Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat des communications de Radio-Canada (FNC-CSN),

requérant,

et

Mme Z,

intimée,

et

Société Radio-Canada,

employeur.

Dossier du Conseil : 30498-C

Référence neutre : 2015 CCRI 752

Le 8 janvier 2015

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Elizabeth MacPherson, Présidente, et de Mes Judith MacPherson, c.r., et Graham J. Clarke, Vice-présidents.

Représentants des parties au dossier

Me Guy Martin, pour le Syndicat des communications de Radio-Canada (FNC-CSN);

Me François Garneau, pour Mme Z;

Me Marie Pedneault, pour la Société Radio-Canada.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la demande sans tenir d’audience.

I. Nature de la demande

[1] Le 11 juin 2014, le Syndicat des communications de Radio-Canada (FNC-CSN) (le syndicat ou le SCRC) a déposé une demande de réexamen de la décision rendue par le Conseil dans Mme Z, 2014 CCRI 727 (Mme Z 727). Le banc initial du Conseil avait tenu une audience les 14 et 15 janvier 2014 à Montréal.

[2] Deux membres du banc initial (la majorité) ont conclu que le SCRC avait violé l’article 37 du Code et avait manqué à son devoir de représentation juste. Par ailleurs, le membre dissident aurait rejeté la plainte. L’article 37 est libellé comme suit :

37. Il est interdit au syndicat, ainsi qu’à ses représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi à l’égard des employés de l’unité de négociation dans l’exercice des droits reconnus à ceux-ci par la convention collective.

[3] Dans sa demande de réexamen, le SCRC fait valoir, avec un affidavit d’un témoin à l’appui, que la preuve orale présentée lors de l’audience ne pouvait mener à certaines conclusions de fait du Conseil. Le SCRC soutient aussi que Mme Z 727 démontre que le Conseil s’est écarté des enseignements de sa jurisprudence.

[4] Dans sa réponse, Mme Z soutient que le Conseil ne devrait pas examiner l’allégation à propos des conclusions de fait puisque le SCRC n’a jamais demandé une transcription écrite lors de l’audience. L’absence de transcription empêche Mme Z de réfuter les allégations.

[5] Mme Z conteste également l’argument du syndicat selon lequel le Conseil s’est écarté des « enseignements de sa jurisprudence ». Mme Z soutient que les arguments du SCRC ne rencontrent pas les critères établis par la jurisprudence du Conseil pour justifier une demande de réexamen.

[6] Le Conseil a décidé de rejeter la demande de réexamen. Un réexamen n’est pas un appel. Un désaccord d’une partie à propos des conclusions de fait du banc initial n’est pas un motif de réexamen.

[7] Le SCRC n’a pas convaincu le Conseil non plus que l’interprétation du Code par la majorité constituait une erreur de droit ou de principe. Le fait que les membres d’un banc peuvent tirer des conclusions juridiques différentes après avoir entendu la preuve ne démontre pas, en soi, une erreur de droit ou de pratique.

[8] Voici les motifs de la décision du Conseil.

II. La décision faisant l’objet du réexamen

A. Chronologie des événements

1. Le 15 mai 2012

[9] À la suite de la réception d’une preuve vidéo de Mme Z montrant les actes de harcèlement de M. M, la Société Radio-Canada (l’employeur ou la SRC) a suspendu ce dernier. M. M était lui aussi membre de la même unité de négociation et occupait des fonctions de délégué syndical.

2. Le 17 mai 2012

[10] Mme Z a rempli un formulaire intitulé « Rapport d’incident violent » et l’a remis à la SRC.

3. Le 23 mai 2012

[11] La SRC a tenu une rencontre disciplinaire avec M. M en présence d’un délégué syndical, M. Rufo Valencia. Le nom de Mme Z a été mentionné à au moins deux reprises au cours de cette rencontre et M. Valencia a relaté ce renseignement à un autre représentant syndical. Le banc initial a précisé ce fait au paragraphe 6 de Mme Z 727 :

[6] Dans sa réponse à la plainte, le syndicat a initialement nié connaître l’identité de la prétendue victime de harcèlement. Toutefois, le procureur du syndicat a corrigé cet élément quelques mois avant la tenue de l’audience dans la présente affaire, après avoir rencontré M. Valencia. La preuve montre que le nom de la plaignante a été mentionné à au moins deux reprises au cours de la rencontre du 23 mai 2012, et ce renseignement a été relaté à M. Ubald Bernard, représentant syndical, qui avait demandé à M. Valencia d’accompagner M. M lors de la rencontre du 23 mai.

4. Le 28 mai 2012

[12] Lors d’une rencontre, la SRC a congédié M. M en alléguant une cause juste et suffisante. M. Valencia a également assisté à cette rencontre. Après le 28 mai, mais avant le 13 juin, M. Valencia a rencontré Mme Z pour environ 45 minutes pendant lesquelles il a exprimé ses regrets relativement à ce qu’elle a subi de la part de M. M.

5. Le 13 juin 2012

[13] Mme Z a alors déposé un grief contre la SRC, le SCRC et M. M, dans lequel elle réclamait une compensation pour les dommages causés.

6. Le 21 juin 2012

[14] Mme Z a été déclarée inapte à travailler.

7. Le 27 juin 2012

[15] Le procureur de Mme Z a indiqué au SCRC que cette dernière ne participerait pas à une enquête syndicale. Cette enquête avait pour but de déterminer si le SCRC devait ou non représenter M. M à l’arbitrage afin de contester son congédiement.

8. Le 18 juillet 2012

[16] Mme Z a informé le SCRC qu’elle renonçait au processus de médiation-arbitrage prévu à la convention collective et a demandé que son grief soit renvoyé à l’arbitrage.

9. Le 22 août 2012

[17] Le SCRC a refusé de renvoyer le grief de Mme Z à l’arbitrage et lui a reproché son refus total de collaborer à une enquête.

10. Le 30 août 2012

[18] Le SCRC a déposé un grief au nom de M. M contestant son congédiement.

11. Le 5 octobre 2012

[19] Mme Z a déposé sa plainte auprès du Conseil alléguant une violation par le SCRC de l’article 37 du Code.

12. Le 19 novembre 2013

[20] Environ 13 mois plus tard, le SCRC a informé Mme Z que, à la suite de ses discussions avec la SRC, son grief serait renvoyé à l’arbitrage.

13. Les 14 et 15 janvier 2014

[21] L’audience du Conseil a eu lieu à Montréal.

B. La décision de la majorité

[22] Dans ses motifs, la majorité a décrit en détail la preuve présentée par les divers témoins entendus pendant l’audience et a examiné la jurisprudence du Conseil portant sur le devoir de représentation juste auquel est tenu un syndicat. La majorité a noté qu’un syndicat se trouve toujours dans une situation difficile lorsqu’une plainte de harcèlement vise deux membres de la même unité de négociation :

[65] Par delà ces principes, le Conseil a souligné dans sa jurisprudence le défi auquel fait face un syndicat lorsqu’il doit représenter plus d’un de ses membres dans une situation de harcèlement au travail. Dans ces circonstances, le Conseil a précisé que le syndicat doit agir avec prudence et de façon judicieuse.

(caractères gras ajoutés)

[23] La majorité a constaté que le SCRC n’était pas entré en contact avec Mme Z avant le dépôt de son grief, malgré le fait qu’il avait connaissance de la situation. De plus, la majorité a trouvé curieux que le SCRC, dans ses observations écrites, avait maintenu pendant plus de un an qu’il n’était pas au courant de l’identité de Mme Z avant le dépôt de son grief le 13 juin 2012 :

[76] Ainsi, entre le 23 mai 2012 et le 15 juin 2012, personne du syndicat – ni M. Bernard, ni Me Morin, ni M. Levasseur, lesquels savaient ou auraient dû savoir, selon la preuve entendue, que Mme Z avait déposé la plainte de harcèlement – n’est entré en contact avec la plaignante pour faire enquête ou connaître sa version des faits. La seule personne ayant communiqué avec la plaignante pendant cette période était M. Valencia, mais il s’agissait d’une réunion informelle, entre collègues. De plus, sa participation au dossier était ténue, selon le témoignage de M. Levasseur.

[77] Il est pour le moins curieux que dans ses observations écrites déposées les 5 et 19 décembre 2012, soit plusieurs mois après le congédiement de M. M, le syndicat niait que le nom de la plaignante avait été mentionné lors de la rencontre du 23 mai 2012, et que ce ne serait que le 13 juin 2012, soit le jour où la plaignante a déposé son grief que le syndicat en avait été informé. Pourtant, dès le 23 mai 2012, M. Valencia a informé M. Bernard que la prétendue victime était Mme Z. La preuve révèle que ce n’est que vers le mois de septembre 2013, soit plus d’une année après les événements du 28 mai 2012, que le syndicat a admis que le nom de la plaignante avait été mentionné le 23 mai 2012.

(caractères gras ajoutés)

[24] La majorité a déterminé que le SCRC n’avait pris aucune mesure pour garantir son objectivité dans cette situation exceptionnelle :

[79] Une plainte de harcèlement sexuel est une affaire sérieuse qui pourrait avoir des conséquences importantes tant pour la personne qui se dit victime de harcèlement que pour celle qui est accusée de harcèlement. Or, dans la présente affaire, le syndicat n’a pris aucune mesure immédiate pour garantir son objectivité. M. Bernard a entrepris des démarches pour protéger les intérêts de M. M lorsqu’il a appris que ce dernier faisait l’objet d’une enquête disciplinaire et a envoyé M. Valencia assister aux réunions avec M. M et l’employeur. M. Levasseur a demandé à Me Morin de prendre en charge le dossier de M. M dès le congédiement de ce dernier.

[80] Dans la présente affaire, les actions du syndicat ne montrent pas qu’il a soupesé les intérêts divergents de ses deux membres. Avant même le dépôt du grief de la plaignante, les actions du syndicat démontraient un manque d’objectivité. En effet, le syndicat a entrepris plusieurs démarches pour protéger les intérêts de M. M, alors qu’aucune démarche n’a été entreprise auprès de Mme Z pour protéger les siens, lorsqu’il a pris connaissance de l’identité de la plaignante le 23 mai 2012. Ce n’est qu’après le dépôt du grief de la plaignante que le syndicat a décidé de communiquer avec cette dernière pour faire enquête. Ce faisant, le syndicat n’a pas séparé les deux dossiers et a demandé aux mêmes individus qui ont représenté les intérêts de M. M de mener l’enquête auprès de Mme Z.

(caractères gras ajoutés)

[25] La majorité a aussi examiné la décision de Mme Z, étant donné sa situation particulière, de ne pas rencontrer son syndicat :

[81] Par ailleurs, il est utile de rappeler que la plaignante réclamait également des dommages contre le syndicat dans son grief daté du 13 juin 2012. Sans se prononcer sur la validité d’une telle procédure, le Conseil estime qu’à tout le moins, le fait d’avoir nommé le syndicat dans le grief ajoute à la complexité de la situation et à l’obligation du syndicat d’agir avec prudence et de traiter le grief de Mme Z de manière objective, indépendamment du grief de M. M.

[82] Le syndicat reproche à la plaignante son manque de collaboration à l’enquête de son grief déposé le 13 juin 2012. Il soutient que, dès le 15 juin 2012, il voulait obtenir les faits entourant les événements relatés dans le grief de la plaignante, comme il le fait d’ailleurs pour tous les autres griefs, et que c’est pour cette raison qu’il aurait informé Mme Z, le 22 août 2012, qu’il ne renverrait pas le grief à l’arbitrage. Le syndicat soutient également que, n’ayant pu compléter son enquête, faute de collaboration de la part de Mme Z et de l’employeur, il n’a pas eu d’autre choix que de déposer un grief contestant le congédiement de M. M.

[83] Il est vrai que le syndicat a communiqué avec le procureur de la plaignante vers la mi-juin 2012 pour que cette dernière participe à une enquête relativement au grief qu’elle venait de déposer. Le 27 juin 2012, le procureur de la plaignante informait le syndicat que sa cliente avait été déclarée inapte à travailler et qu’étant donné que le grief avait été déposé contre M. M, l’employeur et le syndicat lui-même, elle ne divulguerait pas les éléments de sa preuve contre M. M.

[87] Ainsi, bien que la participation de la plaignante puisse être un facteur à prendre en compte dans l’évaluation de la conduite du syndicat, le fait que la plaignante n’a pas participé au processus d’enquête n’est pas déterminant en soi. Le Conseil estime que, s’il y a eu un manque de collaboration de la part de la plaignante dans la présente affaire, cela n’a pas pour effet d’exonérer le syndicat quant à sa conduite dans le cadre du traitement du grief de harcèlement de la plaignante.

(caractères gras ajoutés)

[26] La majorité a conclu que le SCRC avait agi de manière arbitraire :

[88] Le Conseil estime, à la lumière de la preuve présentée, que le syndicat avait en sa possession, dès le 28 mai 2012, des éléments de preuve importants lui permettant de comprendre l’ampleur des allégations et la nature extrêmement délicate du dossier mettant en cause un membre de l’unité contre un autre membre qui était également un délégué syndical. Il est utile de rappeler que M. Valencia avait rencontré la plaignante avant qu’elle soit déclarée inapte à travailler. M. Valencia avait également assisté aux réunions avec l’employeur et M. M. Toutefois, le syndicat n’a vraisemblablement pas tenu compte de ces éléments de preuve lors de son enquête. Il est utile de noter que le syndicat a décidé de poursuivre les intérêts de M. M, alors qu’il estimait que ce dernier n’avait pas non plus collaboré avec le syndicat dans le cadre de son grief de congédiement. Cela démontre que le syndicat avait déjà certains éléments de preuve importants et que le manque de collaboration ne l’a pas empêché de poursuivre les intérêts de M. M. Le syndicat a simplement décidé de poursuivre les intérêts de M. M au prétexte que Mme Z avait refusé de collaborer, sans prendre en compte les motifs sous-jacents à son refus de participer à l’enquête, ni les éléments de preuve qu’il avait déjà à sa disposition.

[92] Le Conseil estime qu’à la lumière de la preuve qui lui a été présentée, le syndicat s’est placé en situation de conflit d’intérêts à l’égard de Mme Z, et ce, face à une situation qui nécessitait une conduite prudente et judicieuse. Il s’agit non seulement d’un conflit mettant en cause deux membres d’une même unité, mais d’un conflit mettant en cause un membre contre un autre membre qui avait aussi le statut de délégué syndical.

[93] Le Conseil est d’avis que la démarche du syndicat, avant et après le dépôt du grief de la plaignante, l’amène à conclure que le syndicat, en l’espèce, a agi de manière arbitraire et a enfreint l’article 37 du Code.

(caractères gras ajoutés)

C. La dissidence

[27] Le membre dissident a examiné la conduite de Mme Z et son refus de rencontrer des représentants du SCRC et a conclu qu’une violation du Code n’avait pas eu lieu :

[115] La participation est donc un facteur déterminant lorsque le Conseil évalue la conduite du syndicat. Tout plaignant a le devoir d’informer le syndicat des possibilités d’un grief et de lui demander d’agir dans les délais prévus par la convention collective. La conduite du syndicat est alors examinée au moment du dépôt du grief. Le défaut de coopérer avec le syndicat entraîne habituellement le rejet de la plainte.

[120] À ce moment-là, la position de Mme Z est on ne peut plus clair. Elle ne veut pas de rencontres, ni de médiation, et tout ce qu’elle demande au syndicat c’est que le grief soit renvoyé à l’arbitrage.

[121] Les relations entre la plaignante et le syndicat sont devenues très difficiles pour ne pas dire irréconciliables. Le dépôt du grief contestant le congédiement du M. M le 30 août 2012 n’a pas arrangé les choses.

[125] Je suis d’avis que le syndicat est justifié de prétendre qu’il n’a rien à se reprocher. Il n’a jamais refusé de déposer un grief et il n’a jamais refusé de procéder à l’arbitrage. Il a bien tenté, et ce, à plusieurs reprises, d’obtenir les faits et de faire enquête, mais il n’a pas obtenu la collaboration ni de la plaignante, ni de l’employeur, ni même de M. M.

(caractères gras ajoutés)

III. Le réexamen

[28] Le réexamen n’est pas un appel ni une évaluation de novo de l’affaire initiale. Malgré le fait que l’article 44 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (Règlement) a été abrogé le 18 décembre 2012, cet extrait de Kies, 2008 CCRI 413, demeure pertinent :

[29] L’article 44 du Règlement n’est pas rédigé en des termes exhaustifs et il offre au Conseil la latitude nécessaire pour entendre les rares cas qui ne relèvent pas des motifs énumérés justifiant le réexamen décrits précédemment (voir Hurdman Bros. Ltd. (1982), 51 di 104; et 83 CLLC 16,003 (CCRT no 394)). Ces moyens énumérés démontrent que la procédure de réexamen n’est ni un appel ni une occasion pour une partie de plaider à nouveau l’affaire devant un nouveau banc.

(caractères gras ajoutés)

[29] Dans Williams c. Section Locale 938 de la Fraternité Internationale des Teamsters, 2005 CAF 302, la Cour d’appel fédérale a noté la distinction entre un appel et une demande de réexamen :

[7] Il m’est impossible de dire que la décision du Conseil sur la demande de réexamen était manifestement déraisonnable. Une demande de réexamen n’est pas une possibilité d’obtenir une nouvelle audience et ne constitue pas non plus un appel. Dans son examen de la décision initiale, la formation chargée du réexamen ne pouvait substituer sa propre appréciation des faits à celle de la formation initiale. En l’espèce, vu les faits dont elle a été saisie, la formation initiale a conclu que le syndicat avait le droit de ne pas poursuivre l’affaire et le demandeur n’invoque aucun fait ou motif nouveau qui pourrait modifier cette conclusion.

(caractères gras ajoutés)

[30] Dans Buckmire, 2013 CCRI 700 (Buckmire 700), le Conseil a réaffirmé que les critères traditionnels en matière de réexamen demeurent les mêmes, malgré l’abrogation de l’article 44 du Règlement :

[36] Les principaux motifs de réexamen, ainsi que les obligations du requérant concernant la présentation d’une demande de réexamen, demeurent les mêmes que ceux décrits ci-dessous. De même, les décisions rendues par le greffier aux termes de l’article 3 du Règlement peuvent toujours faire l’objet d’un réexamen.

1. Faits nouveaux

[37] Ce motif porte sur des faits nouveaux que le requérant n’a pas portés à la connaissance du Conseil quand il a initialement présenté sa cause. Il ne s’agit pas, pour le requérant, d’une occasion d’ajouter des faits qu’il avait négligé de faire valoir.

[38] Comme le résume la décision Kies 413, précitée, une demande de réexamen doit comporter, à tout le moins, les renseignements suivants au sujet des faits nouveaux qui sont allégués :

1. les faits nouveaux en question;

2. la raison pour laquelle le requérant n’a pu les présenter au banc initial;

3. en quoi ces faits nouveaux auraient amené le Conseil à une conclusion différente, eu égard à la décision faisant l’objet du réexamen.

[39] En règle générale, le banc initial examinera les demandes fondées sur ce motif, étant donné sa situation avantageuse pour ce qui est d’établir s’il y a bel et bien des « faits nouveaux » et de décider de leur incidence, le cas échéant, sur sa décision initiale.

2. Erreur de droit ou de principe

[40] Une présumée erreur de droit ou de principe doit véritablement remettre en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil. Le critère applicable comporte donc deux volets. Une simple divergence d’opinions sur l’interprétation d’une question de droit ou de principe ne justifie pas un réexamen.

[41] La question de droit ou le principe en cause doit également avoir été soulevé devant le banc initial.

[42] Si une erreur de droit ou de principe est alléguée, les éléments exigés pour la présentation du dossier demeurent les mêmes que ceux énumérés dans Kies 413, précitée :

1. une description du droit ou du principe en cause;

2. l’erreur exacte que le banc initial a commise dans l’application de ce droit ou principe;

3. la manière dont la présumée erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial.

 

 

3. Justice naturelle et équité procédurale

[43] Une demande de réexamen peut être fondée sur des allégations de non-respect, par le banc initial, des principes de justice naturelle ou d’équité procédurale.

[44] Conformément à la description donnée dans Kies 413, précitée, une demande présentée par une partie doit dans ce cas contenir au moins ce qui suit :

1. l’identification du principe exact de justice naturelle ou d’équité procédurale;

2. une description de la manière dont le banc initial n’a prétendument pas respecté ce principe.

E. Résumé des motifs principaux de réexamen

[45] On peut donc résumer comme suit les principaux motifs de réexamen :

a) des faits nouveaux que le requérant n’a pas pu porter à la connaissance du banc initial, mais qui auraient vraisemblablement amené le Conseil à tirer une autre conclusion;

b) la présence d’erreurs de droit ou de principe qui remettent véritablement en question l’interprétation du Code ou d’un principe;

c) le non-respect par le Conseil d’un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale;

d) toute décision rendue par un greffier aux termes de l’article 3 du Règlement.

[46] C’est en tenant compte des principes susmentionnés que le Conseil examinera la demande de M. Buckmire.

[31] En l’espèce, le banc de révision doit, par conséquent, déterminer si le SCRC a démontré qu’il existe des motifs justifiant le réexamen et non pas décider s’il préfère le raisonnement de la décision de la majorité ou celui du membre dissident.

IV. Points en litige

[32] Le paragraphe 32 de la demande du SCRC résume les trois motifs à l’appui d’un réexamen :

32. Avec respect pour le Conseil le SCRC soumet au Conseil que la décision de la majorité dans le présent dossier est irrationnelle en ce que :

a) les conclusions de faits que tire le Conseil quant aux manquements du SCRC a son devoir de juste représentation ne trouvent aucun appui dans la preuve et font fi de la preuve par ailleurs non contredite;

b) le Conseil s’écarte des enseignements de sa jurisprudence et se prête a une application erronée de celle-ci;

c) le Conseil n’a pas le pouvoir de rendre une ordonnance de la nature de celle qu’il a rendue en l’absence de manquement du SCRC a son devoir de juste représentation et se devait de rejeter la plainte.

[33] Nous allons examiner ces trois motifs dans les paragraphes qui suivent.

V. Analyse et décision

A. Les conclusions de fait que tire le Conseil quant aux manquements du SCRC à son devoir de juste représentation ne trouvent aucun appui dans la preuve et font fi de la preuve par ailleurs non contredite

[34] Le SCRC a déposé avec sa demande un affidavit de M. Alex Levasseur, qui avait témoigné devant le banc initial. Mme Z s’est opposé à la présentation d’une telle preuve étant donné l’absence d’une transcription écrite lors de l’audience tenue les 14 et 15 janvier 2014. Dans sa réplique au paragraphe 5, le SCRC a noté que « les témoignages entendus ne sont pas contradictoires quant aux éléments essentiels et déterminants du dossier eu égard à la question en litige ».

[35] Le Conseil n’autorise la transcription de ses audiences que dans des situations exceptionnelles. Cette politique existe depuis plusieurs dizaines d’années et s’inspire d’une modification au Code en 1978. Depuis 1978, les conclusions de fait du Conseil ne sont pas assujetties au contrôle judiciaire.

[36] La Cour d’appel fédérale a déjà examiné cette politique, qui a été mise en application initialement par notre prédécesseur, le Conseil canadien des relations du travail (CCRT), dans Eastern Provincial Airways Limited c. Conseil canadien des relations du travail et autre, [1984] 1 C.F. 732 :

La politique du Conseil à l’égard de l’enregistrement des procédures a fait l’objet d’une longue explication dans l’affaire Guilde de la marine marchande du Canada c. Canadien Pacifique Limitée [1980] 3 Can LRBR 87, aux pp. 91 et s. Le Conseil avait jusqu’alors l’habitude d’enregistrer ses procédures. Son changement de politique est fondé sur un double motif. La transcription intégrale était, à son avis, inutile à partir du moment où ses décisions n’étaient plus soumises au contrôle judiciaire quand les motifs étaient l’erreur de droit ou l’erreur absurde ou arbitraire dans une conclusion de fait. Pour diverses raisons, on a estimé qu’une transcription intégrale pouvait empêcher le Conseil de servir de « tribune aux protagonistes du domaine des relations du travail – les employés, les employeurs et les syndicats – pour devenir un prétoire pour les avocats ». Il faut observer que le Conseil tient diverses sortes d’audiences, et non seulement des audiences du genre de celles en cause en l’espèce. Le raisonnement invoqué pour ce changement de politique peut être plus plausible dans certains cas que dans autres.

On peut, à mon avis, conclure à juste titre, compte tenu des motifs de cette décision, que le Conseil jugeait qu’il serait plus à même de remplir sa mission si l’on dissuadait les parties de faire appel à la Cour. Le Parlement avait déjà exprimé son accord puisqu’il avait limité les motifs d’examen judiciaire au déni de justice naturelle et aux questions de compétence. Aux pages 95 et 96 du recueil, le Conseil poursuit en ces termes :

[TRADUCTION] Pour les mêmes raisons, nous avons décidé de ne pas permettre aux parties d’utiliser du matériel d’enregistrement au cours des auditions. Nous jugeons qu’une telle mesure irait à l’encontre du but que nous poursuivons puisqu’elle contribuerait à réintroduire, sur une base sélective, l’atmosphère que nous avons cherché à éliminer. Notre expérience nous a prouvé que si l’enregistrement présente peu d’avantages pendant la durée d’une audition, il peut par contre en présenter par la suite. Autrement, pourquoi les parties en voudraient-elles? Ces enregistrements peuvent servir, par exemple, à faire de la propagande écrite au sujet d’un conflit. Ils permettent également aux parties d’en faire passer des versions épurées à la radio ou à la télévision, de préparer de futurs témoins lorsqu’il y a exclusion des témoins ou ajournement, ou encore, de s’en servir à d’autres fins issues de leur imagination. Le Conseil ne permettra pas que ses procédures et ses efforts de médiation soient exposés à ces compromis latents.

Une autre raison évidente pour laquelle une des parties pourrait souhaiter avoir une transcription intégrale, et qui pourtant n’est pas mentionnée, serait de faciliter l’exercice de son droit de recours au contrôle judiciaire.

Il est indubitable qu’une transcription intégrale aurait facilité la tâche de la présente Cour. Toutefois, le refus d’autoriser EPA à enregistrer les audiences ne constitue pas, en soi, un déni de justice naturelle bien qu’il ait pour but, notamment, de rendre plus difficile le recours devant la présente Cour. Puisqu’elle s’appliquait aux deux parties à ce différend, et même à toutes les parties dans tous les litiges, la mise en œuvre de cette politique n’était pas inéquitable vis-à-vis de EPA, point de vue des procédures. Un tel refus expose toutefois le Conseil à un examen des questions relatives à la justice naturelle qui sera fondé sur les preuves fournies par les parties quant au déroulement des audiences, alors qu’il ne peut lui-même être entendu à cet égard, à moins qu’il ne choisisse de produire des affidavits et de permettre ainsi le contre-interrogatoire de ses déposants.

(pages 745-747)

[37] Le Conseil, n’étant pas une cour civile, n’enregistre pas ses audiences. Un tel formalisme ne serait pas compatible avec le rôle d’un tribunal des relations du travail.

[38] Ultimement, c’est au banc initial de déterminer les faits. Une preuve par affidavit qui cherche uniquement à contester les faits tels qu’ils ont été déterminés par le banc initial ne peut servir de fondement pour une demande de réexamen.

B. Le Conseil s’écarte des enseignements de sa jurisprudence et se prête à une application erronée de celle-ci

[39] Cet argument du SCRC nous semble plus être de la nature d’un appel que d’une demande de réexamen. Le SCRC aimerait que le banc de révision adopte le point de vue du membre dissident.

[40] Les paragraphes 35 à 41 de sa demande illustrent ce point :

35. Le SCRC soumet au Conseil que ces conclusions de la majorité font totalement abstraction de la preuve non contredite dont disposait le Conseil notamment du témoignage de M. Alex Levasseur.

36. En effet, tel qu’expliqué par ce dernier rien ne justifiait d’intervention du Syndicat auprès de la plaignante avant le dépôt du grief à moins d’une demande de cette dernière puisque la priorité pour le SCRC dans une situation de harcèlement est de s’assurer que les gestes de harcèlement cessent et que dans le présent cas, ils avaient cessé en raison de la suspension du « présumé harceleur ».

37. Il n’y avait donc pas lieu pour le SCRC d’intervenir auprès de la plaignante à moins d’une manifestation de cette dernière.

38. Avant le dépôt du grief par la plaignante, le 13 juin 2012, le Syndicat n’avait aucune information lui laissant croire que la plaignante souhaitait exercer un recours contre l’employeur tel que le reconnaît à juste titre le membre dissident du Conseil.

39. Pour conclure comme il le fait, le Conseil écarte sans motif les explications données par M. Alex Levasseur quant à l’absence d’intervention du Syndicat auprès de la plaignante.

40. De la même façon, le Conseil omet au paragraphe 76 de sa décision de tenir compte du fait que M. Valencia a invité la plaignante à faire appel au SCRC et à lui-même pour quoi que ce soit.

41. Partant, le Conseil exige d’un syndicat qu’il aille au-devant de ses membres pour vérifier s’ils souhaitent déposer un grief à l’encontre des actions de l’Employeur sans qu’il n’ait aucune indication en ce sens ce qui s’écarte de la jurisprudence du Conseil.

[41] Le SCRC invite le banc de révision à examiner la plainte initiale de novo et à appuyer le raisonnement du membre dissident. Ce n’est pas le rôle d’un banc de révision.

[42] Le banc initial a décrit les faits sur lesquels il s’est fondé pour rendre sa décision. Il n’y avait aucun désaccord entre la majorité et le membre dissident quant aux conclusions de fait. Le banc de révision accepte donc ces faits aux fins de la demande de réexamen.

[43] Le Conseil a déjà expliqué, dans Buckmire 700 comment un banc de révision doit examiner de prétendues erreurs de droit et de principe :

[40] Une présumée erreur de droit ou de principe doit véritablement remettre en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil. Le critère applicable comporte donc deux volets. Une simple divergence d’opinions sur l’interprétation d’une question de droit ou de principe ne justifie pas un réexamen.

[41] La question de droit ou le principe en cause doit également avoir été soulevé devant le banc initial.

[42] Si une erreur de droit ou de principe est alléguée, les éléments exigés pour la présentation du dossier demeurent les mêmes que ceux énumérés dans Kies 413, précitée :

1. une description du droit ou du principe en cause;

2. l’erreur exacte que le banc initial a commise dans l’application de ce droit ou principe;

3. la manière dont la présumée erreur remet véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial.

[44] Une différence d’opinions entre la majorité des membres d’un banc et un membre dissident n’équivaut pas à une erreur de droit ou de principe. L’appréciation de la preuve entendue peut mener à des opinions différentes, comme dans l’affaire à l’étude, sans pour autant créer une erreur de droit ou de principe.

[45] Dans l’affaire faisant l’objet du réexamen, le membre dissident a examiné les gestes de Mme Z et est arrivé à la conclusion que les agissements de cette dernière avaient empêché le SCRC de représenter ses intérêts. Il a donc conclu que, sans une meilleure collaboration de la part de Mme Z, le SCRC n’avait aucune autre obligation aux fins du Code.

[46] La majorité a adopté une perspective plus large. Elle a soulevé le contexte exceptionnel mettant en cause une situation de harcèlement sexuel. Par exemple, la majorité a pris en considération le devoir d’un syndicat dans le cadre d’une plainte de harcèlement sexuel visant deux membres de l’unité de négociation. La majorité a aussi pris en considération le fait que l’un des membres visés était aussi un délégué syndical.

[47] La majorité a tenu compte de la connaissance des faits par les représentants du SCRC ainsi que de leurs agissements avant et après le dépôt par Mme Z de son grief. Dans son grief, Mme Z a demandé des mesures de redressement contre la SRC, M. M et le SCRC.

[48] Dans le cadre de la présente affaire, le SCRC ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer au banc de révision l’existence d’une erreur de droit et que cette erreur remettait véritablement en question l’interprétation donnée au Code par le banc initial.

[49] La différence d’opinions entre la majorité et le membre dissident dans l’affaire faisant l’objet du réexamen provient d’une appréciation différente de la preuve orale. Une telle différence ne constitue pas un motif de réexamen.

C. Le Conseil n’a pas le pouvoir de rendre une ordonnance de la nature de celle qu’il a rendue en l’absence de manquement du SCRC à son devoir de juste représentation et se devait de rejeter la plainte

[50] Étant donné la conclusion exposée ci-dessus, il est clair que la majorité avait le droit d’ordonner des mesures de redressement en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 99 du Code.

[51] Pour tous les motifs susmentionnés, le Conseil rejette la demande de réexamen.

[52] Il s’agit d’une décision unanime.

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