Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Association des pilotes professionnels de WestJet,

requérante,

et

WestJet, an Alberta Partnership,

employeur,

et

WestJet Pilots Association,

intervenante.

Dossier du Conseil : 31149-C

Référence neutre : 2015 CCRI 785

Le 5 août 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de MGinette Brazeau, Présidente, et de Me Richard Brabander et M. Daniel Charbonneau, Membres.

Procureurs inscrits au dossier

Me Jesse Kugler, pour l’Association des pilotes professionnels de WestJet;

Me Geoffrey J. Litherland, pour WestJet, an Alberta Partnership;

Me Michael D.A. Ford, c.r., pour la WestJet Pilots Association.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Ginette Brazeau, Présidente.

I. Contexte

[1] Le 22 juin 2015, l’Association des pilotes professionnels de WestJet (l’APPW ou le syndicat) a présenté une demande d’accréditation en vue d’être accréditée à titre d’agent négociateur d’une unité de pilotes de WestJet Airlines ltée. Dans une décision‑lettre datée du 26 juin 2015 (WestJet, an Alberta Partnership, 2015 CCRI LD 3443), le Conseil a accepté l’entente convenue par les parties en vue de modifier la description de l’unité de négociation proposée et de changer le nom de l’employeur pour WestJet, an Alberta Partnership (WestJet ou l’employeur). Compte tenu de cette modification, le syndicat sollicite l’accréditation à titre d’agent négociateur d’une unité composée de :

tous les pilotes qui travaillent pour WestJet, an Alberta Partnership, à l’exclusion des chefs, des « S3 », des gestionnaires des pilotes de flottes régulières, du pilote en chef, des directeurs, des superviseurs et de ceux de niveau supérieur.

[2] Deux organisations qui défendent les intérêts des employés ne faisant pas partie du personnel de direction chez WestJet ont demandé l’autorisation d’intervenir dans l’instance. La WestJet Proactive Communication Team (la PACT) ainsi que la WestJet Pilots Association (la WJPA ou l’intervenante), un sous‑groupe de la PACT représentant les intérêts particuliers des pilotes, ont toutes les deux demandé la qualité d’intervenante, précisant qu’elles avaient représenté et défendu les pilotes chez WestJet pendant plus de 15 ans et qu’elles étaient directement concernées par le résultat de la demande d’accréditation.

[3] Dans une décision‑lettre datée du 8 juillet 2015 (WestJet, an Alberta Partnership, 2015 CCRI LD 3453), le Conseil a accordé à la WJPA la qualité d’intervenante de manière restreinte et l’a invitée à présenter d’autres observations sur la question de la portée de l’unité de négociation.

[4] Le 16 juillet 2015, après avoir examiné toutes les observations des parties, le Conseil a ordonné la tenue d’un scrutin de représentation par voie électronique.

[5] L’ordonnance du Conseil no 769-NB est ainsi libellée :

ATTENDU QUE le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) a reçu une demande de l’Association des pilotes professionnels du WestJet, en vertu du paragraphe 24(1) du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code), en vue d’être accréditée à titre d’agent négociateur d’une unité d’employés de WestJet, an Alberta Partnership, comprenant :

tous les pilotes qui travaillent pour WestJet, an Alberta Partnership, à l’exclusion des chefs, des « S3 », des gestionnaires des pilotes de flottes régulières, du pilote en chef, des directeurs, des superviseurs et de ceux de niveau supérieur;

ET ATTENDU QUE, après enquête sur la demande et examen des observations des parties en cause, le Conseil a déterminé que la requérante est un syndicat au sens où l’entend ledit Code et que l’unité de négociation décrite ci-dessus est habile à négocier collectivement, et il est convaincu que, à la date de présentation de la demande, au moins quarante pour cent des employés faisant partie de l’unité de négociation désiraient être représentés par l’Association des pilotes professionnels du WestJet;

EN CONSÉQUENCE, en vertu du paragraphe 28(2) du Code, le Conseil canadien des relations industrielle ordonne la tenue d’un scrutin de représentation par voie électronique auprès des employés mentionnés dans l’unité de négociation décrite ci-dessus;

DE PLUS, le Conseil ordonne que les employés admissibles à voter soient ceux mentionnés dans l’unité de négociation décrite ci-dessus qui étaient au service de l’employeur le 22 juin 2015 et qui le seront toujours le jour du scrutin;

ET DE PLUS, le Conseil ordonne à l’employeur de transmettre immédiatement par courriel une copie de l’Avis de scrutin du Conseil et de la liste des votants à tous les votants admissibles;

ET DE PLUS, le Conseil nomme M. Ken Chiang à titre de directeur de scrutin afin de superviser la tenue du scrutin de représentation;

ET DE PLUS, le Conseil exposera par écrit les motifs au soutien de la présente ordonnance en temps opportun.

DONNÉE à Ottawa, ce 16e jour de juillet 2015, par le Conseil canadien des relations industrielles.

[6] Voici les motifs pour lesquels le Conseil a rendu l’ordonnance.

II. La position des parties

A. L’employeur

[7] WestJet demande instamment au Conseil de rejeter la demande d’accréditation. WestJet soutient que le Conseil doit être convaincu que le syndicat bénéficie de l’appui requis de 40 % des employés de l’unité de négociation avant d’ordonner la tenue d’un scrutin en vertu de l’article 28 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code). À son avis, la preuve d’adhésion présentée à l’appui de la demande est invalide en raison des mécanismes que le syndicat a utilisés pour la recueillir. Plus précisément, WestJet soutient qu’aucun représentant syndical n’a pu être présent au moment de la signature des demandes d’adhésion puisqu’elles ont été envoyées par la poste. Elle soulève aussi le fait que les frais d’adhésion ont été payés par voie électronique à l’aide de PayPal. Elle prétend donc que le certificat d’exactitude du syndicat a été rempli de façon malhonnête. Elle soutient que ces problèmes minent la fiabilité de la preuve, de sorte que le Conseil ne peut en confirmer la véracité ou l’exactitude. Elle affirme que la preuve d’adhésion n’est pas conforme aux exigences prévues par le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) ni aux pratiques du Conseil.

[8] L’employeur soulève également des questions quant à la longueur de la campagne d’accréditation et se demande si l’exigence réglementaire de verser la somme de 5 $ au syndicat au cours de la période de six mois précédant la présentation de la demande a été satisfaite en l’espèce. Il se fonde sur des bulletins et des messages publiés sur la page Web et la page Facebook de l’APPW, qui invitaient les membres à renouveler leurs cartes d’adhésion sans préciser qu’ils devraient payer de nouveau la somme de 5 $.

[9] Selon l’employeur, ces contradictions ne sont pas que des irrégularités techniques et devraient inciter le Conseil à rejeter la preuve d’adhésion.

[10] L’employeur n’a pas contesté la description de l’unité de négociation proposée et son habileté à négocier collectivement. À la suite d’un examen et d’une discussion avec l’agent des relations industrielles (ARI), l’employeur et le syndicat se sont entendus sur la liste de 1 260 employés faisant partie de l’unité de négociation proposée.

[11] En réponse aux observations de l’intervenante concernant la portée de l’unité de négociation, l’employeur soutient qu’une unité composée uniquement des pilotes de WestJet est habile à négocier collectivement. Il soutient que les pilotes d’aéronefs Q400 travaillent pour WestJet Encore ltée (Encore), un employeur distinct, et qu’ils sont régis par des modalités et des conditions d’emploi distinctes. Il affirme que, bien qu’il existe une entente de transfert permettant aux pilotes d’Encore de pourvoir des postes vacants chez WestJet, ces pilotes seraient tenus de démissionner de leur poste à Encore, pour devenir ensuite des employés de WestJet.

[12] L’employeur soutient également que les pilotes de WestJet et les pilotes d’Encore ne partagent aucune communauté d’intérêts. Il affirme qu’ils pilotent des aéronefs différents, qu’ils travaillent à partir d’endroits différents et qu’ils exploitent des itinéraires différents. Ils ont aussi des taux de rémunération différents, sont régis par des modalités et des conditions d’emploi différentes et ne peuvent passer librement d’une entreprise à l’autre. L’employeur est d’avis que l’unité proposée est habile à négocier collectivement.

B. La WJPA (intervenante)

[13] La WJPA est intervenue sur la question de la portée de l’unité de négociation. La WJPA n’est pas un syndicat et ne dispose d’aucun statut en vertu du Code. Elle a été créée en 1999 en tant que sous‑groupe de la WestJet ProActive Communication Team pour défendre les intérêts des pilotes auprès de la direction de l’employeur.

[14] La WJPA affirme que l’unité de négociation devrait inclure les pilotes des deux entreprises, WestJet et Encore, puisqu’ils sont actuellement représentés par une seule association. La WJPA explique qu’Encore a été établie à titre de transporteur régional dans le cadre d’une entente conclue entre la WJPA et WestJet Airlines ltée, initiative appuyée par une majorité des pilotes de WestJet qui se sont prononcés en faveur de la création d’un transporteur régional. Elle ajoute que, en juillet 2014, une entente de principe (EP) a été conclue entre la WJPA, WestJet et Encore en vue d’établir la liste de la division des pilotes de WestJet qui regroupe tous les pilotes selon leur date d’embauche et est utilisée pour pourvoir des postes vacants et pour régir le transfert des pilotes d’Encore à WestJet. Elle explique que cette entente a été ratifiée par la majorité des pilotes de WestJet et d’Encore, et elle affirme que cela témoigne du désir de tous les pilotes de préserver cette structure de représentation.

[15] La WJPA prétend que les pilotes de WestJet et les pilotes d’Encore partagent une communauté d’intérêts en raison de la similarité de leurs conditions de travail, de leurs qualifications, de leur orientation et de leur cheminement de carrière. Elle soutient que, si le syndicat est accrédité pour représenter une unité ne comprenant que les pilotes de WestJet, cela nuira à la mobilité des pilotes et déstabilisera la structure actuelle compte tenu de l’intégration entre les pilotes de WestJet et les pilotes d’Encore. À son avis, l’exclusion des pilotes d’Encore de l’unité n’a aucun sens sur le plan des relations industrielles puisque ce sont les pilotes eux‑mêmes qui ont établi la structure actuelle et qu’ils ont toujours été représentés comme un seul groupe.

C. Le syndicat

[16] En ce qui concerne l’habileté à négocier collectivement de l’unité de négociation, le syndicat affirme que les pilotes d’Encore travaillent pour un employeur distinct, qu’ils pilotent des aéronefs en vertu d’un certificat d’exploitation distinct, qu’ils sont visés par des modalités d’emploi ne faisant pas partie de l’EP qui régit les modalités et les conditions d’emploi des pilotes de WestJet et qu’ils ont un régime de rémunération différent. Le syndicat soutient que l’unité proposée est habile à négocier collectivement et est compatible avec la communauté d’intérêts que partagent les pilotes de WestJet.

[17] Le syndicat réfute les allégations d’irrégularité que soulève l’employeur concernant la preuve d’adhésion. Il soutient qu’aucune disposition réglementaire n’exige que les demandes d’adhésion à un syndicat soient signées en présence d’un représentant syndical ou que les frais d’adhésion soient directement versés en personne à un représentant syndical. Il examine la jurisprudence fournie par l’employeur et soutient que celle‑ci n’est d’aucune utilité pour le Conseil en l’espèce compte tenu des circonstances et des faits particuliers en jeu dans chaque affaire.

[18] Le syndicat soutient aussi que les membres qui ont utilisé PayPal pour payer leurs frais d’adhésion de 5 $ ont pris l’engagement financier minimal qu’exige le Règlement. Il affirme que le Conseil a souvent rappelé que l’objectif de ce paiement est de démontrer un engagement de la part de l’employé à se joindre au syndicat. Il soutient que, même si le syndicat a payé un fournisseur de services indépendant pour traiter le paiement, cela ne change en rien l’engagement qu’ont pris les membres en versant les frais d’adhésion de 5 $. Il soutient que rien n’indique ou ne permet de croire en l’espèce que les personnes n’ont pas effectué elles‑mêmes le paiement.

III. Analyse et décision

[19] L’employeur a demandé la tenue d’une audience pour trancher les questions concernant la preuve d’adhésion du syndicat. Il est bien établi que le Conseil peut rendre une décision fondée sur les documents versés au dossier. L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. En sa qualité de tribunal administratif, le Conseil est maître de sa procédure; il détermine, relativement à chaque affaire, si une question particulière nécessite la tenue d’une audience ou si les documents versés au dossier suffisent pour trancher l’affaire. Le pouvoir du Conseil de rendre une décision en s’appuyant seulement sur les documents qui lui ont été soumis a été confirmé dans NAV CANADA, 2000 CCRI 468, confirmée dans NAV Canada c. Fraternité internationale des ouvriers en électricité, 2001 CAF 30

[20] De plus, tel que l’a indiqué le Conseil dans Coastal Shipping Limited, 2005 CCRI 309, dans le cas des demandes d’accréditation, la pratique du Conseil est de rendre sa décision en fonction des pièces au dossier et de tenir des audiences seulement dans les cas exceptionnels. Même si les dispositions législatives régissant les demandes d’accréditation ont été modifiées récemment, le Conseil ne voit aucune raison de s’écarter de sa procédure et de ses politiques énoncées dans Coastal Shipping Limited, précitée.

[21] Ayant examiné les nombreuses observations écrites des parties, le Conseil conclut que la tenue d’une audience n’est pas nécessaire. Le Conseil exerce donc son pouvoir discrétionnaire, prévu à l’article 16.1 du Code, de trancher l’affaire sans tenir d’audience.

[22] Le 16 juin 2015, les dispositions du Code régissant l’accréditation ont été modifiées par la Loi sur le droit de vote des employés, L.C. 2014, ch. 40 (la Loi). Plus précisément, les articles 28 et 29 du Code ont été modifiés de manière à exiger que le Conseil tienne un scrutin de représentation pour s’assurer que la majorité des employés de l’unité désirent être représentés par un syndicat, pour autant que le niveau d’appui nécessaire ait été atteint. En raison des modifications apportées, le Conseil s’est vu retirer tous les pouvoirs discrétionnaires qui lui permettaient de se fonder uniquement sur la preuve d’adhésion pour déterminer si une majorité des employés de l’unité désiraient être représentés par un syndicat.

[23] Les nouvelles dispositions qui régissent les demandes d’accréditation sont ainsi libellées :

28. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil accrédite un syndicat à titre d’agent négociateur d’une unité s’il est convaincu, sur le fondement des résultats d’un scrutin de représentation secret, que la majorité des employés de l’unité qui ont participé au scrutin désirent que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

(2) Le Conseil ordonne la tenue d’un scrutin de représentation secret au sein d’une unité lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) il a été saisi par un syndicat d’une demande d’accréditation à titre d’agent négociateur de l’unité;

b) il a déterminé que l’unité est habile à négocier collectivement;

c) il est convaincu, sur le fondement de la preuve du nombre d’employés membres du syndicat, qu’à la date du dépôt de la demande, au moins quarante pour cent des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur.

29. (1) [Abrogé, 2014, ch. 40, art. 3]

(1.1) La personne qui n’était pas un employé de l’unité de négociation à la date à laquelle l’avis de négociation collective a été donné et qui a été par la suite engagée ou désignée pour accomplir la totalité ou une partie des tâches d’un employé d’une unité visée par une grève ou un lock-out n’est pas un employé de l’unité.

(2) [Abrogé, 2014, ch. 40, art. 3]

(3) Pour trancher la question de l’adhésion au syndicat, le Conseil peut ne pas tenir compte des conditions d’admissibilité prévues dans la charte, les statuts ou les règlements administratifs de celui-ci, s’il est convaincu que le syndicat admet habituellement des adhérents sans égard à ces conditions.

[24] Aux termes de l’alinéa 16i) du Code, le Conseil a le pouvoir discrétionnaire d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation à tout moment avant d’apporter à l’affaire une conclusion définitive, et il peut aussi ordonner que les urnes soient scellées et ne soient dépouillées que sur son ordre. Toutefois, dans la présente affaire, le Conseil a ordonné la tenue d’un scrutin en vertu du paragraphe 28(2) du Code. Ce faisant, le Conseil s’est penché sur la question de savoir si la requérante était un syndicat, a conclu que l’unité de négociation était habile à négocier collectivement et s’est assuré, en se fondant sur la preuve d’adhésion, qu’au moins 40 % des employés faisant partie de l’unité désiraient être représentés par le syndicat.

A. La demande présentée par un syndicat

[25] Premièrement, le Conseil doit déterminer si la demande a été présentée par un syndicat. En l’espèce, l’APPW est un syndicat nouvellement formé qui présente une demande au Conseil pour la première fois. Par conséquent, le Conseil s’est assuré que l’APPW pouvait obtenir le statut de syndicat au sens du Code.

[26] L’APPW a présenté le procès‑verbal des réunions au cours desquelles elle a été constituée; elle a aussi fourni des copies de ses statuts et de ses règlements. Après examen des documents constitutifs, le Conseil est convaincu que ceux-ci contiennent les éléments essentiels requis et que l’APPW est un syndicat au sens où l’entend le Code.

B. Habileté de l’unité à négocier collectivement

[27] Deuxièmement, le Conseil doit déterminer la portée de l’unité qu’il juge habile à négocier collectivement. Le Code confère au Conseil le pouvoir exclusif de déterminer l’habileté d’une unité à négocier collectivement. Les dispositions pertinentes de l’article 27 sont libellées comme suit :

27. (1) Saisi par un syndicat, dans le cadre de l’article 24, d’une demande d’accréditation pour une unité que celui-ci juge habile à négocier collectivement, le Conseil doit déterminer l’unité qui, à son avis, est habile à négocier collectivement.

(2) Dans sa détermination de l’unité habile à négocier collectivement, le Conseil peut ajouter des employés à l’unité proposée par le syndicat ou en retrancher.

[28] Dans sa demande initiale, le syndicat a nommé WestJet Airlines ltée comme employeur et partie intimée à la demande. Dans la correspondance qui a suivi, l’employeur a précisé que WestJet Airlines ltée est en fait une société de portefeuille possédant quatre filiales, à savoir WestJet lnvestment Corp. (WIC), WestJet Operations Corp. (WOC), WestJet Vacations lnc. et WestJet Encore ltée. Pour leur part, WIC et WOC sont les propriétaires de WestJet, an Alberta Partnership, qui emploient les pilotes des aéronefs 737. WestJet Encore ltée emploie les pilotes des aéronefs Q400. Après que l’employeur eut demandé des précisions, le syndicat a confirmé que la demande d’accréditation visait une unité regroupant les pilotes des aéronefs 737 de WestJet travaillant pour WestJet, an Alberta Partnership. La demande a été modifiée en conséquence.

[29] Il est bien compris que, pour en arriver à sa détermination, le Conseil n’a pas à déterminer l’unité idéale, ni même l’unité la plus habile à négocier. Il exercera plutôt son pouvoir discrétionnaire de façon à donner une occasion réaliste aux employés d’exercer leurs droits en vertu du Code. Ce faisant, le Conseil évalue plusieurs facteurs, y compris la structure organisationnelle de l’employeur, la communauté d’intérêts et la viabilité de l’unité. Dans Time Air Inc. (1993), 91 di 34 (CCRT n° 991), le Conseil a décrit son approche à cet égard de la façon suivante :

Lorsqu’il doit statuer sur les demandes d’accréditation, le Conseil a le pouvoir de déterminer, à sa discrétion, quelle est l’unité habile à négocier collectivement. ...

Dans les nombreuses décisions rendues par le Conseil portant sur l’habilité des unités à négocier, qu’il s’agisse de demandes d’accréditation ou de demandes de révision de la composition des unités de négociation, le Conseil a toujours pris grand soin de préserver son pouvoir discrétionnaire dans la détermination de l’unité habile à négocier collectivement, compte tenu des circonstances de l’affaire dont il était saisi. Ce faisant, le Conseil a énoncé un grand nombre de critères dont il tient compte dans la détermination de l’unité habile à négocier. Il va sans dire que tous ces critères ne sont pas appliqués, ni ne seraient applicables, dans chaque cas. Certains d’entre eux favorisent les unités de négociation plus petites, d’autres, les unités plus grandes; certains s’appliquent davantage aux nouvelles accréditations, tandis que d’autres s’appliquent plutôt aux révisions de la composition d’une unité de négociation. Qui plus est, les critères appliqués en définitive dans un cas pourraient peser différemment dans un autre cas. Le Conseil a toujours maintenu qu’il n’avait pas à déterminer l’unité idéale, mais seulement une unité habile à négocier. L’ensemble de cette détermination dépend toujours des faits de chaque cas.

(pages 38-39)

[30] Comme l’habileté d’une unité à négocier collectivement est une question de fait, le poids donné à chacun des facteurs dépendra des circonstances de chaque cas. Lorsqu’il prend sa décision, le Conseil s’appuie sur l’objectif fondamental du Code, qui est de faciliter l’accès à la négociation collective (voir Téléglobe Canada (1979), 32 di 270; [1979] 3 Can LRBR 86; et 80 CLLC 16,025 (rapport partiel) (CCRT n° 198), confirmée par la Cour d’appel fédérale, non rapportée 3 octobre 1980, dossiers nos A-487-79 et A-514-79). Le Conseil cherche également à favoriser la stabilité des relations du travail en établissant une structure viable pour la négociation collective qui prend également en considération la volonté des employés (voir AirBC Limited (1990), 81 di 1; 13 CLRBR (2d) 276; et 90 CLLC 16,035 (CCRT n° 797) (AirBC).

[31] Le Conseil est conscient du fait qu’il existe actuellement une structure de représentation des employés au sein de WestJet. Dans sa LD 3453, le Conseil a décrit cette structure comme une structure unique et particulière de représentation des employés qui existe depuis 1999. La WJPA soutient que l’unité de négociation habile à négocier collectivement devrait comprendre tous les pilotes travaillant pour WestJet Airlines inc., y compris ceux qui travaillent pour Encore puisqu’il s’agit là du modèle en place actuellement et en fonction duquel la WJPA joue son rôle de représentation depuis plusieurs années. Elle fait valoir que ce système unifié de représentation regroupant tous les pilotes a été choisi par les pilotes eux‑mêmes et qu’il convient d’avoir une seule association pour représenter tous les pilotes à l’échelle de la structure de l’organisation. À son avis, le modèle de représentation en place actuellement est conforme à l’objectif et à l’esprit de la représentation comme le prévoit le Code.

[32] Le Conseil est en désaccord. Le droit des employés d’adhérer à un syndicat de leur choix et d’exercer leurs droits en vertu du Code est une valeur fondamentale et est énoncé clairement dans le préambule du Code :

Préambule

Attendu :

qu’il est depuis longtemps dans la tradition canadienne que la législation et la politique du travail soient conçues de façon à favoriser le bien-être de tous par l’encouragement de la pratique des libres négociations collectives et du règlement positif des différends;

que les travailleurs, syndicats et employeurs du Canada reconnaissent et soutiennent que la liberté syndicale et la pratique des libres négociations collectives sont les fondements de relations du travail fructueuses permettant d’établir de bonnes conditions de travail et de saines relations entre travailleurs et employeurs;

que le gouvernement du Canada a ratifié la Convention no 87 de l’Organisation internationale du travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical et qu’il s’est engagé à cet égard à présenter des rapports à cette organisation;

que le Parlement du Canada désire continuer et accentuer son appui aux efforts conjugués des travailleurs et du patronat pour établir de bonnes relations et des méthodes de règlement positif des différends, et qu’il estime que l’établissement de bonnes relations du travail sert l’intérêt véritable du Canada en assurant à tous une juste part des fruits du progrès,

Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte.

[33] Comme l’a déclaré le Conseil dans G4S Solutions de sécurité (Canada) ltée, 2012 CCRI 625 :

[46] Le Code donne effet à la garantie de la liberté d’association prévue à la Charte, et, plus particulièrement, énonce qu’il s’agit du droit fondamental que détient chaque employé d’adhérer au syndicat de son choix et de participer à ses activités licites (voir paragraphe 8(1) du Code). Afin de préserver ces valeurs fondamentales, le Code prévoit que les employés sont regroupés au sein d’une unité de négociation représentée par un agent négociateur, lequel doit pouvoir démontrer qu’il détient l’appui de la majorité des employés de l’unité.

[34] En l’espèce, même si les employés avaient choisi un modèle différent de syndicalisation et appliqué ce modèle précis pendant un certain nombre d’années, rien n’empêche un groupe d’employés de chercher à se joindre à un syndicat de leur choix à n’importe quel moment et à être représentés par un agent négociateur aux fins des négociations collectives.

[35] Dans les circonstances actuelles, la WJPA, qui ne dispose d’aucun statut en vertu du Code, ne peut prétendre avoir le droit de représenter les pilotes pour répondre à leur désir d’être représentés collectivement dans le cadre des négociations de leurs modalités et conditions d’emploi. Si des employés souhaitent se prévaloir des droits que leur confère le Code, ils sont libres de le faire et bénéficient de certaines protections dans l’exercice de ce droit.

[36] Lorsqu’il doit déterminer si l’unité de négociation proposée est habile à négocier collectivement, le Conseil bénéficie d’une très grande latitude pour définir ce qu’il considère être une unité habile à négocier collectivement en se fondant sur les circonstances qui lui sont présentées. Le Conseil a de nouveau déclaré ce qui suit dans G4S Solutions de sécurité (Canada) ltée, précitée :

[47] De nombreuses décisions du présent Conseil ainsi que de son prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail (le CCRT), ont confirmé que le Conseil dispose d’un pouvoir discrétionnaire absolu pour définir la portée des unités de négociation qu’il juge habiles à négocier collectivement (voir, à titre d’exemple, Banque Royale du Canada (succursale de Gibsons) (1977), 26 di 509; et [1978] 1 Can LRBR 326 (CCRT no 111)); confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Banque Royale du Canada c. Service, Office and Retail Workers Union of Canada, no A-849-77, jugement prononcé à l’audience, le 4 octobre 1978 (C.A.F.), où l’employeur demandait que l’unité englobe tous les employés du secteur géographique et où le Conseil a accordé l’accréditation pour une unité visant une seule succursale bancaire). La jurisprudence de longue date du Conseil quant à son pouvoir discrétionnaire de déterminer la portée d’une unité de négociation est analysée aux pages 518 à 524 de la décision CCRT no 111. Cette jurisprudence a été suivie de manière constante tant par le CCRT que par le présent Conseil.

[48] Lorsqu’il détermine si une unité est habile à négocier collectivement, le Conseil se fonde sur un certain nombre de critères, dont la communauté d’intérêts, la volonté des employés et la viabilité de l’unité. Bien que le Conseil ait indiqué privilégier l’établissement d’unités de négociation plus grandes, ce genre d’unités ne jouit pas automatiquement d’une présomption favorable. Le Conseil accréditera une unité de négociation plus petite lorsque cela est nécessaire pour permettre aux employés d’exercer le droit à la liberté d’association qui leur est garanti par la constitution. Pour atteindre cet objectif, le Conseil peut accréditer une unité à portée locale, plutôt que régionale ou nationale, même si une telle situation peut occasionner à l’employeur certains inconvénients de nature administrative. La décision du Conseil sur l’habileté à négocier d’une unité de négociation est habituellement confirmée par les tribunaux, sauf lorsqu’ils jugent que la décision est clairement irrationnelle (voir Syndicat international des débardeurs et magasiniers, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Prince Rupert Grain Ltd., [1996] 2 R.C.S. 432).

(c’est nous qui soulignons)

[37] En l’espèce, l’intervenante est d’avis que les pilotes d’Encore devraient être inclus dans l’unité afin de respecter le modèle actuel. Elle indique que, selon le modèle actuel, les pilotes ont la possibilité de passer d’une entreprise à l’autre et que, à son avis, ils perdront cette flexibilité si l’unité de négociation créée sépare les pilotes d’Encore des pilotes de WestJet.

[38] Le Conseil n’a pas été convaincu par les arguments avancés par la WJPA. Comme il a été précisé dans les éléments de preuve, l’entente conclue en décembre 2014 entre la WJPA et WestJet concernant les modalités et les conditions d’emploi des pilotes vise uniquement les pilotes de WestJet, qui se sont prononcés en faveur de son établissement. Elle ne vise pas les pilotes d’Encore, qui n’ont pas eu à se prononcer. Selon les éléments de preuve au dossier, les modalités et les conditions d’emploi qui s’appliquent aux pilotes d’Encore sont établies séparément de celles des pilotes de WestJet. L’employeur souligne que la relation d’emploi avec les pilotes d’Encore est régie par des contrats d’emploi distincts conclus entre les pilotes et Encore et que, si un pilote souhaite piloter un aéronef 737 de WestJet, il doit démissionner de son poste à Encore et devenir employé de WestJet assujetti à des modalités d’emploi qui sont différentes de celles d’Encore.

[39] Le Conseil n’est pas convaincu que la mobilité et la similitude des modalités et des conditions d’emploi entre les pilotes d’Encore et les pilotes de WestJet sont des facteurs déterminants de la portée de l’unité de négociation en l’espèce. De l’avis du Conseil, l’unité de négociation proposée est habile à négocier collectivement puisqu’elle comprend tous les pilotes qui travaillent pour WestJet et qui pilotent le même aéronef et partagent actuellement les mêmes modalités et conditions d’emploi. En l’espèce, le Conseil privilégiera une unité qui permettra à ces employés de décider, au moyen d’un scrutin secret, s’ils désirent être représentés par le syndicat. De l’avis du Conseil, l’unité de pilotes de WestJet que le syndicat cherche à représenter est viable et habile à négocier collectivement.

C. La preuve d’adhésion

[40] Troisièmement, le Conseil doit être convaincu qu’au moins 40 % des employés compris dans l’unité proposée appuient la demande.

[41] L’employeur soutient que le libellé de l’alinéa 28(1)c) du Code correspond à celui de l’ancienne version de l’article 28 du Code. Lorsque les termes d’une version antérieure ont été conservés dans une version modifiée de la disposition, il faudrait leur donner la même signification que dans la version antérieure lorsqu’ils sont utilisés dans le même contexte et aux mêmes fins. En l’espèce, l’alinéa 28(1)c) décrit la responsabilité du Conseil d’examiner la preuve d’adhésion pour s’assurer que le niveau d’appui est suffisant avant d’ordonner la tenue d’un scrutin.

[42] Même si, en raison du changement apporté à la législation, le Conseil n’a plus le pouvoir discrétionnaire d’accréditer un syndicat sur le fondement de la preuve d’adhésion présentée au moment de la demande, il reconnaît que la Loi n’a rien changé à son obligation et à sa responsabilité d’examiner la preuve d’adhésion pour s’assurer qu’une proportion suffisante des employés de l’unité de négociation proposée appuient la demande. Le Conseil conclut donc qu’il doit se fonder sur ses politiques et pratiques existantes pour évaluer et examiner la preuve d’adhésion.

[43] Le Conseil est d’avis qu’il est d’importance primordiale que la preuve d’adhésion sur laquelle il s’appuiera pour prendre ses décisions soit juste et fiable. Pour évaluer et vérifier la preuve d’adhésion, le Conseil a toujours appliqué une norme très rigoureuse. Le Conseil a récemment réitéré l’importance des exigences relatives à la preuve d’adhésion dans Sécurité préembarquement Garda inc., 2015 CCRI 764 :

[16] Le Conseil prend au sérieux les exigences relatives à la preuve d’adhésion et a toujours affirmé que le défaut de se conformer aux exigences du Code et du Règlement est un vice de fond et non de forme. Cela est d’autant plus important que le Conseil se fonde sur la preuve d’adhésion pour décider s’il convient ou non d’accorder une accréditation ou d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation, accordant ainsi au requérant des droits et des privilèges fondamentaux en vertu du Code. Le Conseil et son prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail (le CCRT), ont appliqué de manière constante une norme rigoureuse pour examiner la preuve d’adhésion produite par un syndicat requérant.

[44] Les exigences du Conseil concernant la preuve d’adhésion à un syndicat sont énoncées au paragraphe 31(1) du Règlement :

31. (1) Pour toute demande concernant les droits de négociation, le Conseil peut accepter comme preuve d’adhésion d’une personne à un syndicat, à la fois :

a) le dépôt d’une demande d’adhésion au syndicat revêtue de sa signature;

b) la preuve qu’elle a versé au syndicat une somme d’au moins cinq dollars, à l’égard ou au cours de la période de six mois précédant la date de dépôt de la demande.

[45] Dans la présente affaire, la question clé que le Conseil doit trancher est celle de savoir si la preuve d’adhésion qui accompagne la demande est valide et suffisante, comme l’exige l’article 31 du Règlement pour établir qu’au moins 40 % des employés de l’unité souhaitent être représentés par la requérante.

[46] Afin de pouvoir conclure, aux termes de l’alinéa 28(1)c) du Code, que le syndicat requérant a répondu au critère permettant d’ordonner un scrutin de représentation, le Conseil a mis en place un processus selon lequel il délègue ses pouvoirs d’enquête aux agents des relations industrielles (ARI) du Conseil de sorte que ceux-ci puissent vérifier et évaluer la preuve d’adhésion présentée à l’appui d’une demande d’accréditation. Le Conseil exige également que le syndicat lui présente un certificat d’exactitude. Comme il est indiqué dans North America Construction (1993) ltée, 2014 CCRI 745, et North America Construction (1993) ltée, 2014 CCRI 746, le certificat d’exactitude confirme que le syndicat requérant a bel et bien complété toutes les étapes requises pour garantir que les cartes d’adhésion sont recueillies en pleine conformité avec le Règlement :

[9] La combinaison du système fondé sur les cartes d’adhésion et de la politique du Conseil qui consiste à préserver la confidentialité de la volonté des employés oblige les syndicats requérants à recourir à un processus permettant de garantir que les cartes et les demandes d’adhésion sont signées et remplies en pleine conformité avec le Règlement. À cette fin, le Conseil exige que ses agents des relations industrielles (ARI) fassent enquête pour s’assurer que la preuve est complète et fiable. Il exige aussi que le syndicat requérant présente un certificat d’exactitude pour confirmer qu’il a bel et bien complété toutes les étapes requises.

[47] L’ARI enquête sur la preuve d’adhésion au moyen d’entretiens menés de manière confidentielle avec certains employés, en tenant compte de tous les renseignements fournis par l’une ou l’autre des parties à la demande. L’ARI présente les résultats de son enquête au Conseil dans un rapport confidentiel afin de protéger la confidentialité de la volonté des employés, conformément à l’article 35 du Règlement. Ce processus est bien établi et a été examiné dans des décisions antérieures du Conseil (voir IMS Marine Surveyors Ltd., 2001 CCRI 135 au paragraphe 16; TD Canada Trust du Grand Sudbury (Ontario), 2006 CCRI 363; et confirmée en contrôle judiciaire : TD Canada Trust c. Syndicat international des travailleurs unis de la métallurgie, du papier et de la foresterie, du caoutchouc, de la fabrication, de l'énergie, des services et industries connexes, 2007 CAF 285).

[48] Les cours de justice ont toujours protégé ce processus et la nécessité de préserver la confidentialité des résultats de l’enquête compte tenu de la nature délicate de la volonté des employés, conformément à l’article 35 du Règlement (voir Maritime-Ontario Freight Lines Ltd. c. Section locale 938 des Teamsters, 2001 CAF 252).

[49] En l’espèce, dans le cadre de l’enquête, l’ARI désigné par le Conseil a communiqué avec un nombre considérable d’employés et leur a posé une série de questions pour évaluer la validité des renseignements figurant sur les cartes d’adhésion. Tout au long de son enquête, l’ARI était parfaitement au courant des allégations soulevées par l’employeur, et il a tenu compte des renseignements spécifiques fournis au Conseil.

[50] L’employeur soulève plusieurs préoccupations concernant certains aspects de la preuve. Le Conseil se penchera sur chacune de ces préoccupations séparément.

1. Les cartes d’adhésion

[51] L’employeur affirme que la fiabilité de la preuve d’adhésion est mise en cause parce que le syndicat ne peut pas confirmer avec certitude que les employés ont signé les demandes d’adhésion qui lui ont été envoyées par la poste et qu’il ne peut pas attester les signatures apposées sur les cartes d’adhésion. Il prétend que le certificat d’exactitude signé par un représentant de l’APPW a été rempli de façon malhonnête et que, par conséquent, toute l’information concernant l’adhésion est peu fiable.

[52] Le Code et le Règlement imposent peu de formalités relativement au format et au contenu des cartes. L’article 31 du Règlement ne vise pas à énoncer la seule preuve qui permet de satisfaire aux exigences prévues par l’article 28 du Code, aux termes duquel le Conseil doit être convaincu qu’au moins 40 % des employés de l’unité désiraient que le syndicat les représente à titre d’agent négociateur. Ainsi qu’il a été statué dans l’affaire Débardeurs et affiliés de Sainte-Croix, 2002 CCRI 189 :

[11] ... Si on replace l'article 31 du Règlement de 2001 dans son contexte, il est évident qu'il n'énonce qu'une seule des façons d'établir l'adhésion à un syndicat. Le Conseil peut accepter une demande signée d'adhésion à un syndicat et la preuve du paiement de la somme de cinq dollars pour établir l'adhésion, mais rien n'indique que la demande et le paiement en question constituent la seule façon de prouver que la majorité des employés désirent que le syndicat en question les représente à titre d'agent négociateur. ...

[53] Lorsqu’il examine la preuve d’adhésion jointe à une demande d’accréditation, le Conseil cherche à établir la volonté réelle des employés à la date de la présentation de la demande.

[54] Ce qui intéresse le Conseil lorsqu’il examine la preuve d’adhésion, c’est de savoir s’il peut considérer que la preuve présentée témoigne réellement de la volonté des employés. Il évalue les circonstances propres à chaque affaire et la preuve qui lui est présentée afin de déterminer si la preuve d’adhésion a été recueillie librement et volontairement.

[55] En l’espèce, les employés ont été invités à consulter le site Web de l’APPW pour obtenir de l’information sur le syndicat et les conséquences de l’accréditation. Ils ont aussi été invités à devenir membres du syndicat en imprimant une carte d’adhésion, en la signant et en la retournant au syndicat par la poste. Il ne fait aucun doute que dans ces circonstances les formulaires d’adhésion ont été présentés volontairement et librement puisque les employés ont décidé eux‑mêmes de signer et de retourner le formulaire au syndicat par la poste. Pour le Conseil, il est crucial de s’assurer que les employés pouvaient exercer librement leur droit démocratique de se joindre ou non au syndicat sans aucune ingérence, coercition ou intimidation.

[56] Dans la plupart des campagnes de syndicalisation, la signature des cartes de membres et la perception des frais d’adhésion ont habituellement lieu en personne dans un endroit commun. Or, en l’espèce, étant donné que les pilotes sont dispersés du point de vue géographique et que, en raison de la nature de leur travail, ils sont souvent à l’extérieur de leur lieu d’affectation de base, ils doivent s’informer par voie électronique et adhérer au syndicat en retournant leur formulaire d’adhésion par la poste.

[57] Il convient de souligner que l’employeur ne fournit aucun exemple concret d’irrégularité ni aucun exemple de fraude qu’auraient commise certaines personnes. Cependant, par l’entremise de son ARI, le Conseil a fait enquête sur la preuve d’adhésion au moyen d’entretiens menés de manière confidentielle avec un certain nombre d’employés pour lesquels une preuve d’adhésion a été présentée. Le Conseil n’a décelé aucun signe d’irrégularité en ce qui concerne la preuve fournie à l’appui de la demande.

[58] Contrairement aux faits décrits dans Reimer Express Lines Ltd. et autres (1979), 38 di 213; et [1981] 1 Can LRBR 336 (CCRT n° 226) (Reimer), aucun élément de preuve ne démontre en l’espèce que le paiement n’a pas été effectué, que des cartes ont été falsifiées ou que les signatures ont été certifiées par des personnes qui n’étaient pas présentes au moment où les cartes ont été signées. Le Conseil n’a trouvé aucun élément de preuve démontrant que le syndicat avait fait des déclarations frauduleuses. Il arrive que le Conseil interroge des témoins si la validité de l’information présentée est remise en cause. Cependant, le Conseil ne peut pas conclure que la décision Reimer, précitée, permet d’affirmer qu’un représentant syndical doit absolument attester les signatures apposées sur tous les formulaires d’adhésion.

[59] L’employeur prétend que le certificat d’exactitude du syndicat a été rempli de façon malhonnête parce qu’aucun représentant syndical n’était présent lors de la signature des demandes d’adhésion ou lors du paiement des frais d’adhésion sur PayPal.

[60] Dans Technair Aviation Ltée (1990), 81 di 146; et 14 CLRBR (2d) 68 (CCRT n° 812), le Conseil a examiné la portée d’un certificat d’exactitude dans le contexte d’une demande d’accréditation. En réponse à l’argument du syndicat selon lequel des irrégularités concernant l’adhésion s’étaient produites à son insu, le Conseil a souligné ce qui suit :

Les motifs fournis par le syndicat ne satisfont pas le Conseil. L’allégation voulant que les irrégularités en question se soient produites à l’insu de la section locale 1999 ou de ses représentants ne constitue pas en l’espèce une explication ou une justification valable. Compte tenu de la nature et de la quantité des irrégularités constatées, le requérant ne peut se contenter de plaider, pour expliquer la situation, que ses principaux représentants n’étaient pas au courant de ce qui se passait. Le Conseil ne peut pour l’instant rejeter cette affirmation, ni mettre en doute les faits et événements allégués dans la réponse du 12 avril. Il ne peut toutefois s’empêcher de constater que c’est un des principaux représentants du requérant, en l’occurrence le vice-président, qui a signé, le 27 février 1990, le certificat d’exactitude requis par le Conseil. Le dossier révèle que ce dirigeant n’a été personnellement témoin de la signature d’aucune preuve d’adhésion. La pratique selon laquelle le certificat d’exactitude est signé par une personne autorisée n’ayant pas nécessairement participé au recrutement des membres est courante et compréhensible en matière d’organisation syndicale, en particulier dans les cas de grandes unités de négociation. Il est essentiel toutefois que le syndicat, en de telles circonstances, soit en mesure de démontrer qu’il a donné les instructions appropriées à ses mandataires et qu’il a pris des moyens efficaces pour s’assurer que tout le processus respecte les exigences requises par la loi.

Cela dit, il n’y a pas lieu d’exiger que le signataire du certificat d’exactitude puisse attester personnellement de toutes les signatures apposées sur les preuves d’adhésion. Une telle approche constituerait un excès de formalisme et une entrave inutile à l’exercice du droit d’association. Cependant, le signataire du certificat d’exactitude doit s’assurer, par les moyens qu’il juge appropriés, mais dont l’efficacité ne peut faire de doute, que les preuves d’adhésion dont il certifie l’authenticité et la conformité avec le Règlement du Conseil répondent aux critères requis.

(pages 154-155; c’est nous qui soulignons)

[61] Le Conseil n’est pas convaincu que le certificat d’exactitude présenté en l’espèce a été rempli de façon malhonnête. Le fait d’exiger que des représentants syndicaux attestent la signature apposée sur chaque carte d’adhésion et le paiement des frais de 5 $ empêcherait effectivement les employés dispersés partout au Canada et à l’étranger d’exercer leur droit d’adhérer au syndicat de leur choix. En l’espèce, le syndicat a établi un processus par l’entremise de son site Web pour permettre aux employés de télécharger, de remplir et de signer librement une carte d’adhésion – qu’ils devaient ensuite poster au syndicat –, et d’effectuer un paiement de 5 $ par voie électronique. Grâce à ces mesures, la preuve d’adhésion présentée respectait les exigences du Règlement.

2. Le paiement des cotisations syndicales

[62] Outre la validité des cartes d’adhésion, l’employeur conteste aussi la méthode utilisée pour percevoir les frais de 5 $. Il allègue que PayPal n’est pas un mode de paiement acceptable. Il fournit des éléments de preuve selon lesquels le fournisseur du service de traitement des paiements facture des frais au bénéficiaire du paiement de sorte que, lorsque les employés ont payé les frais, ils n’ont pas payé le plein montant de 5 $ au syndicat comme l’exige le Règlement. L’employeur prétend que, par conséquent, le syndicat n’a pas réussi à montrer l’engagement financier des employés à l’égard des activités du syndicat et qu’il s’agit là d’un vice de fond dans la preuve d’adhésion.

[63] Le Conseil souligne qu’il a, par le passé, accepté une preuve de paiement électronique effectuée par l’entremise de PayPal, mais c’est la première fois que ce mode de paiement est remis en cause parce qu’il pourrait constituer un vice dans la preuve d’adhésion.

[64] Le paiement de 5 $ a pour but de démontrer l’engagement de l’employé à se joindre au syndicat et à contribuer financièrement aux activités de celui-ci. En effectuant le paiement, l’employé reconnaît l’importance de l’adhésion syndicale. Comme l’a précisé le Conseil dans Société de développement du Cap-Breton (1977), 20 di 301; [1977] 2 Can LRBR 148; et 77 CLLC 16,087 (CCRT n° 85), la preuve d’adhésion ne serait acceptée que si les employés ont volontairement, et en leur propre nom, pris des mesures additionnelles pour démontrer leur appui au syndicat, c’est‑à‑dire en lui versant une contribution financière. Dans cette affaire, le Conseil a rejeté la demande parce que le syndicat a utilisé des fonds provenant du club social pour payer les frais d’adhésion. Le Conseil a expliqué qu’il a découvert cette irrégularité dans le cadre de son enquête, et le fait que le syndicat n’a pas révélé la nature et la source des paiements l’a incité à conclure que le syndicat cherchait peut‑être à induire le Conseil en erreur.

[65] Dans l’affaire qui nous occupe, la source du paiement n’est pas en cause. Il est indiqué clairement dans la demande que certains paiements ont été effectués en personne, d’autres ont été faits par chèque, tandis que d’autres ont été effectués en ligne, au moyen de PayPal. Les vérifications faites par l’ARI confirment que ce mode de paiement était à la disposition des membres qui souhaitaient payer par voie électronique, et l’enquête n’a révélé aucune irrégularité relativement à son utilisation. Personne n’a tenté d’induire le Conseil en erreur.

[66] Le Conseil rejette l’argument selon lequel, parce qu’une portion du paiement a été versée au fournisseur de services, le membre n’a pas versé « une somme de 5 $ au syndicat » [traduction] conformément aux Règlements. Le fait d’effectuer le paiement pour appuyer la demande d’adhésion suffit pour démontrer que la personne s’engage à devenir membre du syndicat. Le Conseil n’examinera pas plus à fond le mode de paiement pour savoir comment le montant versé en frais d’adhésion est utilisé ou administré. Cela n’est pas le rôle du Conseil.

[67] Le Conseil rejette aussi l’argument selon lequel un paiement effectué par l’entremise d’un fournisseur indépendant comme PayPal constitue un manquement à l’obligation de confidentialité à l’égard de l’employé. Le Conseil souligne que l’article 35 du Règlement oblige le Conseil à ne pas communiquer d’éléments de preuve susceptibles de révéler l’adhésion à un syndicat. À notre avis, cet article n’a pas pour conséquence de rendre invalide la preuve de paiement pour la simple raison que le paiement a été effectué volontairement par l’employé par l’entremise d’un fournisseur de services électroniques.

3. Le délai de six mois pour le versement des cotisations syndicales

[68] L’employeur soutient aussi que la preuve d’adhésion pourrait être périmée, croyant que le syndicat n’a pas demandé à ses membres de payer les frais d’adhésion de 5 $ tous les six mois. Il prétend que le Règlement exige que le paiement de 5 $ soit effectué au cours de la période de six mois précédant la présentation de la demande d’accréditation, ce que le Conseil a toujours considéré comme une question de fond, plutôt que comme une simple question de forme. Il fait valoir que, dans un tel cas, le Conseil doit enquêter plus à fond sur la validité de la preuve d’adhésion.

[69] Il est bien établi que la campagne de syndicalisation menée par le syndicat est en cours depuis l’automne 2013. Malgré les préoccupations soulevées par l’employeur, le Conseil a confirmé, après avoir enquêté de manière confidentielle sur la preuve d’adhésion, que tous les paiements versés pour appuyer les demandes d’adhésion ont été effectués au cours de la période de six mois ayant précédé la présentation de la demande d’accréditation.

[70] Bien que les formulaires et le mécanisme utilisés en l’espèce aux fins de l’adhésion syndicale s’écartent des pratiques habituelles des syndicats, les procédures que suivent généralement les syndicats ne sont pas exigées par la loi. Le Conseil n’a trouvé aucun élément de preuve permettant d’établir qu’il y a eu une fausse déclaration, un acte de fraude ou des irrégularités qui remettraient en cause la validité ou la fiabilité de la preuve. Le Conseil est convaincu, sur le fondement de la preuve documentaire déposée au soutien de la demande, qu’au moins 40 % des employés faisant partie de l’unité de négociation veulent que l'APPW les représente à titre d’agent négociateur.

IV. Conclusion

[71] Le Conseil a déterminé que l’APPW est un syndicat au sens où l’entend le Code. Il conclut aussi que l’unité des pilotes de WestJet que le syndicat cherche à représenter à titre d’agent négociateur est une unité de négociation habile à négocier collectivement. De plus, le Conseil s’est assuré, au moyen d’un examen et d’une enquête menée sur la preuve d’adhésion présentée avec la demande, qu’au moins 40 % des employés de l’unité de négociation désirent être représentés par l’APPW. Compte tenu des conclusions qui précèdent, le Conseil ordonne la tenue d’un scrutin de représentation auprès des employés de l’unité de négociation. Le Conseil ordonne aussi que le scrutin soit effectué par voie électronique au cours de la période qui sera convenue par le directeur du scrutin nommé par le Conseil.

[72] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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