu les faits dont elle a été saisie, la formation initiale a conclu que le syndicat avait le droit de ne pas poursuivre l’affaire et le demandeur n’invoque aucun fait ou motif nouveau qui pourrait modifier cette conclusion.

(caractères gras ajoutés)

B. L’alinéa 28(2)c) du Code

[19] Le paragraphe 28(2) du Code est ainsi libellé :

28 (2) Le Conseil ordonne la tenue d’un scrutin de représentation secret au sein d’une unité lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) il a été saisi par un syndicat d’une demande d’accréditation à titre d’agent négociateur de l’unité;

b) il a déterminé que l’unité est habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu, sur le fondement de la preuve du nombre d’employés membres du syndicat, qu’à la date du dépôt de la demande, au moins quarante pour cent des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(c’est nous qui soulignons)

[20] WestJet avance que le changement dans le libellé des dispositions du Code relatives à l’accréditation impose une nouvelle obligation au Conseil, soit de considérer la preuve d’adhésion comme le facteur déterminant à partir duquel il peut conclure que le syndicat bénéficie ou non du soutien de 40 % des employés de l’unité, avant d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation.

[21] Le Conseil reconnaît que le libellé du Code a changé. Par contre, il est d’avis que le banc initial n’a commis aucune erreur en l’interprétant ou en l’appliquant. Il ressort clairement de la décision elle‑même que la preuve d’adhésion était le « fondement » ou le « facteur déterminant » de la conclusion du Conseil selon laquelle au moins 40 % des employés de l’unité de négociation désiraient être représentés par l’APPW. En fait, dans WestJet 785, le banc initial a explicitement déclaré ce qui suit :

[71] De plus, le Conseil s’est assuré, au moyen d’un examen et d’une enquête menée sur la preuve d’adhésion présentée avec la demande, qu’au moins 40 % des employés de l’unité de négociation désirent être représentés par l’APPW.

[22] En l’espèce, la question à trancher est celle de savoir si la preuve d’adhésion sur laquelle s’est appuyé le Conseil avait été vérifiée et était fiable. Le processus que suit le Conseil pour procéder à cette évaluation n’a pas changé. Le banc initial a traité de cette question dans WestJet 785 : aux paragraphes 41 et 42, il explique que les modifications législatives n’ont rien changé à son obligation et à sa responsabilité d’examiner la preuve d’adhésion pour s’assurer que le niveau de soutien requis a été atteint avant qu’il ordonne la tenue d’un scrutin, et il conclut qu’il doit se fonder sur ses politiques et pratiques existantes pour évaluer et examiner la preuve d’adhésion.

[23] Par conséquent, rien dans cette affaire ne dépend de l’interprétation du nouveau libellé du Code. La question que devait trancher le banc initial était plutôt celle de savoir si la demande d’accréditation était accompagnée d’une preuve d’adhésion suffisante et valide, aux termes de l’article 31 du Règlement, qui démontrait que le niveau de soutien requis de 40 % était atteint. Le banc de révision, quant à lui, doit établir si le banc initial a suivi un processus approprié pour en arriver à la conclusion que c’était bien le cas.

C. L’obligation du syndicat de vérifier la validité de la preuve d’adhésion

[24] WestJet soutient que le Conseil a commis une erreur de droit et de principe en concentrant son analyse exclusivement sur la question de savoir si un mandataire de l’APPW avait personnellement été témoin de la signature des demandes d’adhésion afin d’en vérifier la validité. L’employeur affirme qu’en procédant ainsi, le Conseil a mal interprété son argument et n’a pas traité de sa véritable préoccupation, à savoir que l’APPW était tenue, à tout le moins, de communiquer avec les personnes qui avaient envoyé leur demande par la poste ou payé leurs frais d’adhésion en ligne, afin de confirmer la validité de leur demande ou de leur paiement.

[25] À l’appui de sa position, WestJet soutient que le banc initial a compris, à tort, que Technair Aviation appuyait la thèse selon laquelle un syndicat n’est pas tenu de démontrer que ses mandataires ont vérifié l’exactitude et la fiabilité de la preuve d’adhésion, alors que, selon l’employeur, la conclusion tirée dans cette décision va dans le sens contraire.

[26] Le banc de révision estime que, dans son analyse, le banc initial n’a ni mal compris l’argument de l’employeur ni mal interprété la décision du Conseil dans Technair Aviation.

[27] Le banc initial a exposé en détail la méthode employée par le Conseil pour évaluer la validité et le caractère suffisant de la preuve d’adhésion qu’un syndicat présente à l’appui d’une demande d’accréditation. Il a décrit l’enquête que le Conseil a menée par l’entremise de ses agents enquêteurs afin de vérifier la validité de la preuve d’adhésion présentée. Il a ensuite cité Technair Aviation pour expliquer la nature des obligations du syndicat en ce qui concerne la signature du certificat d’exactitude. Dans ce contexte, les passages de Technair Aviation qui sont cités au paragraphe 60 de WestJet 785 expliquent la pratique qui consiste à ne pas exiger que le dirigeant syndical ayant signé le certificat d’exactitude puisse attester personnellement de toutes les signatures apposées sur les cartes d’adhésion. L’explication à cet égard est qu’une telle approche constituerait un excès de formalisme et une entrave inutile à l’exercice du droit d’association, particulièrement dans des circonstances telles qu’en l’espèce, où l’unité de négociation proposée est de grande taille et les employés sont dispersés dans tout le pays et à l’étranger. En revanche, les passages cités indiquent également qu’il faut que le syndicat « soit en mesure de démontrer qu’il a donné les instructions appropriées à ses mandataires et qu’il a pris des moyens efficaces pour s’assurer que tout le processus respecte les exigences requises par la loi », et que le signataire du certificat d’exactitude doit cependant s’assurer que les cartes répondent aux critères requis.

[28] Contrairement à ce qu’affirme l’employeur, le banc initial n’a pas conclu que Technair Aviation appuie la thèse selon laquelle un syndicat n’est pas tenu de démontrer que ses mandataires ont vérifié l’exactitude et la fiabilité de la preuve d’adhésion. Bien que le banc initial ait souligné que la constatation en personne de la signature des demandes d’adhésion n’était pas absolument obligatoire, il a également reconnu que le syndicat était tenu, dans une perspective plus globale, de prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que le processus suivi pour recueillir la preuve d’adhésion respecte les exigences de la loi, comme le précise Technair Aviation.

[29] Le banc initial a ensuite appliqué ces principes aux faits de l’affaire dont il était saisi, et il a conclu que le syndicat avait établi, par l’entremise de son site Web, un processus permettant aux employés de remplir, de signer et de payer librement une carte d’adhésion. Le banc initial était convaincu que ces mesures constituaient un moyen efficace de s’assurer que la preuve d’adhésion présentée réponde aux exigences du Règlement. Le Conseil s’est exprimé en ces termes :

[55] En l’espèce, les employés ont été invités à consulter le site Web de l’APPW pour obtenir de l’information sur le syndicat et les conséquences de l’accréditation. Ils ont aussi été invités à devenir membre du syndicat en imprimant une carte d’adhésion, en la signant et en la retournant au syndicat par la poste. Il ne fait aucun doute que dans ces circonstances les formulaires d’adhésion ont été présentés volontairement et librement puisque les employés ont décidé eux‑mêmes de signer et de retourner le formulaire au syndicat par la poste. Pour le Conseil, il est crucial de s’assurer que les employés pouvaient exercer librement leur droit démocratique de se joindre ou non au syndicat sans aucune ingérence, coercition ou intimidation.

[56] Dans la plupart des campagnes de syndicalisation, les signatures des cartes de membres et la perception des frais d’adhésion ont habituellement lieu en personne dans un endroit commun. Or, en l’espèce, étant donné que les pilotes sont dispersés du point de vue géographique et que, en raison de la nature de leur travail, ils sont souvent à l’extérieur de leur lieu d’affectation de base, ils doivent s’informer par voie électronique et adhérer au syndicat en retournant leur formulaire d’adhésion par la poste.

[30] Le Conseil a ensuite expliqué qu’il avait lui‑même pris des mesures pour enquêter sur la preuve d’adhésion, soulignant que, dans cette affaire, aucun exemple concret de fraude ou d’irrégularité n’avait été donné en ce qui concerne la preuve d’adhésion, et que le Conseil n’en avait relevé aucun. Le Conseil a donc conclu ce qui suit :  

[61] Le Conseil n’est pas convaincu que le certificat d’exactitude présenté en l’espèce a été rempli de façon malhonnête. Le fait d’exiger que des représentants syndicaux attestent la signature apposée sur chaque carte d’adhésion et le paiement des frais de 5 $ empêcherait effectivement les employés dispersés partout au Canada et à l’étranger d’exercer leur droit d’adhérer au syndicat de leur choix. En l’espèce, le syndicat a établi un processus par l’entremise de son site Web pour permettre aux employés de télécharger, de remplir et de signer librement une carte d’adhésion – qu’ils devaient ensuite poster au syndicat –, et d’effectuer un paiement de 5 $ par voie électronique. Grâce à ces mesures, la preuve d’adhésion présentée respectait les exigences du Règlement.

[31] À la lumière de ce qui précède, le banc de révision ne peut conclure que le banc initial a mal compris l’argument de l’employeur concernant l’obligation du syndicat de vérifier la preuve d’adhésion qu’il présente, ou que le banc initial a mal interprété l’opinion du Conseil dans Technair Aviation. Il est évident que le banc initial a compris que le syndicat était tenu de vérifier la preuve d’adhésion qu’il présente. Ni le Règlement ni la décision du Conseil dans Technair Aviation n’énoncent explicitement les mesures que le syndicat doit prendre afin de vérifier la validité de sa preuve d’adhésion. Le banc initial s’est penché sur cette question et a estimé que, dans les circonstances, le processus suivi et les mesures prises par le syndicat étaient suffisants et que, étant donné les résultats de sa propre enquête, il n’avait aucune raison de croire le contraire.

[32] En définitive, le Conseil a pour rôle et pour obligation de s’assurer que la preuve d’adhésion présentée par le syndicat à l’appui de sa demande est valide et fiable, c’est‑à‑dire qu’elle confirme que les employés souhaitent véritablement que le syndicat les représente. Le banc initial s’est penché sur cette question et a finalement conclu que la preuve d’adhésion présentée rendait compte fidèlement de la volonté des employés.

[33] Chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits et des circonstances qui lui sont propres. En l’espèce, il n’y a eu aucune allégation d’irrégularité, et l’enquête du Conseil n’a permis d’en relever aucune. Le banc de révision estime que le banc initial n’a pas commis d’erreur en acceptant la méthode employée par le syndicat pour recueillir et vérifier la preuve d’adhésion. En outre, le Conseil était fondé à conclure, sur le fondement de la preuve d’adhésion présentée à l’appui de la demande, que quarante pour cent des employés de l’unité de négociation désiraient être représentés par l’APPW.

D. Le versement de cinq dollars au syndicat

[34] Le paragraphe 31(1) du Règlement prévoit ce qui suit :

a) le dépôt d’une demande d’adhésion au syndicat revêtue de sa signature;

b) la preuve qu’elle a versé au syndicat une somme d’au moins cinq dollars, à l’égard ou au cours de la période de six mois précédant la date de dépôt de la demande.

[35] L’employeur avance que le banc initial a commis une erreur de droit ou de principe en ne tenant pas compte du libellé du paragraphe 31(1) du Règlement, lequel exige que la somme de cinq dollars soit versée « au syndicat ». Le banc initial a plutôt porté son attention sur le fait qu’une somme de cinq dollars avait été versée (même si une partie de cette somme était allée au fournisseur de services, PayPal).

[36] Cette question précise a été soulevée par l’employeur dans sa réponse à la demande d’accréditation et a été examinée par le banc initial. Dans WestJet 785, le Conseil s’est exprimé ainsi :

[64] Le paiement de 5 $ a pour but de démontrer l’engagement de l’employé à se joindre au syndicat et à contribuer financièrement aux activités de celui‑ci. En effectuant le paiement, l’employé reconnaît l’importance de l’adhésion syndicale. Comme l’a précisé le Conseil dans Société de développement du Cap-Breton (1977), 20 di 301; [1977] 2 Can LRBR 148; et 77 CLLC 16,087 (CCRT n° 85), la preuve d’adhésion ne serait acceptée que si les employés ont volontairement, et en leur propre nom, pris des mesures additionnelles pour démontrer leur appui au syndicat, c’estàdire en lui versant une contribution financière...

[65] Dans l’affaire qui nous occupe, la source du paiement n’est pas en cause. Il est indiqué clairement dans la demande que certains paiements ont été effectués en personne, d’autres ont été faits par chèque, tandis que d’autres ont été effectués en ligne, au moyen de PayPal. Les vérifications faites par l’ARI confirment que ce mode de paiement était à la disposition des membres qui souhaitaient payer par voie électronique, et l’enquête n’a révélé aucune irrégularité relativement à son utilisation. Personne n’a tenté d’induire le Conseil en erreur.

[66] Le Conseil rejette l’argument selon lequel, parce qu’une portion du paiement a été versée au fournisseur de services, le membre n’a pas versé « une somme de 5 $ au syndicat » [traduction] conformément aux Règlements. Le fait d’effectuer le paiement pour appuyer la demande d’adhésion suffit pour démontrer que la personne s’engage à devenir membre du syndicat. Le Conseil n’examinera pas plus à fond le mode de paiement pour savoir comment le montant versé en frais d’adhésion est utilisé ou administré. Cela n’est pas le rôle du Conseil.

(c’est nous qui soulignons)

[37] Quand le Conseil est appelé à établir si une certaine conduite est conforme aux exigences du Règlement, il est tout à fait approprié qu’il se penche sur l’objet de ces exigences et qu’il les mette en contexte. C’est ce que le banc initial a fait de façon adéquate quand il a traité de l’importance du paiement, ou de la contribution financière, versé à l’appui de la demande d’adhésion.

[38] Il est évident qu’en plus de procéder ainsi, le banc initial a également pris en considération l’argument selon lequel la totalité de la somme de cinq dollars n’avait pas été versée directement au syndicat. Le banc initial a souligné que son agent enquêteur avait confirmé que la possibilité de payer par voie électronique avec PayPal avait été offerte par le syndicat aux employés en tant que moyen acceptable d’acquitter les frais d’adhésion. À cet égard, il peut être considéré que le syndicat avait compris et accepté qu’il devrait éventuellement renoncer au montant correspondant aux frais de service prélevés sur le paiement des employés qui choisiraient de payer par voie électronique au moyen de PayPal.

[39] Le banc de révision ne peut conclure que le banc initial a commis une erreur de droit ou de principe quand il a établi que le paiement des frais d’adhésion de cinq dollars par un employé au syndicat, de cette manière et dans ces circonstances, était conforme à l’esprit et à l’objet de l’alinéa 31(1)b) du Règlement et ne constituait pas une irrégularité importante, contrairement à ce qu’affirme l’employeur.

IV. Conclusion

[40] WestJet n’a pas convaincu le banc de révision que le banc initial avait commis une erreur de droit ou de principe dans son interprétation ou son application du paragraphe 28(2) du Code, de l’alinéa 31(1)b) du Règlement ou de la décision Technair Aviation, rendue antérieurement par le Conseil.

[41] L’employeur n’a soulevé aucune question de fond qui justifierait de modifier la décision rendue par le Conseil dans WestJet 785. Le fait que l’employeur ne souscrive pas aux conclusions du banc initial ne constitue pas une raison suffisante ou un motif approprié qui justifierait le réexamen de cette décision.

[42] Pour les motifs ci‑dessus, la demande de réexamen présentée par WestJet est rejetée.

[43] Avant de conclure, le Conseil fait observer que la requérante lui demandait d’émettre un avis déclaratoire en vertu du paragraphe 15.1(2) du Code. Étant donné que le Conseil a rejeté la présente demande de réexamen avec motifs à l’appui, il ne voit pas la nécessité d’émettre un avis déclaratoire et refuse de le faire.

[44] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

Traduction

 

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Louise Fecteau

Vice-présidente

 

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Annie G. Berthiaume

Vice-présidente

 

 

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Patric F. Whyte

Vice-président

 

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