Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Christian Bomongo; Patrick Kenabantu,

requérants,

et

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (maintenant connu sous le nom d’Unifor),

intimé,

et

Bell Canada,

employeur.

Dossier du Conseil : 30788-C

Référence neutre : 2015 CCRI 768

Le 20 mars 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, et de MM. Daniel Charbonneau et André Lecavalier, Membres.

Représentants des parties au dossier

MM. Christian Bomongo et Patrick Kenabantu, en leur propre nom;

Me Claude Tardif, pour le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (maintenant connu sous le nom d’Unifor);

Me Mireille Bergeron, pour Bell Canada.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente demande de réexamen sans tenir d’audience.

I. Nature de la demande

[1] Le 28 novembre 2014, MM. Christian Bomongo et Patrick Kenabantu (les requérants) ont déposé une demande de réexamen de la décision du Conseil dans Bomongo, 2014 CCRI LD 3304 (Bomongo 3304). Dans Bomongo 3304, précitée, le Conseil a conclu que la plainte des requérants, alléguant que leur syndicat, le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (Unifor) avait manqué à son devoir de représentation juste (DRJ), était hors délai.

[2] Tel qu’il l’a indiqué dans sa lettre administrative du 1er décembre 2014, le Conseil n’a pas demandé de réponses de la part d’Unifor ou de l’employeur, Bell Canada. Le Conseil doit plutôt évaluer si la demande invoque des motifs suffisants pour justifier le réexamen d’une décision déjà rendue. Cette pratique concorde avec le concept de l’exigence d’établir une cause prima facie dans le cadre des plaintes de manquement au DRJ :

Conformément aux dispositions du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement), l’intimé et l’employeur trouveront ci-joint une copie de la demande. Pour l’instant, le Conseil ne sollicite pas d’observations de la part de l’intimé ou de l’employeur.

La demande sera acheminée à un banc du Conseil, qui déterminera si les renseignements et les motifs qui y sont fournis appuient une demande de réexamen déposée en vertu de l’article 18 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail).

Si le Conseil est d’avis que, selon les renseignements qu’il a reçus, les motifs invoqués au soutien de la demande sont insuffisants, il rendra une décision de façon sommaire et le dossier sera fermé.

Si le Conseil estime avoir besoin de renseignements supplémentaires avant de donner suite à l’affaire, l’intimé et l’employeur seront invités à répondre à la demande. Le requérant aura alors la possibilité de répliquer.

(caractères gras dans l’original; caractères gras italiques ajoutés)

[3] À leur demande de réexamen, les requérants ont annexé deux lettres qui ne faisaient pas partie du dossier de la plainte initiale, même si celle-ci en faisait mention. Il s’agit de deux lettres d’Unifor datées du 4 juin et du 22 juillet 2013, respectivement. Selon les requérants, ces lettres auraient amené le Conseil à rendre une décision différente :

… nous venons par la présente vous apporter des éléments très importants qui vont changer le cours des choses car n’ayant pas fait partie du banc initial.

II. Demande de réexamen : faits nouveaux

[4] Dans Buckmire, 2013 CCRI 700, le Conseil a décrit le motif de réexamen fondé sur une allégation de faits nouveaux :

1. Faits nouveaux

[37] Ce motif porte sur des faits nouveaux que le requérant n’a pas portés à la connaissance du Conseil quand il a initialement présenté sa cause. Il ne s’agit pas, pour le requérant, d’une occasion d’ajouter des faits qu’il avait négligé de faire valoir.

[38] Comme le résume la décision Kies 413, précitée, une demande de réexamen doit comporter, à tout le moins, les renseignements suivants au sujet des faits nouveaux qui sont allégués :

1. les faits nouveaux en question;

2. la raison pour laquelle le requérant n’a pu les présenter au banc initial;

3. en quoi ces faits nouveaux auraient amené le Conseil à une conclusion différente, eu égard à la décision faisant l’objet du réexamen.

[39] En règle générale, le banc initial examinera les demandes fondées sur ce motif, étant donné sa situation avantageuse pour ce qui est d’établir s’il y a bel et bien des « faits nouveaux » et de décider de leur incidence, le cas échéant, sur sa décision initiale.

[5] Puisque le Conseil doit établir si des faits nouveaux existent, ainsi que décider de leur incidence sur la décision initiale, une telle demande de réexamen est généralement assignée au banc initial.

[6] Dans Adams, 2001 CCRI 121, le Conseil a mentionné qu’une partie doit expliquer pourquoi elle n’a pas pu invoquer les prétendus faits nouveaux dans le dossier initial :

[55] Comme il a déjà été précisé, la partie qui invoque des faits ou des éléments de preuve nouveaux à l’appui d’une demande de réexamen doit établir qu’elle n’était pas en mesure de les communiquer au moment de la première audience et qu’ils auraient vraisemblablement amené le Conseil à rendre une autre décision. Il faut aussi expliquer pourquoi ces faits n’ont pas été portés à la connaissance du Conseil à l’époque. Une partie ne peut invoquer ce motif de réexamen pour remédier à ses propres négligences...

[7] En l’espèce, les requérants ont ajouté des documents qu’ils avaient en leur possession quand ils ont déposé leur plainte initiale. Il s’agit de deux lettres qu’Unifor avait envoyées aux requérants le 4 juin et le 22 juillet 2013, soit avant le dépôt de la plainte initiale. Ces lettres avaient été envoyées en réponse à deux mises en demeure que les requérants avaient transmises au syndicat le 23 mai et le 11 juillet 2013.

[8] Une demande de réexamen ne constitue pas une deuxième occasion de plaider la plainte initiale. Dans Société canadienne des postes (1988), 75 di 80 (CCRT no 710), le prédécesseur du présent Conseil, le Conseil canadien des relations du travail, a confirmé la nécessité pour une partie de plaider tous les aspects du dossier devant le banc initial :

… Ce dernier encourage les parties à présenter toute la preuve au moment où la requête initiale est entendue, et ce, en appliquant des règles strictes quant aux requêtes en réexamen. Les parties demandant le réexamen de décisions du Conseil doivent fournir les motifs pour lesquels les nouveaux faits sur lesquels elles veulent se fonder n’ont pas été mis à la disposition du Conseil au cours de la procédure initiale. Le Conseil rejette habituellement, sans tenir d’audience publique, les affaires dans lesquelles, à son avis, les parties cherchent simplement à obtenir une décision différente fondée sur les mêmes faits…

(page 87)

[9] Le Conseil note que les requérants n’ont pas expliqué pourquoi ils n’ont pas fourni les deux lettres d’Unifor lorsqu’ils ont déposé leur plainte initiale. Par conséquent, le Conseil est d’avis que les requérants ne soulèvent pas de faits nouveaux exigés dans le contexte d’une demande de réexamen.

[10] Cette conclusion est suffisante pour rejeter la demande de réexamen.

III. Les lettres n’auraient eu aucune incidence sur la décision initiale

[11] Même si la documentation déposée par les requérants avait été admissible aux fins d’une demande de réexamen, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la conclusion serait restée la même.

[12] Tel qu’il a été mentionné dans Bomongo 3304, précitée, et conformément au paragraphe 97(2) du Code, le Conseil doit déterminer si une plainte de manquement au DRJ a été déposée dans les 90 jours « qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte ».

[13] Dans la plainte initiale, les requérants alléguaient qu’Unifor avait refusé de présenter une demande de désaveu à l’égard des gestes posés par l’ancienne procureure du syndicat lors des sept premières journées de l’arbitrage de leurs griefs de congédiement et qu’il avait, en pratique, abandonné leurs griefs.

[14] Tel qu’il est indiqué dans Bomongo 3304, précitée, c’est le 17 mars 2011 qu’Unifor a indiqué aux requérants qu’il n’allait pas présenter une demande de désaveu. Unifor était disposé à poursuivre le traitement des griefs seulement si les requérants renonçaient à leur demande de désaveu et collaboraient avec lui.

[15] Les requérants ont contesté la position d’Unifor relativement au traitement de leurs griefs. Au lieu de renoncer à leur demande de désaveu, les requérants ont transmis trois lettres de mise en demeure successives.

[16] Le Conseil, à la page 6 de la décision Bomongo 3304, précitée, a évalué les faits et a conclu que les requérants avaient ou auraient dû avoir connaissance des circonstances ayant donné lieu à leur plainte au plus tard le 23 mai 2013, soit lorsqu’ils ont transmis une première mise en demeure au syndicat concernant l’abandon de leurs griefs :

La plainte, telle qu’elle a été formulée par les plaignants eux-mêmes, et ses annexes convainquent le Conseil que ces derniers étaient au courant, au plus tard le 23 mai 2013, de la décision du syndicat de ne plus poursuivre le traitement de leurs griefs à l’arbitrage. Les plaignants n’ont déposé leur plainte auprès du Conseil que le 23 juillet 2014, c’est-à-dire 14 mois plus tard.

Une telle plainte est, à sa lecture, hors délai.

L’envoi des mises en demeure supplémentaires, en juillet 2013 et en avril 2014, n’interrompt aucunement le délai de 90 jours prévu au paragraphe 97(2) du Code. Les trois mises en demeure indiquent explicitement que les plaignants songeaient à déposer une plainte auprès du Conseil, et ce, dès le 23 mai 2013. Par contre, les plaignants ne l’ont pas fait avant le 23 juillet 2014.

De plus, contrairement à la situation dans Perron-Martin 719, précitée, les plaignants n’ont fourni aucune explication sur la raison pour laquelle ils ont pu transmettre trois mises en demeure en 2013 et 2014, mais n’ont pu en même temps déposer leur plainte à l’intérieur des délais prévus par le Code.

[17] Le Conseil est d’avis que les deux lettres d’Unifor en date du 4 juin et du 22 juillet 2013 n’ont pas pour effet de remettre le compteur à zéro en ce qui concerne le délai de présentation. En effet, Unifor n’a pas changé sa position relativement au traitement des griefs des requérants et n’a pas entrepris de nouvelles démarches pour poursuivre à l’arbitrage. Les lettres ne font que réitérer le refus d’Unifor de poursuivre à l’arbitrage sans une collaboration adéquate des requérants.

[18] Unifor a refusé pendant des années d’aller de l’avant avec la stratégie que les requérants souhaitaient adopter dans le traitement de leurs griefs. Unifor leur a indiqué par écrit, dès le 17 mars 2011, que leur collaboration était nécessaire afin de poursuivre le traitement de leurs griefs. Les requérants, après un délai considérable, ont contesté cette position d’Unifor par l’envoi de mises en demeure successives. Leur plainte qui n’a été déposée auprès du Conseil qu’en 2014 était hors délai.

[19] La demande de réexamen est donc rejetée.

[20] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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