Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Unifor,

requérant,

et

Persona Communications inc.,

employeur.

Dossier du Conseil : 30510-C

Référence neutre : 2015 CCRI 760

Le 13 février 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice‑président, ainsi que de MM. André Lecavalier et Norman Rivard, Membres.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente demande sans tenir d’audience.

Procureurs inscrits au dossier

Me Anthony F. Dale, pour Unifor;

Me Brian G. Johnston, c.r., pour Persona Communications inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

I. Nature de la demande

[1] Unifor a présenté une demande d’accréditation afin de représenter une unité de négociation chez Persona Communications inc. (Persona), comprenant :

tous les employés de Persona Communications inc. qui travaillent au sein du groupe de diffusion dans les villes de Sudbury, Timmins, Simcoe et Listowel, à l’exclusion des surveillants et des personnes de niveau supérieur aux surveillants.

(traduction)

[2] Dans Persona Communications inc., 2014 CCRI LD 3287 (Persona 3287), le Conseil a tiré des conclusions initiales. Il a notamment conclu i) qu’une employée en congé de maternité avait le droit de participer à l’affaire, et ii) qu’une seule unité de négociation regroupant des employés de quatre emplacements géographiques en Ontario était habile à négocier collectivement.

[3] Il était également demandé aux parties, dans Persona 3287, de présenter des observations écrites détaillées portant sur certains postes en litige. Ces observations détaillées ont maintenant permis au Conseil de rendre les décisions qui étaient demeurées en suspens dans cette affaire, sans qu’il soit nécessaire pour les parties d’investir le temps et les ressources financières que suppose la tenue d’une audience.

[4] Persona a demandé au Conseil d’exclure les postes suivants, lesquels, selon ce qu’a avancé Unifor, devaient faire partie de l’unité de négociation qu’il proposait : i) coordonnateur administratif (Louise Girard); et ii) réalisateurs de niveau supérieur (Allan Raymond, Joanne Bourre, Chris Elzinga et Betty Uiselt) (réalisateurs).

[5] C’est à Persona qu’incombait le fardeau de la preuve en ce qui concerne ces exclusions demandées : Pacific Western Airlines Ltd. (1984), 56 di 173; 7 CLRBR (NS) 346; et 84 CLLC 16,040 (CCRT n° 471).

[6] Pour les motifs exposés ci‑après, le Conseil a conclu qu’il doit accréditer une seule unité de négociation, dont feront partie les postes du coordonnateur administratif et des quatre réalisateurs.

II. Le processus d’accréditation[1]

A. Audiences et motifs

[7] En général, le Conseil ne tient pas d’audiences et ne rend pas de longs motifs dans les affaires d’accréditation. L’article 16.1 du Code énonce explicitement que le Conseil n’est pas obligé de tenir une audience dans tous les cas :

16.1 Le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience.

[8] Dans Coastal Shipping Limited, 2005 CCRI 309, le Conseil a formulé des commentaires sur la tenue d’audiences et sur la portée des motifs écrits dans les affaires d’accréditation :

[14] Ainsi que le Conseil l’a fait observer récemment dans Maritime-Ontario, Parcel Division, [2000] CCRI no 100, le Conseil a pour règle, à l’instar de son prédécesseur, le CCRT, qui a longtemps procédé de la sorte, de ne pas tenir d’audience pour statuer sur les demandes d’accréditation, sauf s’il existe des circonstances exceptionnelles (au paragraphe 26). Règle générale, le Conseil rend ses décisions en s’appuyant sur les documents versés au dossier et ne tient des audiences publiques que dans les cas où l’employeur est accusé d’ingérence ou dans d’autres circonstances exceptionnelles (voir Purolator Courrier Ltée (1989), 77 di 1 (CCRT no 730); et Société de développement du Cap-Breton (1989), 77 di 78 (CCRT no 736)). Cela n’empêche pas le Conseil de déroger à cette règle dans certains cas, notamment lorsque les faits ou les questions à trancher sont très complexes ou encore lorsqu’il y a des questions de crédibilité à résoudre. Il faut toutefois se garder de conclure qu’une affaire complexe entraînera nécessairement la tenue d’une audience publique (voir, notamment, Banque de Montréal, Sherbrooke (Québec) (1986), 68 di 67 (CCRT no 604), où le Conseil a conclu qu’il pouvait statuer sur une demande d’accréditation en s’appuyant uniquement sur les observations écrites des parties, en dépit de la complexité de la demande).

...

[21] Il arrive que les faits soient très complexes ou soulèvent des questions de principe ou autres pouvant créer une plus grande obligation; le Conseil peut alors se sentir tenu d’expliquer en détail les motifs pour lesquels il a statué de telle manière sur une demande d’accréditation particulière. Il n’en reste pas moins que, dans la plupart des demandes d’accréditation, le Conseil applique la règle décrite plus tôt et rend des ordonnances d’accréditation, lorsqu’il y a lieu, sans donner d’autres explications que celles fournies dans le corps de l’ordonnance.

[9] Le Conseil ne peut pas refuser de tenir une audience si cela avait pour effet de mener à un manquement à l’équité procédurale : Cadieux c. Syndicat uni du transport, section locale 1415, 2014 CAF 61. Toutefois, la simple existence de faits contradictoires dans les observations écrites des parties n’oblige pas le Conseil à tenir une audience, à moins que la résolution de ces faits contradictoires ait une incidence importante sur l’issue de la décision : Syndicat des services du grain (SIDM-Canada) c. Freisen, 2010 CAF 339.

[10] Dans le même ordre d’idées, le Conseil doit donner des explications quand il statue sur des postes à inclure dans une unité de négociation ou des postes à exclure de celle-ci : Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158 (Administration de l’aéroport international de Vancouver). L’explication du Conseil peut être concise, mais elle doit permettre de comprendre pourquoi il en est arrivé à la décision qu’il a rendue.

[11] Dans Administration de l’aéroport international de Vancouver, la Cour d’appel fédérale a décrit les obligations du Conseil en ce qui a trait aux explications qu’il doit donner :

[16] Lorsqu’un décideur administratif, agissant conformément à une obligation procédurale de recevoir et d’examiner toutes les observations, se prononce comme en l’espèce sur une question importante, quel genre de motifs doitil donner? Suivant les décisions susmentionnées, et gardant à l’esprit certains principes fondamentaux en droit administratif, le caractère suffisant des motifs du décideur dans de telles situations doit être évalué à la lumière de quatre objectifs fondamentaux :

a) L’objectif sur le plan du fond. Au moins de façon minimale, le fond de la décision doit être compris au même titre que la raison pour laquelle le décideur administratif a pris une telle décision.

b) L’objectif sur le plan de la procédure. Les parties doivent être en mesure de décider s’il convient ou non d’exercer leurs droits de demander le contrôle judiciaire de la décision à un tribunal de révision. Il s’agit d’un aspect de l’équité procédurale en droit administratif. Si les motifs sur lesquels repose la décision ne sont pas indiqués, les parties ne peuvent évaluer s’ils donnent ouverture au contrôle judiciaire.

c) L’objectif sur le plan de la responsabilité judiciaire. La décision et ses fondements doivent comporter suffisamment de renseignements pour permettre au tribunal de révision d’évaluer, valablement, si le décideur a satisfait aux normes minimales de la légalité. Ce rôle des tribunaux de révision est un aspect important de la règle de droit et doit être respecté : Crevier c. Procureur général du Québec, [1981] 2 R.C.S. 220; Dunsmuir, précité, paragraphes 27 à 31. Dans des cas où la norme de contrôle est celle de la raisonnabilité, le tribunal de révision doit évaluer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, précité, paragraphe 47. Si le tribunal de révision n’a pas pu évaluer cet aspect parce que la décision comporte trop peu de renseignements, les motifs sont insuffisants : voir, p. ex., Association canadienne des radiodiffuseurs, précité, paragraphe 11.

d) L’objectif sur le plan de la « justification, de la transparence et de l’intelligibilité » : Dunsmuir, précité, paragraphe 47. Cet objectif chevauche dans une certaine mesure l’objectif sur le plan du fond. La décision est justifiée et intelligible lorsque son fondement est précisé et qu’il est compréhensible, rationnel et logique. La transparence fait référence à la capacité des observateurs à analyser et à comprendre la décision d’un décideur administratif et les motifs de sa décision. En l’espèce, les observateurs seraient les parties engagées dans l’affaire, les employés dont les postes sont en cause et les employés, employeurs, syndicats et entreprises qui pourraient se heurter à des problèmes semblables à l’avenir. La transparence ne se limite toutefois pas simplement aux observateurs qui ont un intérêt précis dans la décision. Le public en général a également un intérêt dans la transparence : en l’espèce, le Conseil est une institution publique gouvernementale et fait partie de notre structure de gouvernance démocratique.

[12] Dans la présente affaire, les observations écrites détaillées présentées par les parties différaient considérablement quant à certains faits. Puisqu’aucun tribunal administratif ne peut, devant des faits contradictoires, établir par divination lesquels sont vrais, à la suite d’une simple lecture des actes de procédure, il a fallu répondre à la question suivante : est-ce que le banc devrait tenir une audience?

[13] En dernier ressort, le banc est convaincu que, même s’il acceptait les faits tels que Persona les a fait valoir, le résultat serait le même : les deux postes et les cinq personnes visés feraient partie de l’unité de négociation.

[14] Les observations écrites des parties ont permis au Conseil d’analyser les questions suivantes et de les trancher : les personnes visées ont‑elles le statut d’employé au sens du Code? les surveillants doivent‑ils être exclus de l’unité? et quelle est la description de l’unité de négociation habile à négocier collectivement?

III. Faits

[15] Persona est exploitée sous la raison sociale Eastlink TV Ontario. Elle exerce ses activités à Timmins, Sudbury, Listowel et Simcoe, en Ontario. Persona a expliqué que ses activités dans le secteur de la télévision locale consistent à diffuser des événements communautaires et sportifs. Persona emploie son propre personnel et fait appel à des bénévoles intéressés par la télévision communautaire.

[16] Le groupe de diffusion de Persona n’est pas une entreprise autonome. Persona est l’un des multiples organismes que possède Eastlink inc., une grande entreprise canadienne de câble et de télécommunications dont le siège social est situé à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. Selon la demande d’accréditation présentée par Unifor, le groupe de diffusion de Persona comptait 19 employés, et le directeur de district, M. Dave Carter, était la seule personne exclue de l’unité proposée par Unifor.

[17] Le Conseil a déjà accrédité Unifor à titre d’unité de négociation du Service des opérations techniques du centre de l’Ontario de Persona (ordonnance du Conseil n9479-U).

[18] Aucune des parties n’a donné à entendre que le groupe de diffusion de Persona était complètement indépendant des autres organismes d’Eastlink inc. Cela se dégageait clairement de la documentation au dossier. Par exemple, lorsqu’elle a répondu à la demande, le 3 juillet 2014, Persona a indiqué que son représentant était M. Ron Campbell, vice‑président, Ressources humaines. Toutefois, le nom de M. Campbell ne figurait pas sur l’organigramme du groupe de diffusion de Persona. Or, ce document, selon la description qui en a été faite, incluait tout « le personnel de direction et de surveillance » (traduction).

[19] Dans la même veine, les attestations d’affichage que Persona a retournées au Conseil étaient toutes signées par des personnes dont le nom ne figurait pas sur l’organigramme de Persona.

[20] Ces précisions sont importantes pour l’examen des personnes qui travaillent au sein du groupe de diffusion de Persona. Il n’a pas été contesté que le bureau d’Halifax d’Eastlink inc. fournissait, comme l’a affirmé Unifor, une expertise en ressources humaines à Persona. En fait, l’existence d’un vice‑président, Ressources humaines, laisse supposer que de tels services d’expertise sont offerts au bureau de Sudbury également.

[21] La demande présentée par Unifor était centrée sur les activités de télévision communautaire de Persona. Les titres exacts de poste des personnes visées ont été décrits ainsi : différents types de réalisateurs, présentateurs, vidéojournalistes, adjoints à la réalisation et coordonnateurs administratifs.

[22] Le Conseil traitera plus amplement de certains des faits qui se rapportent expressément aux employés dont les postes sont en litige lorsqu’il examinera leur statut au sens du Code.

IV. Le cadre analytique utilisé pour les demandes d’accréditation

[23] Dans Viterra inc., 2012 CCRI 633 (Viterra 633), le Conseil a décrit différentes étapes analytiques qui doivent être franchies dans les affaires d’accréditation, bien que certaines d’entre elles puissent ne pas être pertinentes dans le cas de certaines demandes :

[47] Bien que les demandes d’accréditation, selon les circonstances, ne soulèvent pas toujours les mêmes questions, le Conseil se concentre souvent sur les mêmes questions dans son analyse, notamment celles qui suivent :

1. Le requérant est-il un syndicat? (article 3 et alinéa 28a) du Code);

2. Quelles personnes sont des « employés » en vertu du Code? (article 3 et alinéa 28c));

3. L’unité proposée par le syndicat est-elle habile à négocier collectivement? (paragraphes 24(1) et 27(1) et alinéa 28b) du Code);

4. Si l’unité proposée n’est pas habile à négocier collectivement, quelle unité serait habile à négocier collectivement? (sous-alinéa 16p)(v), paragraphe 27(1) et alinéa 28b) du Code);

5. Quels employés, selon la définition du Code, devrait-on inclure dans une unité de négociation habile à négocier collectivement? (paragraphes 27(2) à (6) du Code);

6. Le syndicat détient-il l’appui de la majorité des employés, ou l’appui requis parmi les employés pour justifier la tenue d’un scrutin, dans une unité de négociation que le Conseil a jugée habile à négocier collectivement? (alinéa 28c) et paragraphes 29(1) et (2) du Code).

[24] Compte tenu des observations présentées par les parties, le Conseil s’est vu dans l’obligation, en l’espèce, de se pencher sur l’exclusion des postes de direction et des postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels, ainsi que sur la situation des surveillants présumés et sur la description de l’unité de négociation habile à négocier collectivement.

A. Exclusion de postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels

[25] Persona a fait valoir que la coordonnatrice administrative, Mme Girard, n’était pas un « employé » au sens du Code, parce qu’elle « occupait un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail ». Le terme « employé » est défini à l’article 3 du Code, et cette définition exclut certaines personnes en fonction de la nature de leur travail :

3. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

...

« employé » Personne travaillant pour un employeur; y sont assimilés les entrepreneurs dépendants et les agents de police privés. Sont exclus du champ d’application de la présente définition les personnes occupant un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.

(c’est nous qui soulignons)

[26] Le Conseil interprète généralement de façon restrictive l’ « exclusion d’un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels » mentionnée à l’article 3. Cette exclusion n’empêche pas simplement une personne d’être intégrée à une unité de négociation particulière. Elle signifie plutôt qu’une personne visée par l’exclusion n’a pas le statut d’employé au sens du Code. Les personnes visées n’ont, en conséquence, pas accès aux négociations collectives. Elles se trouvent dans la même situation que les directeurs.

[27] Il doit donc ressortir des faits que l’employeur a employé la personne visée pour qu’elle occupe un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail. Cette exigence dépasse le fait d’être un simple intermédiaire dans la circulation de l’information et de la documentation en matière de ressources humaines entre l’Ontario et la Nouvelle‑Écosse.

[28] Le prédécesseur du Conseil, le Conseil canadien des relations du travail (le CCRT), a examiné les critères applicables aux exclusions fondées sur l’accès à des renseignements confidentiels. Dans Banque de Nouvelle‑Écosse (succursale de Port Dover) (1977), 21 di 439; [1977] 2 Can LRBR 126; et 77 CLLC 16,090 (CCRT n° 91) (Port Dover), le CCRT a décrit le critère en trois volets qu’il utilise. Ce critère met en évidence le fait que l’accès à des renseignements confidentiels doit entrer dans le cadre des fonctions habituelles de l’employé :

Le refus du droit de négociation collective à des personnes qui exercent des fonctions confidentielles ayant trait aux relations industrielles se fonde aussi sur le conflit d’intérêts. L’inclusion d’une telle personne dans une unité représentée par un syndicat pourrait donner à ce dernier accès à des renseignements que l’employeur désire tenir secrets dans ses rapports avec lui. Cela vaut pour la négociation et les procédures de griefs et d’arbitrage. Pour éviter ce conflit et garantir à l’employeur la confiance absolue de certains employés, ceux-ci se voient refuser le droit d’être représentés par un syndicat même s’ils le désirent. Toutefois, la notion d’exclusion est interprétée de façon très étroite pour éviter des circonstances qui permettraient à l’employeur de désigner un nombre disproportionné de personnes à titre de préposées à des fonctions confidentielles et pour assurer au plus grand nombre de personnes possible les libertés et les droits conférés par la Partie v.

À cette fin, le Conseil et autres tribunaux de même nature ont adopté un triple critère pour déterminer l’exclusion de personnes préposées à des fonctions confidentielles. Les questions confidentielles doivent avoir trait aux relations industrielles, non à des secrets industriels de nature générale comme les formules de produits (voir Calona Wines Ltd., [1974] 1 Canadian LRBR 471, remarque principale seulement, (décision 90/74 de la BCLRB)). Elles n’incluent pas les questions connues du syndicat ou de ses membres comme les salaires, les évaluations d’employés discutées avec eux, ou qu’ils doivent signer ou parapher (voir pièce E-21). Elles ne comprennent pas les renseignements familiaux ou personnels qui peuvent être obtenus d’autres sources ou personnes. Le second aspect de ce critère est que la divulgation des renseignements pourrait avoir des conséquences malheureuses pour l’employeur. En dernier lieu, l’accès à ce genre de renseignements doit entrer dans le cadre des fonctions habituelles. Il ne suffit pas que l’accès soit occasionnel ou accidentel, ni qu’il se produise par suite d’une inattention de l’employeur. (Voir Greyhound Lines of Canada Ltd. [1974] 4 di 22, et Hayes Trucks Ltd. [1974] 1 Canadian LRBR 284).

(pages 460; 136; et 537; souligné dans l’original)

[29] Dans Ridley Terminals inc., 2002 CCRI 185 (Ridley 185), le Conseil a confirmé qu’il se concentrait sur les fonctions de la personne lorsqu’il envisageait l’exclusion de postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels :

c) L’analyste, Service de l’information, est-il un « employé » au sens du Code?

[36] Les conclusions du Conseil sur cette question s’imposent d’elles-mêmes à la lecture de l’analyse qui précède, mais le Conseil souhaite se pencher brièvement sur l’argument de l’employeur selon lequel l’analyste, Service de l’information, n’est pas un « employé » au sens du paragraphe 3(1) du Code.

[37] Le Conseil a examiné une observation semblable dans Direction de l’Aéroport du Grand Moncton Inc., [1999] CCRI no 20, et il en est arrivé à la conclusion que ce facteur n’était pas suffisant pour exclure un employé de l’unité de négociation :

[35] Le Conseil conclut également que l’accès à des renseignements confidentiels gardés dans le système informatique de l’employeur, lesquels peuvent comprendre des renseignements concernant les négociations collectives avec la requérante, ne justifie pas l’exclusion du poste. Vu la nature délicate de ces renseignements, il est peu probable que l’employeur en autorise la circulation sans avoir pris des moyens sur lesquels il exerce ou devrait exercer un contrôle total pour en garantir la confidentialité.

(page 10)

[38] Pour qu’un poste de ce genre soit exclu, il doit exister des preuves convaincantes que l’analyste, Service de l’information, doive nécessairement avoir accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail pour s’acquitter de ses tâches dans le domaine des relations du travail. Dans CJRP Radio Provinciale Limitée (1975), 11 di 35; et 77 CLLC 16,074 (CCRT no 50), le Conseil en est arrivé à la conclusion suivante :


 

... Le Code n’exige ni ne justifie l’exclusion des personnes ayant accès à des renseignements confidentiels, mais seulement celles des personnes exerçant des fonctions confidentielles ayant trait aux relations industrielles ...

(pages 43; et 397)

[39] Dans l’affaire qui nous occupe, l’accès aux renseignements prétendument confidentiels est un élément accessoire des fonctions de l’analyste, Service de l’information, en sa qualité d’administrateur du système informatique.

(souligné dans l’original)

[30] La question de savoir si un employé est visé par l’exclusion des postes de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels est, en dernier ressort, une question de fait ou d’opinion que doit trancher le Conseil : Banque de Montréal c. Conseil canadien des relations du travail, [1979] 1 C.F. 87.

B. Exclusion de postes de direction

[31] Pour qu’une personne soit un directeur, et qu’elle n’ait donc pas le statut d’employé au sens du Code, elle doit avoir un pouvoir décisionnel réel ou définitif qui a une incidence sur l’emploi d’autres employés : Island Telephone Company Limited (1990), 81 di 126 (CCRT n° 811). Une expertise technique particulière ne fait pas en sorte, à elle seule, qu’une personne occupe un poste de direction : Selair Pilots Association (1995), 100 di 11 (CCRT n° 1150).

[32] Le Conseil interprète de façon restrictive l’exclusion des postes de direction : Maritime Broadcasting System limitée, 2012 CCRI 663, confirmée par la Cour d’appel fédérale dans Maritime Broadcasting System Limited c. Canada Medial Guild, 2014 CAF 59.

[33] Le CCRT, dans Port Dover, a expliqué le raisonnement à l’appui de l’exclusion des postes de direction :

L’exclusion de certains « gestionnaires » de l’unité de négociation a pour objet d’éviter des conflits d’intérêts entre leur loyauté envers l’employeur et le syndicat. Cette mesure protège autant les intérêts du premier que du second. Le conflit s’accroît quand une personne exerce une autorité sur les conditions de travail de ses compagnons. Il est aigu lorsque l’autorité s’étend à la continuité d’emploi et à des questions connexes (par exemple : le pouvoir de congédier un employé ou de lui imposer une sanction disciplinaire). Voilà pourquoi certaines personnes se voient refuser le droit de négociation collective accordé à d’autres. Le Code indique clairement que la simple supervision d’autres compagnons de travail ne suffit pas à prononcer l’exclusion aux termes de la Partie V [maintenant la Partie I] (voir le paragraphe 125(4) [maintenant le paragraphe 27(5)]) ...

(pages 457-458; 134; et 536; c’est nous qui soulignons)

[34] Dans Banque de Nouvelle-Écosse c. Conseil canadien des relations du travail, [1978] 2 C.F. 807 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du CCRT dans Port Dover. La Cour a souligné que le Conseil, dans sa constatation des faits, doit notamment tenir compte de l’expression « poste de direction », selon la définition d’employé qui figure à l’article 3 du Code :

... le concept de « fonctions de direction » doit s’interpréter et s’appliquer selon chaque cas d’espèce et, sauf des cas vraiment extrêmes, je suis porté à croire que sa portée exacte est une question de fait ou d’opinion du Conseil plutôt qu’une question de droit…

(page 813)

C. Surveillants au sens du Code

[35] Il ressort clairement de l’article 27 du Code que les personnes qui en surveillent d’autres conservent néanmoins le statut d’employé. Même si le Conseil peut les regrouper au sein d’une unité de négociation distincte lorsque les circonstances le justifient, il n’est pas obligé de le faire.

[36] Dans Viterra 633, le Conseil a décrit l’analyse à laquelle il procède lorsqu’il examine la situation de surveillants et qu’il se demande si ceux‑ci doivent être inclus dans une unité de négociation en particulier :

iii) Les inclusions et les exclusions

[38] Le Code confère au Conseil le pouvoir discrétionnaire d’inclure ou d’exclure des employés de l’unité de négociation. Cette question est différente de la question de savoir s’il s’agit de personnes « occupant un poste de direction », ou occupant un « poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels », et étant donc exclues du statut d’« employé » en vertu du Code.

[39] En vertu du paragraphe 27(2) du Code, le Conseil peut décider quels « employés », au sens de l’article 3 du Code, devraient être inclus dans une unité de négociation habile à négocier collectivement :

27. (2) Dans sa détermination de l’unité habile à négocier collectivement, le Conseil peut ajouter des employés à l’unité proposée par le syndicat ou en retrancher.

(c’est nous qui soulignons)

[40] Contrairement à plusieurs compétences provinciales, le Code, aux paragraphes 27(3) à (6), étend les droits de négociation collective à des membres de professions libérales et à des personnes qui occupent des postes de surveillance, à condition qu’ils répondent à la définition du terme « employé » énoncé à l’article 3 du Code. Le Conseil peut inclure des surveillants dans une unité de négociation proposée. Il pourrait aussi accréditer une unité composée uniquement de surveillants :

27. (3) Si l’unité proposée par le syndicat regroupe ou comprend des membres de profession libérale, le Conseil doit, sous réserve des paragraphes (2) et (4), déterminer que l’unité habile à négocier collectivement est celle qui ne regroupe que des membres de profession libérale, sauf si l’unité n’est pas par ailleurs habile à négocier collectivement.

(4) Dans sa détermination, dans le cadre du paragraphe (3), de l’unité habile à négocier collectivement, le Conseil peut incorporer dans l’unité :

a) des membres de professions libérales différentes;

b) des employés qui, sans en avoir les qualifications, exercent les fonctions d’un membre de profession libérale.

(5) Le Conseil peut, sous réserve du paragraphe (2), décider qu’une unité proposée par le syndicat et regroupant ou comprenant des employés dont les tâches consistent entre autres à surveiller d’autres employés est habile à négocier collectivement.

(6) Le Conseil ne peut incorporer un agent de police privé dans une unité groupant d’autres employés.

(c’est nous qui soulignons)

[41] Le Conseil a notamment la tâche d’établir une distinction entre les personnes « occupant un poste de direction » ou occupant un « poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels » et celles occupant un poste de surveillant. Si le Conseil conclut que des personnes sont des surveillants, et donc des « employés » en vertu du Code, il doit alors examiner une autre question : celle de savoir si, du point de vue des relations du travail, il est acceptable d’inclure ces personnes dans l’unité de négociation.

[42] Ce n’est pas simplement parce qu’une personne a le statut d’employé au sens du Code qu’elle devrait automatiquement faire partie d’une unité de négociation. Cette décision n’est prise qu’après que le Conseil a analysé la question de savoir si, du point de vue des relations du travail, il est acceptable d’inclure ces personnes dans l’unité de négociation. Cette décision dépendra des circonstances de chaque affaire.

[37] Persona a fait valoir que les quatre réalisateurs étaient des directeurs ou, subsidiairement, des surveillants. Le Conseil a examiné chacun de ces arguments ci‑dessous.

D. Unité de négociation habile à négocier collectivement

[38] Dans les affaires d’accréditation, l’analyse ne prend pas fin dès lors que le Conseil a établi si certaines personnes ont le statut d’employé. Le Conseil doit ensuite se pencher sur l’unité de négociation habile à négocier collectivement et sur la question des employés qui devraient en faire partie.

[39] Le Code confère expressément ces pouvoirs au Conseil, compte tenu de son expérience et de son expertise supposées dans le domaine des relations industrielles.

[40] Dans Viterra 633, le Conseil a expliqué de quelle manière il examine la notion d’une unité de négociation habile à négocier collectivement :

ii) La description de l’unité de négociation

[29] Le Conseil, quoiqu’il examine l’unité de négociation proposée par le syndicat, a ultimement le pouvoir de déterminer l’unité qui est habile à négocier collectivement :

27. (1) Saisi par un syndicat, dans le cadre de l’article 24, d’une demande d’accréditation pour une unité que celui-ci juge habile à négocier collectivement, le Conseil doit déterminer l’unité qui, à son avis, est habile à négocier collectivement.

(c’est nous qui soulignons)

[30] Le Conseil examine ce qui constitue une unité de négociation habile à négocier collectivement; il ne détermine pas l’unité la plus habile à négocier collectivement (voir, de manière générale, Alberta Government Telephones Commission (1989), 76 di 172 (CCRT no 726)).

[31] L’article 16 du Code met aussi l’accent sur le pouvoir du Conseil à l’égard des unités de négociation :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

...

p) trancher, dans le cadre de la présente partie, toute question qui peut se poser à l’occasion de la procédure, et notamment déterminer :

...

(v) si un groupe d’employés constitue une unité habile à négocier collectivement

(c’est nous qui soulignons)

[32] La détermination des descriptions des unités de négociation, qui est une question de fait et non une question de droit, est au coeur des connaissances spécialisées des relations du travail du Conseil (voir la décision Coastal 309, précitée, au paragraphe 27).

[33] Lorsqu’un syndicat présente une demande d’accréditation, le Conseil, en se fondant sur son expérience en matière de relations du travail, examine la question de savoir si l’unité proposée « constitue une unité habile à négocier collectivement », au sens où cette expression est utilisée au sous-alinéa 16p)(v) du Code.

[34] Dans la décision BCT.TELUS, 2000 CCRI 73, le Conseil a expliqué de manière générale l’analyse qu’il fait pour déterminer la composition d’unités de négociation. L’analyse est différente selon qu’il s’agisse d’une demande d’accréditation initiale ou d’une demande de révision d’unités de négociation en vertu de l’article 18.1 du Code :

[17] Le Conseil a élaboré des critères et des principes bien établis dont il tient compte lorsqu’il doit déterminer si une unité est habile à négocier collectivement ou lorsqu’il doit réviser et restructurer des unités de négociation existantes. À cet égard, il tient compte d’un certain nombre de facteurs et évalue le poids à leur accorder, notamment la communauté d’intérêts, la viabilité de l’unité, les désirs des employés, la pratique ou le modèle du secteur; les antécédents de la négociation collective avec l’employeur, la structure organisationnelle de l’employeur et la préférence générale du Conseil pour des unités de négociation plus larges pour des raisons telles que l’efficacité administrative et la commodité des négociations, la mobilité latérale des employés, la similitude des conditions d’emploi et la stabilité industrielle (voir AirBC Limited (1990), 81 di 1; 13 CLRBR (2d) 276; et 90 CLLC 16,035 (CCRT no 797), et Société canadienne des postes (1988), 73 di 66; et 19 CLRBR (NS) 129 (CCRT no 675). La méthodologie du Conseil est bien décrite dans Chemin de fer Quebec North Shore & Labrador (1992), 90 di 110; et 93 CLLC 16,020 (CCRT no 978), dont voici un extrait :

Les critères de détermination de l’habileté à négocier d’une unité de négociation tiennent compte à la fois des intérêts des employés et de ceux de leur employeur. Sans prétendre en faire une liste exhaustive, soulignons entre autres la communauté d’intérêts entre les employés, le mode d’organisation et d’administration de l’entreprise, l’histoire des négociations collectives chez l’employeur et dans le secteur d’activité visé, l’interchangeabilité des employés et la recherche de la paix industrielle. Les critères pourront avoir un poids différent selon les cas d’espèce notamment selon qu’il s’agisse d’une demande d’accréditation ou d’une demande de révision. En effet, dans le premier cas, le Conseil doit permettre aux employés d’accéder à la négociation collective. Dans l’autre, il doit étudier la structure de négociation existante afin de rendre plus efficaces les mécanismes de négociation et d’application des conventions collectives. Cependant, il doit toujours tenter d’équilibrer des intérêts souvent divergents pour déterminer des unités de négociation viables en vue d’assurer des négociations efficaces et des relations de travail les plus harmonieuses possibles.

(pages 123-124; et 14,147-14,148)

[35] Le Conseil, dans United Parcel Service du Canada ltée, 2008 CCRI 433, a décrit certains facteurs qu’il considère pour déterminer si une unité de négociation plus petite qu’une unité englobant « tout l’effectif » est habile à négocier collectivement :

[21] Il est important de souligner que même si le Conseil privilégie généralement une unité englobant tout l’effectif ou la création d’unités de négociation plus importantes, il lui arrive de créer des unités qui n’englobent pas tout l’effectif ou de fragmenter l’unité lorsqu’il a des motifs impérieux de le faire. Parmi les facteurs qui militent en faveur d’unités plus petites, on compte l’absence de communauté d’intérêts, la situation géographique, des dispositions législatives particulières, la probabilité qu’une unité plus importante ne soit pas viable et le désir de permettre aux employés d’être représentés.

[36] Le Conseil n’est pas tenu d’accepter l’unité de négociation proposée par le syndicat, ou une unité proposée sur consentement des parties (voir, en particulier, Quick Coach Lines (2000), 96 A.C.W.S. (3d) 397 (C.A.F.)).

[37] Une fois que le Conseil a décidé d’une unité de négociation habile à négocier collectivement, il doit alors déterminer les employés qui font partie de l’unité.

(souligné dans l’original)

[41] En l’espèce, le Conseil doit examiner la question de l’unité de négociation habile à négocier collectivement chez Persona.

V. Analyse et décision

A. Est-ce que Louise Girard est exclue du statut d’employé en vertu du Code du fait qu’elle occupe un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail?

[42] Persona a affirmé que Mme Girard, qui a travaillé avec le directeur de district, M. Carter, était titulaire d’un poste similaire à celui de l’adjoint de direction d’un premier dirigeant. Le Conseil convient que, lorsqu’il y a lieu de le faire, il peut exclure un adjoint de direction d’une unité de négociation : Le Conseil des ports nationaux (1980), 41 di 126; et [1980] 3 Can LRBR 265 (CCRT n° 261).

[43] Bien que le Conseil ne conteste pas ce principe, les observations de Persona n’ont pas convaincu le Conseil que Persona « employait » Mme Girard dans un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels, afin qu’elle aide M. Carter dans des dossiers en matière de relations du travail. Des fonctions de cette nature ne sont explicitement énoncées nulle part dans la description de travail écrite. Le sommaire des fonctions indique plutôt que le titulaire du poste de Mme Girard exécute des tâches d’administration, de secrétariat et de réception.

[44] De plus, il semble que Mme Girard passe maintenant beaucoup de temps à travailler comme réalisatrice. Les parties ne s’entendent pas sur la quantité de temps que Mme Girard a consacrée à des « tâches de réalisation » (traduction) : Persona a affirmé que ce travail l’occupait pendant 40 % de son temps, alors qu’Unifor a estimé que 80 % de son temps était consacré à du travail de réalisation.

[45] Pour ce qui est des fonctions qui, selon Persona, sont liées à des renseignements confidentiels, le Conseil a été convaincu que Mme Girard faisait plutôt office d’intermédiaire entre le bureau de Persona à Sudbury, qui dispose lui‑même d’une expertise distincte en matière de ressources humaines, puisqu’un vice‑président y travaille, et le département principal des ressources humaines d’Eastlink inc., qui se trouve à Halifax.

[46] La conclusion du Conseil aurait pu être différente si le groupe de diffusion de Persona avait été une entreprise autonome et entièrement indépendante, s’acquittant elle-même de toutes ses fonctions administratives. Si M. Carter et Mme Girard avaient géré toutes les questions de relations industrielles à l’interne, le Conseil aurait alors pu examiner la question davantage. Cependant, les services comme ceux qui ont trait aux ressources humaines venaient d’ailleurs.

[47] Le Conseil ne conteste pas l’affirmation de Persona selon laquelle il est raisonnable de penser que Mme Girard pourrait avoir accès à des renseignements importants concernant les négociations collectives. Un argument semblable avait été avancé dans Ridley 185. Toutefois, il se dégage de la structure organisationnelle que les dossiers de ce genre pourraient facilement être confiés à d’autres responsables des dossiers de ressources humaines, que ce soit à Sudbury ou à Halifax. Persona a le pouvoir de contrôler l’accès à l’information de cette nature.

B. Les quatre réalisateurs sont‑ils des directeurs, et sont‑ils donc exclus du statut d’employé au sens du Code?

[48] Dans sa réponse du 3 juillet 2014, Persona a fait valoir deux arguments subsidiaires en ce qui concerne les quatre réalisateurs :

5. ELTVO affirme que l’unité de négociation proposée par le requérant n’est pas habile à négocier collectivement pour les raisons suivantes :

a) les employés d’ELTVO qui travaillent à Timmins, Sudbury, Listowel et Simcoe ne devraient pas faire partie de la même unité de négociation, car ils ne sont pas unis par une communauté d’intérêts;

b) les réalisateurs, nommément Al Raymond, Joanne Bourre, Chris Elzinga et Betty Uiselt, occupent des postes de direction et ne sont donc pas des « employés » au sens du paragraphe 3(1) du Code canadien du travail;

c) subsidiairement, s’il n’est pas conclu que les réalisateurs occupent des postes de direction, ELTVO prétend que les réalisateurs sont des surveillants, et qu’il y aurait donc conflit d’intérêts s’ils faisaient partie de la même unité de négociation que les employés qu’ils surveillent;

d) la coordonnatrice administrative, Louise Girard, occupe un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail, et elle n’est donc pas une « employée » au sens du paragraphe 3(1) du Code canadien du travail.

(traduction; c’est nous qui soulignons)

[49] La description de travail de Persona pour les réalisateurs concerne presque exclusivement les fonctions techniques des réalisateurs. Les premiers paragraphes de la description de travail sont ainsi rédigés :

Eastlink, la plus grande entreprise familiale de télécommunications du Canada, qui exerce ses activités dans huit provinces canadiennes et aux Bermudes, fournit des services de pointe dans les domaines des communications et du divertissement vidéo à une clientèle résidentielle, d’affaires et du secteur public. Grâce à ses 1 700 employés répartis dans l’ensemble du Canada, Eastlink a fait son entrée au sein du Club Platine des sociétés les mieux gérées au Canada.

Relevant du gestionnaire de district, le réalisateur a de grandes aptitudes pour la communication ainsi que des antécédents en rédaction journalistique, il a la passion de relater des histoires, et il a de l’expérience sur les ondes. En tant que représentant d’Eastlink TV, le réalisateur est un membre actif de sa communauté, qui s’assure que les émissions produites présentent de l’intérêt pour l’auditoire régional. Rigoureuse, organisée et désireuse d’assumer la responsabilité de son travail, la personne retenue dispose des compétences requises pour travailler dans un environnement dynamique, où les activités se déroulent à un rythme rapide.

(traduction)

[50] La description de travail contient peu de références, voire aucune, à des fonctions semblables à celles d’un directeur. Bien que ce fait ne soit pas concluant, le document provenant de Persona elle‑même n’a pas convaincu le Conseil que les fonctions des réalisateurs comprenaient la prise de décisions réelles et définitives ayant une incidence sur les autres employés de l’unité. La description de travail semblait plutôt décrire les fonctions techniques des réalisateurs.

[51] Cependant, les observations de Persona fournissaient de plus amples renseignements sur certaines fonctions assumées par les réalisateurs. Persona a affirmé, dans ses observations supplémentaires du 3 octobre 2014, que des réalisateurs avaient « pris la décision de sanctionner, de congédier et de rétrograder des employés en raison d’un travail insatisfaisant » (traduction). Toutefois, aucun détail n’a été donné pour étayer cette conclusion.

[52] Le Conseil a besoin d’explications détaillées lorsque, dans une affaire, un employeur affirme qu’une personne a véritablement pris des mesures disciplinaires, ce qui supposerait que cette personne exerce bel et bien des fonctions de direction. C’est à plus forte raison le cas étant donné qu’Unifor soutient que les réalisateurs n’ont exercé aucune fonction de direction ou de surveillance, sous quelque forme que ce soit.

[53] Pour s’acquitter du fardeau de la preuve, une partie doit donner des exemples précis, qui permettront alors au Conseil de décider s’il y a lieu de conclure que les employés visés exerçaient des fonctions de direction.

[54] Dans ses observations du 24 octobre 2014, Persona a expliqué qu’elle n’avait dans ses dossiers aucun document concernant les mesures disciplinaires. Mais les détails concernant ces événements existeraient probablement encore.

[55] Dans ses autres allégations, Persona a soutenu que les réalisateurs pouvaient exercer des fonctions de surveillance à l’égard d’autres employés. Par exemple, Persona a déclaré qu’Allan Raymond, réalisateur technique principal, était titulaire du poste technique principal en Ontario. M. Raymond surveillait des employés et était le supérieur pour les questions techniques.

[56] En ce qui concerne la réalisatrice Joanne Bourre, Persona a déclaré qu’elle était responsable du contrôle de la qualité et des correctifs de programmation. La réalisatrice Betty Uiselt pouvait convoquer des réunions internes et attribuer du travail aux employés. Persona a expliqué avec franchise qu’elle n’avait en sa possession aucun document écrit concernant les mesures disciplinaires, mais elle a fait valoir que les contrôles disciplinaires pourraient être obtenus de Mme Uiselt, au besoin.

[57] Persona a également décrit les responsabilités du réalisateur de la création Chris Elzinga sur le plan de la créativité, de l’image de marque et de la « présentation et du mode de fonctionnement » (traduction) du travail de Persona.

[58] Même à la lumière des faits présentés par Persona, le Conseil conclut que les réalisateurs ne sont pas des directeurs. Il n’a été présenté aucun exemple étayé par des documents qui attesterait que l’un ou l’autre des réalisateurs dispose du type de pouvoir réel ou décisionnel qui aurait une incidence sur ses collègues de travail. Il faudrait que Persona démontre l’existence d’un tel pouvoir pour que le Conseil puisse exclure les réalisateurs du statut d’employé au sens du Code.

[59] Persona a fait valoir, subsidiairement, que les réalisateurs étaient des surveillants et qu’ils ne devaient pas être inclus dans la même unité de négociation que les autres employés. Unifor a soutenu que les réalisateurs n’étaient pas des surveillants et que la description de l’unité de négociation qu’il avait proposée excluait explicitement les surveillants.

[60] Le Conseil examinera ci‑après les observations à cet égard, en se penchant sur l’unité de négociation habile à négocier collectivement ainsi que sur la question des inclusions et des exclusions.

C. Quelle est l’unité de négociation habile à négocier collectivement pour Persona, et quels employés en font partie?

1. Unité habile à négocier collectivement

[61] Unifor a avancé qu’il n’y avait aucun surveillant parmi les 18 employés du groupe de diffusion et a proposé une unité de négociation excluant les surveillants :

tous les employés de Persona Communications inc. qui travaillent au sein du groupe de diffusion dans les villes de Sudbury, Timmins, Simcoe et Listowel, à l’exclusion des surveillants et des personnes de niveau supérieur aux surveillants.

(traduction)

[62] L’argument subsidiaire de Persona selon lequel les quatre réalisateurs étaient des surveillants reposait sur le postulat qu’il y aurait conflit d’intérêts si le Conseil les incluait dans l’unité de négociation regroupant les employés sous leur surveillance.

[63] Le Conseil est convaincu que sa préférence pour les unités regroupant tous les employés correspond à l’approche qu’il convient d’adopter dans la présente affaire, laquelle concerne un petit groupe d’employés. Même en acceptant les faits présentés par Persona, le Conseil n’a pas été convaincu que les quatre réalisateurs doivent être exclus de l’unité de négociation. Dans le cas d’un petit groupe d’employés comme celui qui est ici considéré, il faudrait des motifs convaincants pour convaincre le Conseil de créer, pour les surveillants, une deuxième unité de quatre personnes, distincte et indépendante d’une unité de négociation de quatorze personnes.  

[64] Le Conseil donne plus de détails ci‑dessous quant aux motifs pour lesquels les réalisateurs, même s’ils sont des surveillants, doivent être inclus dans l’unité de négociation du groupe de diffusion chez Persona.

[65] Le Conseil a déterminé que l’unité de négociation suivante est habile à négocier collectivement :

tous les employés de Persona Communications inc. qui travaillent dans le groupe de diffusion dans les villes de Sudbury, Timmins, Simcoe et Listowel, à l’exclusion des directeurs, des employés déjà visés par une autre ordonnance d’accréditation et des employés occupant un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations industrielles.

(traduction)

2. Quels employés?

[66] Le Conseil a conclu que les quatre réalisateurs, même s’ils exercent certaines fonctions de surveillance comme Persona l’a allégué, feront partie de l’unité de négociation habile à négocier collectivement.  

[67] Selon le Conseil, les fonctions des réalisateurs comprennent la prestation de services d’expertise technique qui s’appuient sur une grande expérience, et qui permettent à Persona d’exercer ses activités de diffusion. Bien que les réalisateurs puissent être appelés, en raison de cette situation, à orienter d’autres employés lors de la diffusion d’une émission ou d’un projet en particulier, les faits présentés par Persona n’ont pas suffi à convaincre le Conseil que les réalisateurs devraient être regroupés dans une unité de négociation distincte, regroupant quatre surveillants, afin que d’importants conflits d’intérêts soient évités.

[68] Le Conseil souligne qu’en l’espèce, on n’a pas affaire à une entreprise autonome de 19 personnes, dont chacun des employés, à l’exception du directeur de district, ferait partie de l’unité de négociation. Une telle situation serait susceptible de causer un déséquilibre dans les relations du travail des parties.  

[69] Bien que les observations des parties n’aient pas expliqué en détail qui assurait tous les autres services devant être offerts par Persona, il était manifeste, en l’espèce, que M. Carter, le directeur de district, avait accès à des services de ressources humaines. La prestation de ces services n’était assurée par aucun membre de l’unité de négociation. Les services de ressources humaines pouvaient être obtenus du vice‑président, Ressources humaines, à Sudbury, ou du siège social d’Eastlink inc. à Halifax.

[70] C’est en raison de cette situation que le Conseil a été convaincu qu’aucun déséquilibre ne résulterait de la description de l’unité de négociation incluant la totalité des 18 employés qu’Unifor demandait de représenter.

[71] Bien que le Conseil ait le pouvoir de créer une unité distincte pour les surveillants, une aussi petite unité de négociation, au sein d’un groupe d’employés déjà petit, risquerait fort de ne pas être viable. Normalement, deux unités de négociation pour 18 employés ne seraient pas habiles à négocier collectivement, à moins que des faits très importants ne convainquent le Conseil du contraire. Le Conseil est convaincu qu’une seule unité regroupant tous les employés du groupe de diffusion, y compris les postes du coordonnateur administratif et des quatre réalisateurs contestés, répondrait mieux aux objectifs du Code.

[72] Sur le fondement de la preuve d’adhésion qu’Unifor a présentée avec sa demande, le Conseil peut rendre une ordonnance d’accréditation sans qu’il soit nécessaire de tenir un scrutin de représentation (alinéa 28c)).

[73] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.



[1] La Loi sur le droit de vote des employés, 2e session, 41e législature (2014) (projet de loi C‑525) a reçu la sanction royale le 16 décembre 2014. Aux termes du projet de loi C‑525, le Conseil aura l’obligation de tenir des scrutins de représentation obligatoires à compter du 16 juin 2015. À la date de la présente décision, le Conseil pouvait encore accréditer des agents négociateurs sur le fondement des cartes d’adhésion présentées par ceux‑ci. À compter du 16 juin 2015, la présente décision devra être interprétée en tenant compte de ce changement législatif.

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